Le royaume Bamoun dispose désormais d’un musée pour raconter l’histoire du Cameroun · Global Voices en Français

Image du musée du royaume Bamoun ; Capture d’écran de la chaîne YouTube Actu Noun

Le 13 avril 2024, le Cameroun inaugure un musée qui célèbre plus de 600 ans d’histoire à travers les trésors du royaume Bamoun, l’un des plus vieux du continent africain car toujours en vie.

Fondé en 1384, le royaume Bamoun représente aujourd’hui une grande partie de l’histoire du Cameroun. Géographiquement, Bamoun – communauté culturelle – s’étend sur une superficie de 7 700 kilomètres carrés et compte près de deux millions d’habitants. L’inauguration de ce joyau renforce la visibilité de ce royaume, peu connu en dehors de la région.

Le Cameroun est un pays bilingue où le français et l’anglais, sont parlés respectivement par 70% et 30% d’une population estimée à plus de 29 millions d’habitants. Le pays dispose de 270 ethnies correspondant à autant de langues nationales qui sont répartis en de grandes familles : les semi-bantous, les bantous, les sémites, les hamites, et les soudanais. Les Bamouns font partis du groupe semi-bantou aux côtés des Kaka, Baya, Widekum, Tikar, Bamiléké, et d’autres.

Le musée

Construit sur 5 000 mètres carrés dans la ville de Foumban (capitale du royaume située dans la région de l’Ouest du Cameroun), l’œuvre est une initiative lancée en 2013 par le feu Ibrahim Mbombo Njoya (1992-2021), 19ème roi en titre, et père de Mouhammad-Nabil Mforifoum Mbombo Njoya, l’actuel roi de Bamoun depuis 2021.

L’architecture marquante du musée expose des symboles porteurs: un serpent à deux têtes qui traduit la force et la puissance ; une araignée géante signifiant le travail et la sagesse ; et une double cloche pour représenter patriotisme et unité. Lors de l’inauguration, le 13 avril 2024, Mouhammad-Nabil Mforifoum Mbombo Njoya déclare au micro de Voice of America (VOA) que :

Le musée était une façon pour nous d’être fiers de notre passé pour construire l’avenir et montrer que l’Afrique n’est pas importatrice de pensées.

Au sein du musée sont exposés des objets, à caractère artisanal et artistique: pressoirs, dessins bamouns, moulins ; ainsi que des objets sacrés associés au pouvoir royal : armes, masques, instruments de musique, pipes, et statuettes. Il y a aussi des manuscrits et une machine à moudre le maïs inventée par le roi Ibrahim Njoya (1889 – 1933).

A propos de l’héritage de Ibrahim Njoya, l’actuel roi dit à Voice Of America :

Nous rendons hommage à un roi simultanément gardien et pionnier (…), une façon pour nous d’être fiers de notre passé pour construire l’avenir” et montrer que l’Afrique n’est pas importatrice de pensées.

Cette vidéo publiée sur la chaîne YouTube de Carrefour Télévision retrace l’historique du musée du royaume Bamoun.

Sentiment de fierté

La mise sur pied de cet espace historique est le signe de la reconnaissance nationale de la richesse traditionnelle dont regorge le royaume.

Alexis Mouliom, attaché aux affaires culturelles du palais Bamoun et secrétaire général de la fondation Nguon, estime au micro de Radio France Internationale (RFI) que l’histoire du royaume est enfin accessible à tous. Il déclare que :

Historiquement, à la fin de chaque règne, (…) tous les objets symboles majeurs du roi étaient collectés et entreposés dans cette maison du pays Ndagu qui est l’ancêtre du musée Bamoun. C’est ainsi qu’au fil de 600 ans d’histoire du royaume Bamoun, une énorme collection a été capitalisée à travers les règnes pour constituer une masse de près de 12500 objets.

De son côté, Armand Kpoumié Nchare, docteur en géographie spécialisé en patrimoines culturels, cité dans un article de Voice Of America souligne :

Pour le Cameroun, un tel musée dédié à l’histoire d’un royaume est unique par son envergure, tout comme l’engouement autour de son inauguration. C’est l’un des rares royaumes à avoir réussi à exister et rester authentique, malgré la présence des missionnaires, marchands et administrateurs coloniaux.

François Bingono Bingono, anthropologue et enseignant à l’université a aussi visité le musée du royaume Bamoun. Interviewé par le média Africanews, il estime que les objets exposés dans le nouveau musée vont au delà de la tradition et culture Bamoun. Pour lui, c’est tout le patrimoine camerounais qui est représenté:

Il n y a pas que la culture Bamoun. J’ai reconnu la culture de la forêt c’est-à-dire la forêt méridionale, les régions de l’Est, du Centre et du Sud. J’ai reconnu la culture patrimoniale de Loum, la culture patrimoniale des Haut Plateaux, la culture patrimoniale du septentrion. Donc, voici au moins un lieu idéal ou on peut venir se ressourcer si on est en quête de ressources relative à la culture patrimoniale camerounaise.

A travers l’inauguration de ce musée, le peuple Bamoun marque ainsi l’histoire du Cameroun et donne une nouvelle image du patrimoine culturel. Cet évènement vient s’ajouter au festival Nguon (manifestation culturelle du royaume Bamoun) qui, depuis décembre 2023, est enregistrée au patrimoine culturel et immatériel de l’humanité de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). La prochaine édition du festival Ngoun se tiendra du 29 novembre au 8 décembre 2024 dans la ville de Foumban.

Beaucoup d’œuvres d’arts des pays africains sont encore gardés dans des musées coloniaux qui peinent toujours à restituer définitivement ces biens culturels. Si certains pays à l’instar du Bénin et du Nigeria ont pu obtenir, en partie, la restitution de leur patrimoine, ce n’est pas encore le cas du Cameroun. Le pays a tout de même obtenu la décision des autorités allemandes, en janvier 2024, pour la restitution de la statue sacrée du peuple Nso. Un combat mené en grande partie par Njobati Sylvie, activiste panafricaine pour l’art et la culture. Cette statue a été volée il y a 120 ans et était exposée dans un musée à Berlin.

Depuis 2022, le pays a mis en place un Comité interministériel qui a pour mission de s’occuper du rapatriement des œuvres d’art et biens culturels camerounais illégalement exportés à l’étranger.

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