Paris – Est-il possible de remplacer les substances per-
et polyfluoroalkylées, PFAS ou « polluants éternels » qui s’accumulent au fil du
temps dans les sols ou l’eau? L’AFP a interrogé des industriels qui en
produisent ou qui en utilisent, et des scientifiques.
Où trouve-t-on des PFAS?
Les PFAS irriguent la vie moderne depuis les années 1940-50. Ces éléments
fluorés se trouvent dans des vêtements sportifs, les textiles imperméables,
farts de ski, poêles antiadhésives, emballages alimentaires, mousses
d’extinction d’incendie, détergents, cosmétiques, médicaments, prothèses,
enduits et peintures, membranes de filtration d’air ou d’électrolyse, mais
aussi sur des durites de sondes spatiales ou dans la micro-électronique.
Il en existe des milliers, sous forme gazeuse, liquide ou solide. Leur
résistance à la corrosion, à la chaleur ou à la lumière explique leur attrait.
Mais une fois dans la nature, ils ne se désagrègent pas.
Les plus dangereux sont « les plus petits, les plus mobiles », indique à
l’AFP Mehran Mostafavi, directeur adjoint scientifique du CNRS Chimie.
Les PFAS polymériques, inertes et stables, comme ceux qui servent pour les
revêtements anti-adhésifs des poêles, ne sont pas problématiques en condition
normale d’utilisation, selon le chercheur.
« En effet, sans surchauffe des poêles, le polytétrafluoroéthène (PTFE) ne
pénètre pas dans l’organisme, mais sa fabrication peut générer des
tensioactifs fluorés potentiellement toxiques », complète Pierre Labadie,
directeur de recherche au CNRS en chimie de l’environnement. De même, lors de
son incinération ou de son recyclage, « il y a la possibilité de générer des
PFAS problématiques ».
Est-il possible de s’en passer?
« Il faut tordre le cou à l’idée que les polluants éternels sont
indispensables », estime Martin Scheringer, professeur de chimie
environnementale à l’Ecole polytechnique de Zurich et président du groupe
d’experts internationaux sur la pollution chimique (IPCP), qui souligne
néanmoins les travaux en cours au niveau européen visant à définir le concept
dérogatoire « d’usage essentiel » pour des PFAS dont on ne peut se passer.
« Il y a des applications dont on peut se passer, d’autres pour lesquelles
existent des alternatives, pour le secteur des médicaments c’est très
compliqué », détaille M. Mostafavi.
Sur la base des travaux européens en cours, le gouvernement français a
présenté jeudi un plan pour interdire le plus rapidement possible des PFAS
intentionnellement ajoutés dans les jouets, le textile ou les cosmétiques,
jugés dangereux et non essentiels, mieux mesurer la présence de PFAS dans
l’air, l’eau, le sol et l’alimentation, et réduire les rejets dans
l’environnement.
Côté industriel, pour Benoit Lavigne, délégué général de la Fédération des
industries électriques, électroniques et de communication (FIEEC), qui
représente 6.500 entreprises, il « n’y aura pas de transition énergétique sans
PFAS », présents dans les pompes à chaleur ou les batteries et « partout où il y
a des échanges thermiques importants ».
« Pour des usages qui exposent le plus les consommateurs », la démarche « doit
être axée sur la substitution » des substances problématiques via l’innovation,
« comme pour les emballages à contact alimentaire » qui viennent d’être
réglementés au niveau européen, estime Magali Smets, directrice générale de
France Chimie qui représente 3.000 entreprises. A condition que le
remplacement ne soit pas pire.
L’industrie chimique souhaite le maintien des PFAS dans les processus de
fabrication, dès lors « que l’industriel prouve qu’ils sont utilisés de manière
responsable » pour les consommateurs, les salariés et l’environnement
« notamment via les études sur les rejets dans l’eau », souligne Mme Smets.
D’une manière générale, beaucoup d’industriels « sont déjà sortis des PFAS
ou sont en train de le faire », note M. Scheringer.
Substitution: le cas des cosmétiques, des farts de ski et des mousses
incendie
L’OCDE a identifié 36 PFAS, émulsifiants, stabiliseurs, agents hydrofuges,
ajoutés dans les produits de beauté. L’association des industriels du secteur
Cosmetics Europe s’est engagée en octobre à les remplacer d’ici 2026.
La Fédération internationale de ski a interdit le fart au fluor au début de
la saison 2023-2024.
En France, « des mousses incendie de substitution sans PFAS viennent d’être
qualifiées au terme de deux ans de travail avec le ministère de
l’Environnement », indique Mme Smets. Cette « initiative française » a besoin
d’un temps d’adaptation pour s’installer, car il va falloir « rincer » les
équipements utilisant ces mousses et définir de « bonnes pratiques ».
Détruire les PFAS?
« La particularité de ces molécules est de présenter une liaison très forte
entre un atome de carbone et un atome de fluor (…) Pour casser cette
liaison, quatre méthodes expérimentales sont identifiées », explique Mehran
Mostafavi, du CNRS Chimie.
« Une méthode +enzymatique+ développée par les biochimistes, une méthode
dite de +sono-chimie+ créant des bulles à très haute température où les
liaisons C-F se cassent, une méthode par +plasma-froid+ utilisant un arc
électrique dans une solution de PFAS, et une approche dite +radiolytique+ » via
un rayonnement ionisant.
« Elles ont prouvé leur efficacité », dit M. Mostafavi, « le défi serait
maintenant de passer à l’échelle industrielle ».(AFP)
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