Le répit aura été de courte durée pour le gouvernement. Après la décision des agences de notation de ne pas sanctionner la France, l’exécutif s’est retrouvé sur le gril de l’Assemblée nationale ce lundi 29 avril. À la demande du président de la Commission des finances Eric Coquerel (LFI), le gouvernement a dû s’expliquer sur l’orientation budgétaire pour les prochaines années. « Ce programme de stabilité représente l’échec de votre politique passée et annonce l’échec de votre politique à venir. Après votre surestimation de la croissance pour 2024, vous proposez une trajectoire profondément revisitée. À l’automne, toutes les oppositions s’accordaient déjà sur le manque de crédibilité de cette trajectoire. ll n’est pas crédible de tabler votre budget 2024 sur 1% de croissance », a taclé le député de Seine-Saint-Denis (LFI).
Dans un hémicycle aux rangs clairsemés, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire est venu rappeler les objectifs de l’exécutif. « Maintenant que le Covid et l’inflation sont derrière nous, nous devons reprendre la trajectoire des finances publiques. Nous sommes le gouvernement qui va faire revenir le déficit sous les 3% d’ici à 2027. C’est une question de souveraineté et de liberté », a déclaré le locataire de Bercy. À quelques semaines des élections européennes, la question des finances publiques est redevenue un sujet brûlant. Le gouvernement a certes échappé aux récriminations des agences Fitch et Moody’s mais la décision de Standard and Poor’s programmée fin mai devrait à nouveau remettre la pression sur l’exécutif.
Une croissance prévue à 1,4% en 2025
Réagissant au verdict des agences, le ministre des Finances a rappelé dans un communiqué que « sa stratégie » était fondée « sur la croissance et le plein emploi, les réformes de structure et la dépense publique ». Dans son programme de stabilité envoyé à la Commission européenne mi-avril, l’exécutif a détaillé ses prévisions de croissance jusqu’en 2027. La croissance du produit intérieur brut (PIB) serait de 1% en 2024, 1,4% en 2025, 1,7% en 2026 et 1,8% en 2027. « Heureusement que le gouvernement a révisé sa croissance de 1,4% à 1% pour 2024 », confie un haut fonctionnaire, très bon connaisseur des questions budgétaires.
S’agissant de 2025, la Banque de France table sur une accélération « significative » de l’activité de 1,5% après 0,9% en 2024. « La désinflation est le moteur de la reprise », souligne ce spécialiste. « Le potentiel de croissance de la France devrait être supérieur à celui de la zone euro mais cela reste très faible », a tout de même nuancé, Michel Martinez, chef économiste Europe de la Société générale, lors d’un point presse vendredi 26 avril.
20 milliards d’économies déjà prévues en 2025
En plein marasme budgétaire, le gouvernement a déjà annoncé 20 milliards d’économies en 2025. Après 20 milliards d’euros en 2024, ces nouvelles coupes pourraient peser sur l’activité. « Le paquet budgétaire pourrait avoir un impact budgétaire modérément restrictif », espère un ancien conseiller ministériel à Bercy. Sur ce point, les économistes de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) ont révisé à la baisse leurs prévisions de croissance pour 2024 et 2025. Pour 2024, les économies déjà programmées ont contribué à dégrader la prévision de croissance de 0,8% à 0,5%.
Concernant 2025, la croissance du PIB pourrait être amputée de 0,6 point passant de 1,8% à 1,2%. Avec 1,4%, la prévision du gouvernement s’inscrit dans le haut du consensus des économistes (1,3%) pour 2025. A ce stade, il est encore difficile d’avoir le détail des coupes budgétaires mais elles devraient concerner les dépenses de sécurité sociale et les collectivités locales. « Les finances publiques peuvent ralentir la croissance économique s’il y a un durcissement », prévient Michel Martinez. L’un des points « discutables » dans le scénario du gouvernement est que « le potentiel de croissance repose sur des gains de productivité très élevés », ajoute l’économiste de la Société Générale. Or, la productivité par tête a brutalement marqué le pas en France depuis la crise sanitaire. Dans l’industrie, le secteur est très loin d’avoir retrouvé les gains de productivité de la période pré-pandémie selon de récents calculs de la Banque de France.
Rebond du pouvoir d’achat : le pari risqué du gouvernement en 2025
A Bercy, les conseillers de Bruno Le Maire espèrent également que le ralentissement des prix redonne des gains de pouvoir d’achat aux salariés. Reste à espérer que les hausses de salaires suivent l’évolution de l’inflation en 2024. Ce qui est, à ce stade, loin d’être gagné. Depuis le fort rebond économique post-covid en 2021, beaucoup d’entreprises ont beaucoup moins de marges de manœuvre financières.
Et, une grande partie des travailleurs ont enregistré une perte de pouvoir d’achat depuis 2022 en raison de la désindexation des salaires sur les prix, à l’exception des salariés au SMIC. Ce qui a provoqué une perte de revenus et un « écrasement » de l’échelle des salaires dans le bas de la distribution. Les mesures de partage de la valeur (primes d’activité, primes de fin d’année) ont permis certes de doper le revenu des salariés mais elles n’ont pas compensé totalement la poussée de fièvre des prix sur l’alimentaire et l’énergie. Face à cette situation délicate, les économistes Antoine Bozio (IPP) et Etienne Wasmer (New York University) doivent livrer leurs conclusions au mois de juin pour redonner du pouvoir d’achat aux bas salaires.
2025, année d’une aggravation du chômage ?
L’autre difficulté pour le gouvernement est que la remontée du chômage pourrait se poursuivre en 2025. En effet, la fermeture progressive des aides aux entreprises et le coup de frein de l’activité a déjà provoqué une hausse du chômage en France fin 2023. D’ici à 2025, il pourrait même grimper à 7,9% de la population active selon les dernières prévisions de l’OFCE. Dans sa lettre adressée au président de la République, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, ne croit plus à l’objectif du chef de l’Etat de revenir au « plein emploi » d’ici à 2027. Sans perspectives économiques favorables, certains secteurs ont commencé à tailler à vif dans leurs effectifs à l’instar du groupe Casino frappé par de vastes difficultés financières. D’autres plans sociaux pourraient être annoncés dans les mois à venir, compromettant la promesse présidentielle. Un coup dur pour la majorité sous la menace d’une motion censure à l’Assemblée nationale.
Plein emploi en 2027 : François Villeroy de Galhau ne croit plus à la cible d’Emmanuel Macron
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