En Guinée, Santé Intégrée révolutionne l’accès aux soins de santé primaires

 

Babila, une sous-préfecture située à une trentaine de kilomètres de la ville de Kouroussa, abrite l’un des cinq centres de santé concernés par le programme de Santé Intégrée. Pour y parvenir, il faut conduire plus d’une heure sur route ensoleillée et poussiéreuse. 

Avec une population estimée à 338 892 selon les projections des indicateurs démographiques 2014-2040 issues du recensement de 2014, l’accès aux soins de santé demeure difficile pour la population de la région de Kouroussa, surtout en milieu rural. Face à cette situation, Santé Intégrée se mobilise depuis la fin de l’année 2023 pour prendre en charge des personnes, notamment les enfants zéro dose ou insuffisamment vaccinés de moins de cinq ans, les femmes enceintes et allaitantes, ainsi que ceux ayant besoin de services de planification familiale, dans cinq centres de santé.

Le maire de Babila, Mamoudou Keita, s’en réjouit. « Nous sommes contents de la présence de Santé Intégrée à Babila. Les vaccinations pour les enfants de zéro à cinq ans sont désormais gratuites, et nous constatons un réel respect pour le calendrier vaccinal. Les femmes enceintes et les nourrissons bénéficient également de soins gratuits. Des personnes d’autres sous-préfectures viennent même ici. Nous allons intensifier la sensibilisation et encourager les hommes à envoyer leurs femmes enceintes et leurs enfants à l’hôpital pour profiter de cette opportunité ».

« Depuis l’intervention de Santé Intégrée, les maladies infantiles sont devenues rares. Les femmes enceintes et celles en grossesse viennent également se faire vacciner. Vraiment, beaucoup de choses ont changé à Babila, notamment en ce qui concerne la prévention de la tuberculose, de la rougeole et de la coqueluche. »

– Fanta Condé, une jeune mère

Pour Marie Traoré, responsable du centre de santé de Babila, l’essence même de Santé Intégrée réside dans la prévention : c’est là sa véritable valeur ajoutée. « Prévenir vaut mieux que guérir. Tout ce qui concerne la prévention est le meilleur choix, bien meilleur que de chercher des remèdes partout. Depuis que Santé Intégrée a lancé ses activités, nous constatons une nette différence en termes de fréquentation et d’activités dans le centre de santé », insiste-t-elle. Lorsque les mamans viennent ici avec les carnets de vaccination, cela nous permet de rattraper les retards pour les enfants et les femmes enceintes. Cela contribue donc à améliorer la couverture vaccinale ».

Marie Traoré, responsable du centre de santé de Babila.
Crédit : Alpha Abdoullaye Diallo

Les parents remarquent une nette différence depuis l’arrivée de Santé Intégrée et les agents de santé communautaire notent une forte adhésion de la population, cimentée par les causeries éducatives sur les marchés, en famille, dans les cafés et de manière individuelle. Selon Keita Abou Mohamed, agent de santé communautaire, « ces initiatives portent leurs fruits, car nous constatons une nette augmentation de la fréquentation de l’hôpital. L’impact est tangible. »

D’ailleurs, Fanta Condé et Saran Camara, deux jeunes mamans, se sont rendues au centre de santé pour faire vacciner leur bébé. « Depuis l’intervention de Santé Intégrée, les maladies infantiles sont devenues rares. Les femmes enceintes et celles en grossesse viennent également se faire vacciner. Vraiment, beaucoup de choses ont changé à Babila, notamment en ce qui concerne la prévention de la tuberculose, de la rougeole et de la coqueluche », témoigne la première.   

« Avant, je n’avais pas le courage de me rendre au centre de santé pour la vaccination » ajoute la seconde, « mais aujourd’hui, grâce aux stratégies mises en place, les agents de Santé Intégrée nous cherchent dans nos villages pour nous conduire à la vaccination. Ils se rendent également dans nos foyers pour nous vacciner. L’arrivée de Santé Intégrée a vraiment changé beaucoup de choses ».

Des résultats satisfaisants

Depuis le lancement de Santé Intégrée, la couverture vaccinale a considérablement augmenté dans les cinq centres de santé concernés par le projet.

