Si la mode a toujours été éphémère , avec la fast fashion , elle est désormais devenue périssable. Et ceux qui vivent en bout de chaîne de cette mode à bas coût sont au bord de l’asphyxie.
“ Obroni Wawu !”, “les habits de l’homme blanc mort”. C’est l’expression en langue Twi pour décrire les vêtements de seconde main. Car qui de sensé – et en bonne santé- pourrait jeter des habits encore portables ? Et pour les 33 millions d’habitants de ce pays anglophone d’Afrique de l’Ouest, considéré comme l’une des démocraties les plus stables de la région (qui a toujours fait ce que le FMI et la Banque Mondiale lui demandaient et qui est aujourd’hui au bord de défaut de paiement avec une inflation galopante), il est impensable de gâcher. Pour nous ce sont des déchets, ici c’est une ressource.
Ce sont donc pas moins 260 000 tonnes de vêtements de seconde main qui débarquent chaque année au port d’Accra, d’un peu partout dans le monde, pour y connaître une seconde vie. 15 millions de vêtements usagés par semaine, qui sont triés, revendus, recyclés retaillés par 30 000 travailleurs (grossistes, détaillants, tailleurs, retoucheurs, acheteurs et porteuses -qui se cassent le dos pour une misère). Des trésors d’ingéniosité déployés pour une véritable économie circulaire, où presque tout peut être réutilisé. 160 tonnes y sont traitées par jour, dont une partie repart, une fois triée, vers tous les pays voisins d’Afrique de l’Ouest.
Sauf qu’avec les nouveaux modes de production et de consommation de la fast fashion, la donne est en train de changer à vitesse accélérée. Car avec cette mode jetable, la qualité des vêtements d’occasion qui arrivent au Ghana baisse d’année en année. Au point d’être inutilisables. Résultat-en plus d’un bilan carbone carbonisé : des vêtements de mauvaise qualité, fabriqués dans des mauvaises conditions finissent mal… Et Accra croule sous les déchets polluants, à des milliers de km des ateliers de confection ou des écrans des influenceurs.
Zoom Zoom Zen
55 min
Et le pays n’a pas les infrastructures pour traiter ces déchets : autour de la capitale, plus d’une dizaine de décharges « légales » ont dû être fermées ces dix dernières années tellement elles débordaient. Comme la décharge sauvage d’Old Fadama, en bord de lagune, qui se déleste dans la mer au premier orage venu, inondant les plages et contaminant l’environnement de microplastiques et de microfibres.
Et c’est pourquoi certaines voix sur place s’élèvent contre ce qu’elles appellent un “colonialisme des déchets « , et refusent de finir en poubelle de la mode périssable.
La France est actuellement le seul pays en Europe à disposer d’une une taxe sur Responsabilité élargie des producteurs textile qui les oblige à contribuer à la fin de vie des vêtemetns sur le principe du « pollueur payeur ». Un peu plus de 51 millions d’euros ont été collectés en 2021 par l’éco-organisme Refashion ), une goutte d’eau par rapport aux 250 000 tonnes récoltées chez nous, mais surtout les fonds récoltés restent en France, alors que les vêtements, eux, sont exportés. Si bien que le poids de nos modes de consommation fast fashion repose entièrement sur les épaules des marchandes de Kantamanto et des pêcheurs de Jamestown.
La Terre au carré
54 min
Et voilà pourquoi beaucoup, comme la Or Foundation et le collectif The Revival , se battent pour que les marques de fast fashion soient obligées de payer pour les déchets textiles qu’elles contribuent à faire déferler sur les côtes Ghanéennes. Reportage Giv ANQUETIL
Réalisation Marie PASQUET
Montage Karen DEHAIS
Traduction Justice BAIDO
Programmation Musicale
King Ayisoba – “Africa needs Africa “ Gyedu-Blay Ambollay – “Africa Yie” Ebo Taylor -” Conflict”
Rob Ghana – “Make it Fast” Orchestra Lissanga – “Okuzua”
Crédit: Lien source
Les commentaires sont fermés.