Dans sa newsletter, un Américain du nom de Stephen Bryen assure, sans source crédible, que l’armée française a envoyé une centaine de soldats combattre la Russie. L’état-major français dément.
La France a «déployé la Légion étrangère» sur le front ukrainien. C’est ce qu’assurent de nombreux comptes francophones sur X (anciennement Twitter). Parmi eux, le militant d’extrême droite David van Hemelryck, ou les prorusses Brainless Partisans.
Macron a déployé la légion étrangère sur le front de slaviansk.
Une telle opération de guerre en ukraine, sans accord du parlement, est en rupture totale avec la constitution, ce qui prouve – encore une fois – que le psychopathe s’est approprié des pouvoirs de dictateur— David van Hemelryck 🕊#D (@David_vanH) May 5, 2024
Selon ces comptes, l’information proviendrait d’une «source très sérieuse». En l’occurrence, du site Asia Times, via un article signé par un certain Stephen Bryen publié le 4 mai dernier.
On peut y lire que les soldats français, déployés «près de Salvyanks», viendraient «du 3e régiment d’infanterie», qui serait «un des éléments principaux de la Légion étrangère». Pour le moment, ce déploiement, selon cet article, concernerait environ 100 soldats, spécialistes de l’artillerie, mais 1 500 devraient arriver à terme en Ukraine.
Stephen Bryen se présente comme un expert dans le domaine de la sécurité et de la technologie, mettant en avant son expérience de sous-secrétaire adjoint du département de la Défense des Etats-Unis (sous l’administration Reagan, à la fin des années 80). Il fait partie de plusieurs think tanks américains, tous très conservateurs, et contribue à différents médias comme le Washington Times (quotidien pro-Trump fondé par la secte Moon) ou Epoch Times (journal sino-américain qui relaye massivement de fausses informations).
L’article sur la supposée présence française en Ukraine a en fait été publié sur sa newsletter personnelle sur la plateforme Substack et repris mot pour mot («avec son autorisation») sur le média en ligne Asia Times, dont la ligne éditoriale semble varier ces dernières années. Contrairement à ce qui est prétendu à de nombreuses reprises (y compris par des médias azéris ou italiens), il ne s’agit donc pas d’un article rédigé par un journal asiatique, mais bien par un unique blogueur américain.
Un article basé sur un tweet publié par Sputnik
Contacté par CheckNews, Stephen Bryen explique qu’il tire ses informations «de canaux Telegram» et du réseau social X (anciennement Twitter). Et ne semble pas particulièrement préoccupé par la question de la vérification de l’info : «La question est de savoir si les rapports sur Telegram, Twitter, Facebook et ailleurs sont crédibles. En général, il faut être prudent, mais ces informations me semblaient suffisamment solides pour les accepter. Je comprends que certains n’accepteront pas la véracité d’une histoire à moins qu’elle ne vienne d’une source d’information majeure. Malheureusement, en ce qui concerne l’Ukraine, la plupart des informations détaillées proviennent de blogueurs car il y a peu, voire pas du tout de presse occidentale sur le champ de bataille, et elle est étroitement contrôlée.»
Stephen Bryen indique surtout s’être basé sur un tweet publié par… Sputnik, le média porte-voix du Kremlin (et bien connu pour diffuser de fausses informations).
Dans ce message, daté du 13 avril (et qui n’est aujourd’hui plus accessible), Sputnik rapportait les mêmes informations que l’auteur américain. Comble de l’absurde : dans un article publié aujourd’hui, Sputnik indique désormais que l’information concernant des troupes françaises en Ukraine proviendrait… de Stephen Bryen.
Fin avril, le même auteur américain avançait déjà que l’Otan a «commencé à déployer des troupes de combat en Ukraine». Il mentionnait des «soldats polonais, français, britanniques ou finlandais» qui arrivaient «en grand nombre», et en portant des «uniformes avec le drapeau de leur pays» sur le front. Là encore, sans avancer la preuve de ses allégations. Et en estimant qu’une victoire russe permettrait d’éviter une «guerre plus large en Europe».
Stephen Bryen, qui compile dans son texte les approximations sur la Légion étrangère (décrite comme réservée aux étrangers alors qu’elle compte des soldats français par exemple), semble surtout ignorer que le 3e régiment d’infanterie de la légion est en fait engagé «en permanence» en Guyane française. A plusieurs milliers de kilomètres de l’est ukrainien. Et qu’il n’a pas grand-chose à voir avec l’artillerie puisque ses points forts sont les «combats en forêt équatoriale» et les missions de surveillance.
«On devrait légitimement se poser la question»
Contacté, l’état-major des armées, de son côté, assure à CheckNews «qu’il n’y a pas de militaire français sur le sol ukrainien». Et détaille les positions françaises «sur le flanc est de l’Europe» : «Les militaires français sont engagés en Estonie (mission Lynx) et en Roumanie (mission Aigle). Les armées françaises contribuent également aux missions de défense aérienne, opérations dans les airs nommées AirShielding, sur le flanc oriental de l’Alliance atlantique, dans les pays baltes, en Pologne, Bulgarie, Roumanie et Croatie.»
A noter qu’Emmanuel Macron a de son côté estimé ce mardi 2 mai qu’on «devrait légitimement se poser la question» de déployer des soldats sur le sol ukrainien si la situation militaire devait continuer à s’aggraver côté ukrainien.
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