Du jour au lendemain, le père Simon se découvre père d’un garçon de 11 ans. Dans « Paternel », le réalisateur Ronan Tronchot interroge avec pudeur et nuance le mode de vie des prêtres. À partir de cette situation très singulière, voici 4 pistes de réflexion pour nourrir vos questionnements.
1. La réforme grégorienne
Aux premiers siècles du christianisme, les prêtres pouvaient être mariés et pères de famille. Au XIe siècle, au moment de la réforme grégorienne, mariage et concubinage leur sont peu à peu interdits au sein de l’Église d’Occident. « Les réformateurs veulent alors faire échapper l’Église à l’emprise des seigneurs laïcs et affirmer en premier l’autorité de l’évêque », explique Daniel Moulinet, professeur d’histoire religieuse à la faculté de théologie de l’Université catholique de Lyon, auteur d’une Histoire de la vie religieuse.
Le célibat constitue un moyen d’affaiblir l’influence des puissantes dynasties sacerdotales existantes : « Il s’agissait ainsi d’éviter qu’un bénéfice ecclésiastique passe du père à son fils, ce mode de transmission court-circuitant l’autorité de l’évêque », poursuit le spécialiste. « Les évêques retireront un certain nombre de paroisses à l’autorité des “patrons” laïcs pour les confier à des ordres monastiques, surtout bénédictins.
De ce fait, une forme de “contamination” par le modèle monastique s’étend au prêtre séculier. Ce qui va dans le sens de l’imposition de l’obligation du célibat. » Plus près de nous, au XXe siècle, les papes, de Paul VI à François, ont défendu le célibat sacerdotal, don précieux pour l’Église latine au sein de laquelle seuls les pères de famille veufs peuvent se voir ordonnés.
2. Les Églises chrétiennes et la paternité
À un moment clé du film, Aloé interpelle Simon : « Pourquoi alors que tout le monde t’appelle mon père, je ne peux pas t’appeler Papa ? » L’emploi du mot « Père » est commun à l’Église romaine et aux églises orientales. « Il renvoie à la paternité spirituelle du prêtre qui engendre à la vie nouvelle en Christ, en délivrant notamment le sacrement de baptême », précise l’historien Daniel Moulinet, prêtre dans le diocèse de Moulins. Héritières du mouvement de la Réforme, les branches protestante et anglicane autorisent le mariage des pasteurs et des ministres du culte.
3. Prêtre et père à la fois : des responsabilités incompatibles ?
Dans Paternel , le père Simon émet le souhait de rester prêtre tout en assumant sa paternité non désirée. Sa hiérarchie se montre dubitative – sinon opposée – à sa demande. Comment pourra-t-il arbitrer, le jour où se présenteront en même temps une urgence pour son fils et un appel à l’autre bout de sa paroisse ? lui renvoie son évêque.
Le film se fait l’écho de la ligne de conduite établie par Rome à la suite de révélations de cas de paternité de prêtres. Le cardinal Beniamino Stella, préfet de la Congrégation pour le clergé, l’a explicité en 2019 : « Une situation de ce genre est considérée comme irréversible et requiert que le prêtre abandonne l’état clérical même s’il se considère comme apte au ministère. […] La responsabilité de géniteurs crée une série d’obligations permanentes qui, dans la législation de l’Église, ne sont pas compatibles avec l’exercice du ministère sacerdotal » (entretien publié dans l’ Osservatore Romano, le quotidien d’information du Vatican).
4. La vocation de prêtre vue au cinéma
« Dans le cinéma français, il existe des fictions sur le célibat ou la solitude des prêtres, même s’il n’y a rien sur la paternité », précise Ronan Tronchot. Certains films ont fait date en s’attachant à des figures de prêtres pour qui avoir « charge d’âmes » est synonyme d’un engagement profond et d’un dévouement total.
Ainsi, en 1961, le cinéaste Jean-Pierre Melville porte à l’écran Léon Morin, prêtre (photo ci-dessous), roman de Béatrix Beck. Le film raconte la rencontre, durant l’Occupation, entre un prêtre (Jean-Paul Belmondo) et une jeune veuve agnostique (Emmanuelle Riva), tissant un dialogue spirituel aux accents amoureux.
En 2017, le réalisateur Nicolas Boukhrief s’empare du personnage dans La confession (avec Romain Duris dans le rôle-titre).
Autre film inspiré d’une œuvre littéraire, Sous le soleil de Satan (photo ci-dessous), sorti en 1987, met en scène un prêtre en proie à la solitude morale et tourmenté par l’impiété de certains paroissiens. Maurice Pialat, son réalisateur, emprunte la figure puissante du jeune abbé Donissan (Gérard Depar-dieu), torturé par le doute spirituel, au roman de Georges Bernanos, auteur catholique qui réinventa le roman chrétien.
Crédit: Lien source
Les commentaires sont fermés.