« À Babila, par exemple, nous recevons désormais en moyenne 50 patients par jour, alors qu’auparavant à peine une dizaine de patients se présentaient », souligne Sia Eugène Tolno, Mentor local de Santé Intégrée. Ce nombre peut parfois atteindre jusqu’à 100 les jeudis, jour d’affluence par excellence, ajoute-t-elle.

Le même constat est partagé par le Directeur préfectoral de la Santé de Kouroussa, le Dr Kourouma Lanciné. Selon lui, l’ONG est intervenue à un moment où la population de Kouroussa était désespérée suite au départ d’organisations humanitaires qui assurait la prise en charge des zones situées derrière le fleuve Niger. Pendant la saison des pluies, la traversée devient très difficile voire périlleuse pour les malades cherchant à se rendre en ville pour se faire soigner.   

Actuellement, le Programme Elargi de Vaccination (PEV) atteint un taux de couverture de 86%, la Consultation Prénatale (CPN) affiche un taux de 98% de couverture effective, et le taux de planification familiale, qui était de 6%, est maintenant à 22%.

« Depuis que la prise en charge gratuite a été mise en place, les indicateurs sont extrêmement positifs, pour ne pas dire excellents. Lorsqu’un enfant se présente, nous vérifions d’abord son statut vaccinal pour déterminer s’il a été complètement vacciné ou non. Si ce n’est pas le cas, nous procédons à sa vaccination avant de commencer sa prise en charge gratuite. Cette approche a permis à nos cinq centres de santé d’atteindre des taux de couverture vaccinale remarquables », se félicite-t-il. « Par exemple, prenons le cas de Kiniero : avant l’intervention de Santé Intégrée, la sous-préfecture affichait une couverture vaccinale de 76%. Aujourd’hui, ce chiffre est passé à 86%. Cela démontre que les approches de santé communautaire, notamment l’implication des relais communautaires et des agents de santé communautaire dans la vaccination et la sensibilisation, ont porté leurs fruits. »

Fanta Condé, une jeune mère venue faire vacciner son enfant au centre de santé.
Crédit : Alpha Abdoullaye Diallo

Actuellement, le Programme Elargi de Vaccination (PEV) atteint un taux de couverture de 86%, la Consultation Prénatale (CPN) affiche un taux de 98% de couverture effective, et le taux de planification familiale, qui était de 6%, est maintenant à 22%.

Des défis à surmonter

Cependant, malgré ces avancées, le district sanitaire de Kouroussa demeure confronté à plusieurs défis en matière d’accès aux soins de santé primaires : l’accessibilité géographique limitée, les coûts des soins de santé, le manque de sensibilisation, les insuffisances en termes d’infrastructures et de ressources, ainsi que les barrières culturelles et sociales, énumère Agnès Angèle Gnimassou.  

Il est également nécessaire d’augmenter le nombre de personnel qualifié dans les centres de santé en procédant à un recrutement massif dans la zone du projet afin d’apporter un soutien supplémentaire aux acteurs déjà en place, parfois débordés en raison de la gratuité des soins. Un autre problème majeur est la rupture de stock de vaccins dans les centres de santé, victimes de leur succès. « Cela pose un réel problème pour le suivi des patients à l’hôpital. Une fois qu’ils se sont rendus et qu’ils ne trouvent pas de vaccins disponibles, ils sont découragés. Certains ne reviennent même plus », déplore Keita Abou Mohamed, agent de santé communautaire.  

Etendre la zone d’intervention    

Face à l’enthousiasme suscité par ce programme et à son impact rapide sur l’augmentation de la couverture vaccinale, le Dr Kourouma Lanciné demande à Santé Intégrée d’étendre sa zone d’intervention à l’ensemble de Kouroussa. « Nous souhaitons que nos 14 sous-préfectures soient incluses dans le projet à long terme », a-t-il plaidé, expliquant qu’il existe une nette différence de motivation et de résultats entre les zones couvertes par Santé Intégrée et les autres sous-préfectures.

« Nous aspirons à ce que Santé Intégrée devienne préfectorale. Pourquoi pas même régionale ? », s’interroge le Directeur préfectoral de la santé de Kouroussa.

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