Les recommandations du Dialogue national inclusif (DNI) au Gabon suscitent des débats houleux. La proposition visant à réserver les postes administratifs de haut niveau aux Gabonais de souche, nés de parents gabonais, fait craindre une marginalisation des binationaux et pose des questions fondamentales sur l’avenir du vivre-ensemble dans le pays. Le contraste entre cette recommandation et l’acceptation antérieure de la diversité, symbolisée par des figures publiques telles qu’Édith-Lucie Bongo et certains héros de l’équipe nationale de footbal, met en lumière les enjeux sociaux et politiques cruciaux pour la nation gabonaise.
À l’écoute du chapelet des principales recommandations égrenées par le ministre de la Réforme des institutions, Murielle Minkoue Mintsa, sur les 1000 solutions proposées par les commissaires du Dialogue national inclusif (DNI), il a été énoncé qu’il faudra dorénavant «réserver les hautes fonctions administratives aux gabonais de «souche», nés de père et de mère gabonais d’origine».
Si cette disposition venait effectivement à être appliquée, il y a fort à craindre que le Dialogue national ait finalement opté pour la création d’une catégorie de gabonais, parias devenus de la société et officiellement exclus de la gestion de la chose publique, du moins aux prestigieuses fonctions de responsabilité. A-t-on un instant pensé au nombre de mariages mixtes contractés par les Gabonais depuis des décennies et qui plus est, dans un monde devenu planétaire, de plus en plus ouvert ? Quelqu’un au Gabon peut-il jurer de ne pas compter un seul bi-national dans sa famille, né au Gabon, ayant fait toutes ses classes et son cursus sur place et n’ayant vécu dans nul autre pays au monde qu’au Gabon ?
Quid de l’équipe nationale de football ?
Tous ces binationaux, seraient-ils finalement moins Gabonais que d’autres, pour ne pas avoir le droit de servir le pays aux plus hautes fonctions de l’État ? Ont-ils demandé à naître d’un parent non Gabonais pour être ainsi livrés à la «vindicte nationale», être présentés aux yeux de tous comme «le mal de la société», «des malpropres», «la plaie et l’une des principales causes du sous-développement du Gabon» ? Pourquoi un tel procès d’intention à l’endroit d’une frange importante de la population que l’on estime ne pas avoir suffisamment de l’amour pour le Vert-Jaune-Bleu, autant que leurs congénères nés de parents Gabonais de «souche». À tout prendre, le DNI vient donc de suggérer la création d’une catégorie de «sous Gabonais» à qui l’on ne réserverait que du menu fretin dans l’administration.
Sans doute, s’il faut aller au bout de cette logique, ne plus compter avec l’apport des bi-nationaux au sein de l’équipe nationale de football, constituée au moins à moitié, par des bi-nationaux depuis plus d’une décennie. Puisque ces derniers, de haut niveau pour ne pas dire de «hautes fonctions», ne seraient pas disposés à «mouiller le maillot» autant que leurs coéquipiers de la «race supérieure».
Construire inlassablement le vivre-ensemble
La scène était pour le moins écœurante de voir des Gabonais, réunis au palais présidentiel, dans une cérémonie retransmise en direct et suivie dans le monde entier, acclamer «l’exclusion» de leurs compatriotes, coupables du pêche d’être nés d’un parent non gabonais.
Par ailleurs, en quoi être marié(e) à un e) expatrié(e) empêcherait-il à un membre du gouvernement de donner le maximum de son potentiel pour l’honneur et le service de son pays ? Si les conclusions du DNI sont globalement à saluer, en ce qu’elles dessinent les contours du nouveau Gabon et du Gabon nouveau, appelé de tous leurs vœux par les Gabonais, il reste que la recommandation ici pointée est résolument de très mauvais goût.
Sans doute que dans l’éducation qu’il faudra désormais donner, dès ce jour, aux enfants, doit absolument figurer une consigne : ne pas aimer un(e) expatrié(e) au risque de courir le risque d’être banni(e) d’une société devenue officiellement clivante et dangereuse à s’y méprendre.
Édith-Lucie Bongo
Si la majorité des Gabonais presqu’unanimement reconnait que le rôle de Sylvia Bongo Valentin aux côtés d’Ali Bongo Ondimba a été vicieux, il ne reste pas moins que les nouvelles autorités de la transition venaient, il y a tout juste quelques semaines, d’honorer la mémoire d’Édith-Lucie Bongo Ondimba née Sassou Nguesso et de vanter ses innombrables réalisations au bénéfice du bien-être des populations gabonaises.
Ce rappel suffit, à lui seul, pour interpeller la conscience collective sur les risques pouvant découler des amalgames et des confusions susceptibles de compliquer davantage l’œuvre de construction du vivre-ensemble au Gabon.
Aïeul Barack
Articles similaires
Crédit: Lien source
Les commentaires sont fermés.