L’alimentation des jeunes est-elle vraiment devenue plus saine ?


Après la beauté, le sport, la mode et le style de vie, la « food » est la 5e thématique la plus consultée sur les réseaux sociaux par la jeune génération. Avec environ 106 millions de posts « healthy » recensés sur Instagram, cette génération est très sensibilisée à l’impact de l’alimentation sur la santé. « Elle est à la recherche d’une consommation plus saine, même si cela ne se traduit pas par des actes », expliquait début février Pascale Ezan lors de la Chaire Unesco Alimentation du monde, organisée début février à Montpellier et intitulée Mangez jeunesse !.

Coordinatrice du projet ALIMNUM de l’Université de Rouen-Normandie, réunissant une vingtaine de chercheurs de plusieurs disciplines, la chercheuse insiste sur le fait que les influenceurs et créateurs de contenus sont devenus des vecteurs de légitimité chez les jeunes, séduits par un design culinaire vendeur. « En se présentant dans leur intimité, ces passionnés proposent des plats instagrammables, qui parlent plus aux followers que le discours vertical des politiques publiques », explique-t-elle.

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Si « la promotion du beau pour promouvoir le bon » constitue, selon l’étude, une source d’information et de motivation, elle reflète avant tout des stéréotypes que l’on pensait pourtant éloignés de cette génération. Avec les risques que cela comporte. « Attention aux pratiques à risques, sans lipides, avec des repas peu caloriques et des portions trop réduites », alerte Pascale Ezan.

À la recherche de la minceur et du muscle

« Par manque de connaissances sur le sujet, on a beaucoup d’a priori sur le comportement alimentaire des jeunes générations, en imaginant des ruptures flagrantes avec la génération précédente », remarque Damien Conaré, secrétaire général de la Chaire alimentation à l’Institut Agro de Montpellier. Pourtant, les premiers résultats de l’étude montrent que l’alimentation fonctionnelle est institutionnalisée. « Pour les jeunes filles, manger reste vecteur de bien-être inscrit dans la recherche de la minceur, et pour les garçons, un moyen de se consacrer au sport. »

Les préoccupations environnementales semblent donc bien loin d’être des priorités. Aurélie Zunino, responsable de projets en alimentation durable à AgroParisTech, rappelle les chiffres de l’Ademe : « En 2023, 79 % des 18-25 ans déclarent accorder de l’importance à des sujets environnementaux, 80 % souhaitant tout de même être mieux informés. Et 44 % sont prêts à réduire leur consommation de viande, même s’ils restent de grands consommateurs. » Un décalage entre les intentions et les actes.

L’alimentation comme variable d’ajustement

Les principaux freins : le prix et la praticité. Damien Conaré rappelle « qu’être une génération, c’est partager une expérience commune, et que cette expérience est malheureusement la précarité ». Un constat terrible fait depuis quelques années par les associations étudiantes, qui alertent à chaque rentrée les pouvoirs publics.

L’an dernier, Let’s food et le Réseau étudiant pour une société écologique et solidaire (Reses) rappelaient dans une campagne choc que « les étudiants ont encore faim ! ». Malgré les aides et les tarifs proposés par le Crous, « le nombre d’étudiants bénéficiaires de l’aide alimentaire a augmenté de 12 % entre janvier 2020 et décembre 2021 », précise Let’s food.

Les étudiants ne représentant que 46 % des 18-24 ans, les jeunes travailleurs ou au chômage restent hors radar. « Avec des dépenses contraintes de logement de plus en plus élevées, l’alimentation devient une variable d’ajustement. C’est alarmant », insiste Damien Conaré.

Scroller pour manger

Aurélie Zunino confirme une fragilité en termes de nutrition et de santé. « Elle est faiblement diversifiée avec des produits transformés fréquents. » Avec le compte Instagram et la BD Je mange pour le futur, la chaire ANCA d’AgroParisTech commence à décrypter les comportements alimentaires des jeunes, et cherche à les sensibiliser à la végétalisation des assiettes.

« Il ressort de notre étude qu’ils aimeraient consommer davantage de fruits et de légumes, mais sont empêchés économiquement. Ils n’ont pas d’idées de recettes pour remplacer la viande, ne savent pas par où commencer, et déclarent que la cuisine n’est pas compatible avec leur mode de vie. » Pascale Ezan parle d’une « alimentation par procuration ». Elle explique : « Ils préfèrent passer du temps à consommer des plats en scrollant des recettes plutôt qu’à se préparer un bon petit plat, on est dans le paradoxe total. »

Damien Conaré se veut malgré tout rassurant. « Ce miroir grossissant des réseaux sociaux semble se concentrer sur une période donnée. » « En effet, confirme Aurélie Zunino, on peut voir des formes de transgression diététique à un âge de construction de l’autonomie. » Plus tard, on revient sur des habitudes alimentaires héritées, et c’est là que l’on voit l’impact de la culture alimentaire familiale. « Et si l’on revenait à des cours de cuisine au collège ? interroge Damien Conaré. J’en ai suivi dans mon enfance, et ça marque à vie ! »



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