Atiwa est la nouvelle création d’Uwe Rosenberg chez Look Out Spiele, un auteur que l’on peut qualifier de prolifique, puisque depuis Agricola, il a réalisé 31 jeux. Le bonhomme exploite souvent le thème de l’agriculture ou ses dérivés, à travers les âges et les contrées.
Atiwa ne déroge pas à cette règle puisque nous allons produire des fruits, des arbres (ça va avec) et des chauve-souris (oui oui). Ce nouvel opus est né d’une prise de conscience de ce cher Uwe, qui suite à un voyage au Ghana, découvre à la fois le rôle des chauves-souris sur la biodiversité, les effets de l’exploitation minière et même l’histoire politique du Ghana avec sa colonisation, sa libéralisation avec les multinationales qui pillent et détruisent la terre, etc. En plus d’en faire un jeu, il a même écrit un livre qui n’est malheureusement disponible qu’en allemand. Mais revenons au jeu.
Dans la forêt d’Atiwa
Nous allons gérer une petite communauté près de la forêt d’Atiwa, une région d’Afrique proche du Ghana. Pour cela, nous devons développer cette communauté en accueillant de nouvelles familles qui vont récolter de l’or, ce qui aura des effets positifs, mais pas uniquement.
Concrètement, nous sommes dans un mécanisme de pose d’ouvriers, chacun son tour on pose un de ses trois ouvriers sur un emplacement libre. Planter des arbres, recueillir des animaux sauvages, élever des chèvres, agrandir notre village sera notre quotidien. Sans oublier d’accueillir les roussettes, ces fameuses chauves-souris qui mangent des fruits et excrètent les graines sur de vastes superficies, ce qui a pour effet de reboiser la région.
En fin de manche, chaque famille nous a apporté de l’or si elles sont sensibilisées, sinon, on piochera un marqueur pollution qui nous donnera peut-être de l’or, mais surtout viendra, comme son nom l’indique, polluer nos sols et éventuellement détruire ce qui s’y trouvait. Il est donc impératif de faire grandir son village, mais surtout de les sensibiliser pour qu’elles arrêtent de polluer et qu’elles nous apportent de l’or.
Ce qui nous intéresse en particulier, c’est la fin d’une manche durant laquelle il faudra nourrir nos familles. Avant cela, la biodiversité va faire son œuvre. De manière procédurale (oui c’est moins poétique), on va suivre ce que nous indique notre plateau. En premier lieu on regarde combien nous avons placé d’animaux sauvages, ce qui a pour effet de planter un ou plusieurs arbres sur des cartes de notre territoire, puis nous avons notre récolte de fruits en fonction du nombre d’arbres, ce qui a aussi pour effet de faire venir des Roussettes. Si cela reste procédural, on retrouve une jolie logique thématique qui symbolise bien les différents éléments de la nature, il est fort Uwe quand même.
Les règles en vidéo dans ce ludoochrono.
À table !
Pour nourrir nos familles, nous n’avons que l’embarras du choix : de la brochettes de Roussette pour les familles non sensibilisées, des fruits, des animaux sauvages ou du lait si l’on a élevé des chèvres. L’or permet aussi de sustenter les familles (on imagine qu’ils vont le dépenser pour s’alimenter).
En général dans un jeu de Rosenberg, cette phase est ultra tendue et donne lieu à des dilemmes très forts, hum mes deux moutons se sont reproduits, je vais devoir manger le bébé pour nourrir ma famille. Ici ce n’est pas le cas, à moins de vous y être pris comme des billes, vous arriverez toujours à nourrir tout le monde, même si l’auteur a prévu quand même le coup, en vous sanctionnant de deux points en moins que vous irez directement noter dans le carnet. Il n’existe pas de pions à cet effet, cela ne doit pas arriver, qu’on se le dise.
Tout le dilemme réside surtout dans la construction de son moteur de jeu : tout ce que l’on utilise pour faire becqueter nos familles rejoint notre plateau joueur et réduit donc de fait nos productions futures, il nous faut donc trouver un subtil équilibre. On ne se sent donc pas pris à la gorge comme dans un Agricola, mais on est tout de même embêté de réduire notre production d’arbres, fruits, etc. Pour héberger des roussettes il faut soit des familles sensibilisées, soit des arbres, il nous faut donc en planter rapidement. À chacune de nos poses d’ouvriers, on peut éventuellement dépenser un fruit et placer sur notre carte nuit trois Roussettes, cela symbolise le vol nocturne de ces mammifères qui vont parcourir des hectares de terre et excrémenter le territoire. Dans le jeu, cela permet de faire pousser un nouvel arbre. En fin de manche, nos cheiroptères reviennent sur notre village.
Le cycle éternel
Et on repart pour un tour, plus notre village se développe et plus notre espace grandit, notre plateau se dépeuple, puis se repeuple, etc. On en ressent une dommageable sensation de répétition qui colle bien avec le thème, mais qui n’en reste pas moins préjudiciable pour moi.
Mécaniquement, c’est assez fluide et élégant. On va développer notre village pour y placer de plus en plus de ressources dessus, pour construire notre revenu. Plus on a de familles et plus on va potentiellement gagner de points de victoire, mais cela a un coût, nourrir ces nouveaux venus et même déforester pour construire de nouvelles habitations. Ces familles arrivent sans formation et il faut rapidement les sensibiliser pour ne pas polluer. Là encore on va devoir faire des choix. Installer plein de familles c’est bien (cela rapporte des points de victoire), mais il ne faut pas aller trop vite car elles vont épuiser nos ressources, thématiquement c’est bien intégré.
Le travail d’illustration d’Andy Elkerton est tout en douceur et subtilité, avec un travail d’ergonomie et d’iconographie remarquable, ce n’est qu’ensuite qu’on porte plus d’attention aux petits détails avec ces familles qui s’affairent, ces paysages de forêt et de désert.
Si on compare Atiwa aux eurogames qui ont marqué notre année comme un Darwin’s Journey, un Zhanguo, un Revive ou même un Nucléum, il est évident qu’il ne va pas faire le poids, il est finalement assez classique, tout en proposant une belle épure mécanique. Il est aussi assez compliqué de le comparer à d’autres productions de l’auteur, il n’a pas l’aridité d’un Agricola, la profusion d’un Hallertau, (et sa mécanique d’évolution de village peu élégante). Atiwa reste stimulant le temps de quelques parties. Il a son charme discret avec son flux et reflux et son subtil équilibre, ses dilemmes et son propos bien amené, et c’est bien assez pour se faire une place au soleil.
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