Qui souffre d’isolement en France ?

12 % des plus de 18 ans – soit 6,5 millions de personnes – sont en situation d’isolement relationnel, selon une enquête réalisée par le Crédoc pour la Fondation de France en 2023. L’organisme considère comme isolée une personne qui a au maximum « quelques contacts dans l’année » en face à face avec un membre de sa famille, un ami, un collègue de travail, un membre d’association ou d’un autre groupe. Il ne faut pas confondre l’isolement et le fait de vivre seul. On mesure ici les personnes qui n’ont pas de relations de visu avec une autre personne, à l’extérieur du ménage : les personnes qui vivent au sein du même foyer ne sont pas prises en compte.

L’isolement relationnel est une chose, le sentiment de solitude en est une autre. Selon le Crédoc, une personne sur cinq dit se sentir seule : 6 % « tous les jours ou presque » et 14 % « souvent ». Ce sentiment s’explique difficilement et l’isolement constitue une notion très subjective. Il dépend du contexte, des habitudes de vie prises auparavant. Toutes les personnes isolées ne souffrent pas de la solitude. Parmi elles, 32 % déclarent beaucoup en souffrir. On peut donc estimer qu’un peu moins de 4 % des personnes majeures – deux millions de Français – sont dans une situation d’isolement critique.

Les personnes qui ont le moins de relations avec l’extérieur sont globalement plus défavorisées. Elles sont plus souvent au chômage : pour elles, l’isolement relationnel atteint 20 % contre 13 % pour ceux qui ont un emploi. Elles ont des revenus plus faibles (14 % de personnes isolées parmi les bas revenus) et sont issues de milieux populaires (18 % chez les ouvriers). Les personnes au foyer ont elles aussi moins de contacts (16 %). Encore faut-il ne pas trop généraliser : le sentiment d’isolement est le résultat de différents processus de rupture ou d’absence de liens dans des cercles différents (couple, famille, amis, travail, etc.) qui touchent aussi les populations les plus favorisées.

Même s’ils ont globalement plus de contacts, le sentiment de solitude est plus important chez les jeunes. Plus du quart des moins de 25 ans disent se sentir régulièrement seuls, contre 16 % des 70 ans et plus, un âge où la sociabilité n’est plus la même. L’enquête a été réalisée au mois de janvier 2023 : les chercheurs ont mené une seconde vague en juillet de la même année, qui montre une très nette hausse chez les jeunes. Le sentiment de solitude atteint alors 45 %, des jeunes qui perdent alors contact avec une partie des proches qu’ils fréquentaient au cours de l’année scolaire pour les étudiants notamment.

Dans le temps, la part de personnes isolées est relativement stable. Elle se situe en 2023 au même niveau que dix ans auparavant. La crise sanitaire avait fait doubler ce chiffre, qui avait atteint 24 % en 2021, mais les relations entre personnes ont repris leur cours, contrairement aux craintes exprimées à l’époque d’un effet durable sur les liens sociaux. Sur le long terme, l’anonymat des villes a libéré les individus des formes de surveillance de proximité des campagnes, ce qui constitue un progrès énorme. En contrepartie, certains réseaux de proximité ont disparu. Une partie des populations isolées n’arrivent pas à mobiliser des parents ou des amis pour leur venir en aide en cas de difficulté. On communique de plus en plus à distance, mais ce mode de relation se substitue rarement à une sociabilité de visu, en tout cas ne débouche pas sur davantage de contacts.

Au-delà du fait de souffrir de la solitude, l’accès à un réseau de relations (que les sociologues appellent le « capital social ») constitue une ressource concrète dans les sociétés modernes. Qu’il s’agisse de soutien matériel, d’aide à la recherche d’emplois, de stages, de logements ou de loisirs, c’est un élément à prendre en compte, encore plus dans une société ou l’intégration professionnelle est rendue plus difficile et les liens du couple plus fragiles. L’un des éléments essentiels dans la construction des inégalités sociales est la capacité, plus ou moins grandes selon les groupes sociaux, à mobiliser de telles ressources.

Trop de contacts tuent le contact ? 
Le lien social ne se résume pas à l’étendue du réseau social, tant s’en faut. La multiplication de contacts éphémères ne constitue pas toujours un progrès pour les individus, et nombreux sont ceux qui vivent entourés mais avec de faibles liens. Les réseaux sociaux issus de l’Internet procurent nombre d’« amis » qui n'en sont pas vraiment au sens premier du terme. La qualité des liens qui relient les personnes importe bien davantage que leur quantité. De la même façon, il faudrait distinguer l'isolement passager (entre deux situations de couple, de logement, d'emploi, etc.) et celui qui dure de façon contrainte.

Photo : Andrex Neel/Unsplash.com



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