« Je n’ai pas agi contre Donald Trump, mais pour le peuple américain »

Le monde entier connaît Anthony Fauci. Directeur de l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses au sein de l’agence américaine de la recherche médicale (les National Institutes of Health, NIH) de 1984 à 2022, il a été conseiller en chef pour la santé publique de sept présidents successifs des Etats-Unis, de Ronald Reagan à Joe Biden. Mais ce sont ses prises de position pendant la crise du Covid-19, parfois en opposition avec son patron Donald Trump, qui l’ont rendu célèbre. Venu à Paris à l’occasion du colloque sur les 40 ans de la découverte du sida, qui s’est tenu à l’Institut Pasteur, du jeudi 29 novembre au samedi 1er décembre, le tout récent retraité revient, à 82 ans, sur les deux pandémies qui ont marqué sa vie.

Qu’est-ce que le sida a changé dans l’approche des maladies infectieuses ?

Beaucoup de choses, tant dans le domaine scientifique que dans celui de la santé publique. Côté santé publique, dès les premières années, nous avons pu voir l’impact négatif de la stigmatisation des populations, en raison de leur mode de vie et du risque d’infection qu’ils couraient. C’est un élément majeur que nous avons appris ensuite à prendre en compte. Sur le plan scientifique, le VIH a été essentiel pour les maladies infectieuses en général, pour la virologie en particulier, notamment pour la mise au point de médicaments antiviraux et le développement d’une meilleure compréhension des mécanismes régulateurs du système immunitaire.

C’était une maladie si extraordinaire que dans le monde entier, ici à Pasteur, et dans mon institution, aux NIH, nous avons investi des sommes incroyables. Avec des résultats majeurs. En 1983 a été découvert, ici en France, le virus responsable de l’infection, puis nous avons mis au point le premier médicament, en 1986, aux résultats mitigés, puis les trithérapies, en 1996. Nous sommes arrivés à la conclusion qu’une combinaison de plusieurs médicaments différents pouvait sinon supprimer le VIH, du moins permettre à une personne de vivre pratiquement normalement. C’est donc une leçon importante en matière de maladies infectieuses : chaque fois que vous avez un objectif, les moyens nécessaires et un mandat pour appliquer vos capacités scientifiques, presque tout est possible.

Le sida, c’est aussi l’irruption sur la scène sanitaire des associations de malades…

Oui, et c’est là encore un bouleversement. Le sida nous a appris toute l’importance de tenir compte des contributions des groupes qui sont atteints par la maladie, ou qui risquent de la contracter. Ils nous ont fait comprendre que les protocoles très stricts établis pour les essais cliniques leur promettaient une mort presque certaine avant d’avoir une chance de profiter des médicaments. Au début, la communauté scientifique ne voulait rien avoir à voir avec ces activistes. Ils sont donc devenus très batailleurs, théâtraux, iconoclastes. Jusqu’à ce qu’on – moi en particulier – leur prête une véritable attention. Et quand j’ai écouté ce qu’ils disaient, c’est devenu clair pour moi : ils avaient raison. Et, si j’étais à leur place, j’aurais fait pareil. La communauté scientifique a fini par comprendre que, même s’ils n’étaient pas scientifiques, ils avaient des informations et un point de vue important à apporter sur la conception des essais cliniques, sur l’importance de la flexibilité dans l’approche réglementaire des médicaments. Cette leçon a été mise à profit, bien au-delà du VIH, pour de nombreuses maladies.

Il vous reste 75% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Crédit: Lien source

Les commentaires sont fermés.