leçons tirées de l’opération Feed Yourself · Global Voices en Français

Les infrastructures marquent l’Opération Feed Yourself des années 1970s

Les vendeurs de tomates au marché principal à Accra, Ghana. Image par Runjiv on Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0 DEED).

Récemment, le Ghana a été confronté à de profonds défis macroéconomiques, notamment la dépréciation de sa monnaie, l’escalade de l’inflation et la perte de confiance des investisseurs. Cette situation a conduit à des perspectives économiques sombres et à des prévisions de croissance lente, comme l’a souligné la Banque mondiale.  

Pour freiner la dépréciation du cedi ghanéen et favoriser l’industrialisation, qui stimulera à son tour l’économie, le gouvernement ghanéen souhaitait adopter un projet de loi sur la réglementation des exportations et des importations imposant des restrictions sur 22 produits stratégiques en novembre 2023. La liste des produits comprend les denrées alimentaires essentielles consommées par la plupart des ménages ghanéens. Il s’agit du riz, des abats, de la volaille, de l’huile de cuisson, des jus de fruits, des pâtes, du poisson, du sucre et des tomates en conserve. Cependant, comme le rapporte The Conversation,les organisations de la société civile les associations , commerciales et la minorité parlementaire se sont opposés au projet de loi pour plusieurs raisons. 

Les opposants à la proposition ont fait valoir que cette politique aurait de graves répercussions sur l’économie et la sécurité alimentaire du Ghana, car les producteurs nationaux pourraient avoir du mal à répondre à la demande locale pour les produits spécifiques que le gouvernement souhaite restreindre. En outre, comme le souligne l’article de The Conversation, les contraintes pesant sur les importations d’aliments de consommation courante pourraient conduire à une pénurie et, par conséquent, une augmentation des prix des denrées alimentaires réduirait encore davantage la sécurité alimentaire. Cela occasionne aussi un risque de perte de recettes, comme l’ont souligné les critiques, notamment en ce qui concerne les droits de douane et d’importation, et le Ghana pourrait faire l’objet de représailles de la part d’autres pays si les restrictions nuisent à leurs intérêts.

Suite à ces objections, le gouvernement a suspendu le projet de loi.

Si l’on considère les expériences historiques du Ghana, l’échec de l’opération “Feed Yourself” (Nourrissez-vous) en 1977 doit inciter à la prudence.

En février 1972, sous la direction d’Ignatius Kutu Acheampong, le gouvernement ghanéen a lancé la politique de l’Opération “Feed Yourself”, un programme agricole destiné à stimuler la production nationale de cultures vivrières . Le programme a divisé le Ghana en neuf zones, chacune se voyant attribuer la production des cultures les mieux adaptées à sa spécificité géographique. Par exemple, la région orientale s’est concentrée sur la culture du manioc, du maïs, de la banane plantain, de la canne à sucre, du thé, de l’avocat, des agrumes et de l’igname, tandis que la région centrale s’est concentrée sur le maïs, l’igname, le manioc, la banane plantain, le riz, l’ananas et la canne à sucre. 

Pour vulgariser ce programme, le gouvernement a entrepris de vastes efforts de sensibilisation, pour la promotion de l’agriculture, en utilisant la propagande et les émissions de télévision et de radio. En outre, le gouvernement a tiré parti de ses relations avec des institutions telles que les universités, l’armée et les prisons pour les encourager à implanter en interne des unités de production agricole .

L’administration Acheampong a mis en place un système de collecte, de transport, de stockage et de commercialisation des récoltes à l’intérieur du pays. Ce système visait à garantir un marché pour les produits cultivés dans les zones rurales et à faciliter leur transport vers les centres urbains. Des entités telles que le Meat Marketing Board, la State Fishing Corporation et la Food Distribution Corporation étaient chargées d’acheter les récoltes aux agriculteurs et de les proposer à des prix réduits aux citadins.

Pour stimuler la production agricole, le gouvernement a accordé des subventions pour les semences, les engrais et les outils agricoles tels que les houes et les coutelas. Il est important de noter que les taxes sur l’importation de machines agricoles ont été supprimées. Les incitations spécifiques comprenaient des exonérations fiscales sur les revenus du cacao et, plus généralement, pour les exploitations agricoles au cours de leurs cinq premières années d’activité. L’opération “Feed Yourself” a impliqué une collaboration avec des institutions telles que la Banque nationale d’investissement et la Banque africaine de développement, qui ont fourni des crédits et des prêts à divers Ghanéens.

Malgré les efforts considérables déployés par le gouvernement pour assurer la réussite du programme, l’opération “Feed Yourself” a été considérée comme un échec en raison de divers facteurs, notamment le mécontentement croissant de la population, la diminution des superficies plantées, la persistance des prix élevés des produits alimentaires nationaux et l’augmentation du déficit budgétaire du Ghana, qui est passé de 190 millions de cédis (14 871 376 USD) en 1972 à 807 millions de cédis (63 164 213 USD) en 1977. L’enthousiasme initial des citadins pour les activités agricoles s’est également estompé, probablement sous l’influence des problèmes perçus dans les infrastructures rurales, tels que le manque d’eau potable, d’électricité et de routes bien entretenues. En conséquence, , dès 1977, l’intervention de l’aide alimentaire internationale était requise pour remédier aux pénuries alimentaires au Ghana.

En 2017, pour faire face aux problèmes de sécurité alimentaire et aux niveaux d’emploi nationaux, le gouvernement du Ghana a mis en œuvre une nouvelle initiative appelée “Planting for Food and Jobs” (PFJ), qui s’inspire de l’opération Feed Yourself (Nourrissez-vous). Le programme propose des solutions telles que des subventions publiques pour l’achat de semences et d’engrais de haute qualité, des initiatives éducatives sur les pratiques agricoles efficaces et le renforcement des liens entre les agriculteurs et les acheteurs potentiels dans les secteurs public et privé. Toutefois, ce programme a également été considéré comme un échec l’inflation des denrées alimentaires ayant atteint plus de 50 % l’année dernière , et l’infrastructure de base restant un problème.

Il semble que les législateurs ghanéens n’aient pas pleinement tenu compte des leçons tirées des échecs passés, comme en témoigne la récente tentative du gouvernement de mettre en œuvre une nouvelle politique sans s’attaquer de manière adéquate aux défis inhérents à l’infrastructure fondamentale.

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