Très critiqué pour sa gestion de la crise économique, le pouvoir ghanéen tente de se mettre en ordre de bataille avant les élections générales – présidentielle et législatives – du 7 décembre. Le chef d’Etat sortant, Nana Akufo-Addo, qui achève son deuxième mandat, ne pourra pas se représenter et laissera son vice-président, Mahamudu Bawumia, porter la bannière du Nouveau Parti patriotique (NPP, au pouvoir).
Mercredi 14 février, Nana Akufo-Addo a annoncé un vaste remaniement de son gouvernement, au cours duquel treize ministres et dix vice-ministres ont été remplacés. Parmi eux, le ministre de l’intérieur, ceux de l’information et du tourisme, ainsi que le ministre de la santé Kwaku Agyeman Manu, impliqué dans plusieurs scandales sanitaires et accusé en 2020 d’avoir dissimulé sa contamination au Covid-19, ce qui avait provoqué une vague de panique au sein du gouvernement.
Mais c’est surtout le départ du très impopulaire ministre des finances, Ken Ofori-Atta, qui a retenu l’attention, alors que le Ghana est plongé depuis 2022 dans le marasme économique, avec une dette massive et une dépréciation de sa monnaie, le cedi. Le Fonds monétaire international (FMI) avait déclaré fin janvier que le taux d’inflation, en baisse constante depuis six mois, était retombé à 23,2 % en décembre 2023 et « allait dans la bonne direction ».
Mais il est remonté contre toute attente à 23,5 % en janvier, détruisant les espoirs timides d’une embellie prochaine. La situation économique du pays devrait occuper une place centrale dans les débats de la campagne présidentielle, et Ken Ofori-Atta, en fonction depuis 2017, en est tenu largement responsable par une grande partie de l’opposition, des économistes et des électeurs.
Ken Ofori-Atta devient premier conseiller sur l’économie
Certains observateurs en ont conclu, un peu vite, que Nana Akufo-Addo sanctionnait son ministre pour ses mauvais résultats et faisait place nette pour son successeur, Mohammed Amin Adam, auparavant ministre adjoint de l’énergie chargé de superviser le secteur crucial du pétrole. « Mais pas du tout ! corrige, sarcastique, un observateur de la politique ghanéenne. Le président Akufo-Addo ne ferait pas ça à Ken Ofori-Atta, qui est son propre cousin et, de plus, un sponsor de sa campagne présidentielle. »
Le chef de l’Etat avait déjà promis que Ken Ofori-Atta quitterait ses fonctions lorsque le Ghana aurait reçu du FMI son prêt de 3 milliards de dollars de renflouement, selon un accord passé en décembre 2022 avec l’institution. Le pays a reçu un premier décaissement de 600 millions de dollars fin janvier, et le président Akufo-Addo semble avoir tenu sa promesse.
Sauf que Ken Ofori-Atta n’est pas évincé pour autant. Selon la radio ghanéenne Asaase, l’ancien ministre devrait être nommé premier conseiller sur l’économie auprès du président. Il se verrait ainsi confier la responsabilité d’attirer des investisseurs internationaux au Ghana, grâce à un vaste réseau construit au cours de sa précédente carrière dans la finance privée. Si cette nomination est officialisée, « cela signifierait qu’il sera chargé de négocier, ou au moins d’influencer, les accords les plus importants, explique Franklin Cudjoe, directeur du cercle de réflexion ghanéen Imani. Il pèsera en fait plus lourd que le ministre des finances. »
Loin du bouleversement anticipé, le remaniement ministériel est en fait « cosmétique », juge Franklin Cudjoe, qui pointe que six des neuf ministres nouvellement nommés seront candidats aux élections législatives de décembre. « Ils commenceront à travailler courant ou fin mars, estime-t-il, et, en août au plus tard, ils entreront en campagne pour conserver leur siège. Qu’auront-ils accompli pour améliorer la situation économique ? »
Un remaniement « mort-né »
A l’inverse, la plupart des ministres remerciés venaient de perdre les primaires du NPP et n’auraient pas pu participer sous les couleurs du parti aux élections législatives. Une preuve de plus, pour Chris Atadika, chercheur en communication politique et militant de la société civile, que le remaniement n’est « qu’une stratégie de repositionnement », visant surtout à « préparer la “guerre” électorale qui s’annonce en décembre ».
Du côté du principal parti d’opposition, le Congrès national démocratique (NDC), le chef adjoint de la minorité parlementaire Emmanuel Armah-Kofi Buah a estimé sur le réseau social X que ce remaniement était « dead on arrival », expression traduisible par « mort-né ». Le changement, « attendu depuis longtemps, intervient à un moment où le gouvernement est déjà en train de s’effondrer », a-t-il déclaré. « Le président avait amplement l’occasion de remanier les ministres qu’il avait nommés, en particulier lorsque leurs performances étaient exécrables et que le pays était confronté à une crise économique », a rappelé M. Buah, dénonçant « un gouvernement qui attend la dernière minute pour donner l’impression trompeuse de s’attaquer aux problèmes ».
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Economistes et membres de la société civile réclamaient également que le gouvernement donne l’exemple, en ces temps d’austérité, en réduisant le nombre de ses ministères pour économiser l’argent public. Là aussi, ils ont été déçus : malgré la valse des portefeuilles, il reste toujours 86 ministres en fonction au Ghana.
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