Pour lui, ici, tous les chemins mènent au podium. Ou presque. À Monaco, Norman Nato a gagné en karting (2010), en Formule Renault 3.5 (2014). Et il a failli gagner en GP2: 2e (2016). Seule la Formule E lui résiste dans les rues de la Principauté. L’an dernier, au sein de la maison Nissan, le trentenaire antibois semblait tenir le bon bout. Fausse piste! Excellent 3e des qualifications, il n’avait pas transformé l’essai.
Qu’adviendra-t-il samedi sous la bannière étoilée du team Andretti? En rejoignant cet hiver l’équipe américaine motorisée par Porsche, au côté du champion 2023 Jake Dennis, Nato voulait franchir un nouveau palier. Si les premiers résultats ne sont pas à la hauteur des espérances, il y a des raisons d’espérer des lendemains meilleurs. Peut-être tout de suite à domicile…
Norman, quelle est la cause numéro 1 de cette première moitié de saison en dents de scie?
Pour l’instant, hélas, on manque clairement de perfo en qualif’. Je dis ‘‘on’’ parce que le problème concerne les deux voitures, Jake (Dennis, ndlr) et moi. Par rapport à l’an dernier, globalement, le team Andretti se situe plus en retrait sur les grilles de départ. Est-ce que les pneus 2024 un brin modifiés conviennent moins bien à notre monoplace. Les autres ont-ils progressé plus vite? Toujours est-il qu’on entame les courses trop loin. Et ça nous coûte pas mal de gros points. En Formule E, vous savez, les écarts sont tellement infimes. Quand il manque deux ou trois dixièmes de seconde, vous plongez en fond de grille, dernier ou pas loin.
Et le rythme course?
Je savais que ça allait prendre un peu de temps. Là, depuis trois ou quatre E-Prix, ça commence à aller vraiment bien, même s’il y a souvent de la frustration au bout car on peine à convertir notre cadence en résultat rémunérateur. À Tokyo, je termine tout de même P6 après m’être élancé hors du top 10 (11e). À un moment j’occupe la 4e place. Mais comme mon coéquipier joue le titre, je lui laisse la priorité sur la gestion de l’Attack Mode (le surplus de puissance temporaire). Ce jour-là, j’étais l’un des plus rapide. J’avais le potentiel pour monter sur le podium.
Les deux épreuves suivantes enchaînées les 13 et 14 avril à Misano vous laissent pas mal de regrets, non?
En effet… Le samedi, je remonte de la 12e à la 5e position. Mais une crevaison lente à l’avant gauche me ralentit lors des deux derniers tours. Je coupe quand même la ligne 8e avec un pneu presque à plat et je récupère le 7e rang après la disqualification du vainqueur (le pilote portugais du team Porsche Antonio Felix Da Costa) alors qu’il y avait beaucoup mieux à obtenir. Le lendemain, rebelote! En qualif’, dans mon groupe, j’échoue à seulement 2 dixièmes de la pole et ça me fait partir 16e… Malgré tout, j’arrive à me faufiler, à prendre le bon wagon. Le tournant, c’est l’accrochage se produisant au virage 2 juste devant notre groupe. Tout le monde pile. Debout sur les freins… sans réussir à éviter un contact avec le diffuseur arrière de Jean-Eric (Vergne) qui casse mon aileron avant. Fin des illusions. Que voulez-vous? Je traverse l’une de ces périodes où la réussite vous tourne le dos. Mais pas d’inquiétude car ça marche de plus en plus fort en course. Maintenant, j’ai envie de concrétiser. Il faut que les planètes s’alignent, tout simplement. Pourquoi pas à Monaco?
Après sept échéances sur seize, vous vous considérez toujours en phase d’adaptation chez Andretti?
Difficile à dire… Oui, toujours un peu. Mais il ne manque plus grand-chose. Regardez mon équipier: ça fait quatre ans qu’il est dans le team, qu’il bosse avec le même ingénieur. Pareil pour les pilotes Porsche, pour Vergne chez DS, pour Evans chez Jaguar. Certains, comme Cassidy, ont changé d’équipe mais pas de power train (groupe motopropulseur). Ils connaissent tous les systèmes, tous les réglages. Pour moi, il s’agit vraiment d’un grand saut, d’un nouveau départ. Au début, forcément, vous le payez, vous devez composer avec un petit désavantage.
Aujourd’hui, vous figurez à la 10e place du championnat. Quelle est la cible?
Je veux glaner un maximum de points. De quoi permettre à Andretti de décrocher le titre teams, notre objectif. En 2022, ils terminent 3e. Là, quasiment à mi-parcours, on est 2e, à 16 longueurs du leader (Jaguar). Perso, je ne m’attendais pas à finir d’entrée dans le top 3 du championnat pilotes. Si le top 5 reste à ma portée, mathématiquement, avec encore 9 courses à disputer, je vais continuer à jouer le jeu de Jake. En espérant marquer plus gros et plus souvent.
Le précédent Monaco E-Prix, vous le gardez en travers de la gorge?
Pff, non, je ne rumine pas. Mais j’ai retenu les enseignements. Je garde en mémoire ce que l’on a mal fait en course sur ce circuit avec Nissan, histoire d’éviter de commettre les mêmes erreurs. En 2023, j’étais 3e au départ, puis 2e au début. En sautant sur l’Attack Mode trop tôt, j’avais perdu six places. Une catastrophe. Bref, on avait complètement foiré notre stratégie. Pas question de revivre une telle situation. Cette fois, le plus dur, ce sera de bien se qualifier. Si les deux voitures s’élancent depuis l’une des trois premières lignes, Jake et moi, on peut s’inviter ensemble sur le podium. Fort possible…
Monaco ne ressemble pas du tout à Misano. Quel sera le paramètre essentiel ici?
Deux tracés aux antipodes l’un de l’autre, d’accord, mais il y aura encore du mouvement, des dépassements. En ville, bien sûr, la qualif’ pèse plus lourd. Mieux vaut partir devant. Cette année, attention, c’est super serré entre les uns et les autres. Il n’y a plus de team à la traîne, de mauvaise voiture. Donc aucun droit à l’erreur. Le meilleur pilote ne gagnera pas forcément. Ni la meilleure auto. C’est la meilleure stratégie qui fera la différence.
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