Transmission interhumaine avec un nouveau virus Mpox identifié dans l’est de la République démocratique du Congo
Un groupe international de chercheurs d’Afrique, d’Europe et d’Amérique du Nord, le Mpox Research Consortium, a publié sous forme de prépublication une étude décrivant une enquête épidémiologique sur une récente épidémie de nouvelles infections à Mpox (anciennement connue sous le nom de Monkeypox ou variole du singe) avec la lignée clade I, une forme plus dangereuse de la maladie.
Le virus Mpox est un virus à ADN double brin enveloppé de la famille des poxviridae qui comprend la variole et la variole de la vache. Il existe deux clades connus du virus Mpox qui sont endémiques en Afrique. Les infections les plus courantes se produisent avec le clade I, auparavant connu sous le nom de clade du bassin du Congo. Elles se caractérisent par des symptômes cliniques graves et un taux de mortalité pouvant atteindre 10 pour cent. Seulement 5 pour cent de toutes les infections à Mpox chez l’homme concernaient le clade II, auparavant connu sous le nom de clade ouest-africain. Ce sont toutefois des infections de clade II, qui ont attiré l’attention du monde entier lors de l’épidémie mondiale de variole du singe de l’année dernière, avec une évolution moins sévère et un taux de mortalité bien inférieur au clade I.
Le nouveau virus du clade I a été détecté dans la ville minière de Kamituga, dont la population est estimée à 242.000 habitants, située dans la province du Sud-Kivu en République démocratique du Congo (RDC). Avec l’épidémie qui a éclaté en octobre 2023 c’est la première fois que des cas de Mpox sont détectés dans la zone sanitaire de Kamituga.
Ce rapport intervient au milieu d’une vague croissante d’infections à Mpox à travers la RDC. Entre le début de l’année 2023 et le 29 mars 2024, il y a eu un total de 18.922 cas suspects de Mpox et 1007 décès. Au cours des trois premiers mois de 2024, il y a eu un total de 4488 cas avec 279 décès, pour un taux de létalité légèrement plus élevé de 6,7 pour cent, ce qui indique une létalité croissante. Vingt-trois des 26 provinces de la RDC ont signalé des cas. Cependant, les cas décrits dans l’enquête sont qualitativement nouveaux, dans la mesure où les preuves soutiennent, pour la première fois, une transmission interhumaine de la lignée clade I du virus Mpox.
L’étude note que 241 cas suspects ont été enregistrés par la surveillance provinciale du Sud-Kivu entre le 29 septembre 2023 et le 29 février 2024. Quatre-vingt-onze pour cent ont été hospitalisés. Des échantillons de 119 individus ont été obtenus pour analyse génomique. Parmi eux, 108 (91 pour cent) ont été confirmés positifs à l’infection à Mpox. Les professionnelles du sexe représentaient 30 pour cent de tous les cas confirmés et suspects.
Tous les cas confirmés présentaient l’éruption caractéristique. La plupart avaient de la fièvre et environ 40 pour cent avaient des ganglions lymphatiques enflés. Cent quatorze cas présentaient des lésions génitales. Deux patients sont décédés, ce qui représente 1,4 pour cent des cas confirmés.
Le séquençage génomique de 22 patients a été obtenu, confirmant des infections du clade I, ce qui suggère que l’événement a commencé comme un débordement zoonotique [transmission de l’animal à l’homme]. Cependant, cinq séquences ont montré un mécanisme de mutation connu sous le nom de désanimation de la cytosine médiée par le complexe d’édition de l’apolipoprotéine B (APOBEC3), qui indique une transmission interhumaine. Selon un rapport récent publié dans la revue Virus Evolution, passant en revue les mutations induites par APOBEC3 dans l’évolution des virus Mpox, ces enzymes humaines du système immunitaire inné ont la capacité d’inhiber certains types de virus. Mais ils confèrent également une signature de leur évolution au sein de l’humain.
L’impact des modifications de APOBEC3 sur les virus séquencés clade IIB Mpox a également été observé lors de l’épidémie mondiale de Mpox de 2022-2023. Comme le note le rapport de Virus Evolution dans ses conclusions: «Lorsque nous avons appliqué notre analyse au virus de la variole du singe (MPXV), nous avons constaté qu’il existe deux groupes distincts de génomes de MPXV, ceux collectés avant 2016 et ceux après […] Nous concluons que le scénario le plus probable est qu’avant 2016, les génomes du MPXV ont évolué chez l’hôte animal. Le groupe de génomes MPXV post-2016 a subi une édition APOBEC3 humaine persistante et continue après une transmission zoonotique vers fin 2016/début 2017.»
En appliquant des techniques génomiques similaires tirées de l’épidémie du clade humain IIB, les auteurs de l’enquête de Kamituga ont estimé que le récent clade Mpox a émergé à la mi-septembre, ce qui concorde avec le premier cas signalé. Les auteurs de l’enquête épidémiologique écrivent: «Ce rapport décrit une nouvelle lignée du clade I Mpox associée à une transmission interhumaine soutenue dans une épidémie en cours dans l’est de la RDC. L’identification des mutations liées à APOBEC3 – la marque d’une propagation efficace de Mpox via la transmission interhumaine – renforce cette affirmation.
Historiquement, les infections à Mpox ont été caractérisées comme une maladie zoonotique endémique, ce qui signifie que le virus vivant dans les réservoirs de rongeurs [écureuils des genres Funisciurus et Heliosciurus, rats géants et loirs africains] se propage chez les humains qui habitent au même endroit. Bien qu’une personne infectée puisse en infecter d’autres par contact étroit, ces contaminations interhumaines restent limitées et l’épidémie s’éteint rapidement. Les quelques cas identifiés en dehors de l’Afrique étaient généralement importés par des voyageurs en provenance de régions endémiques. Entre 1970 et 2022, environ 38.000 cas de Mpox ont été enregistrés en Afrique occidentale et centrale.
Puis, en mai 2022, avec la levée des restrictions liées au COVID, l’épidémie mondiale de Mpox a été caractérisée par une transmission interhumaine soutenue du virus qui s’est propagé rapidement dans 113 pays, infectant plus de 94.000 personnes entre janvier 2022 et le 5 mars 2024. Jusqu’à présent, 174 décès ont été recensés, avec un taux de létalité de près de 0,2 pour cent. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a désigné cette lignée comme clade IIb, la distinguant des clades IIA et I qui, jusqu’à présent, étaient encore considérés comme zoonotiques.
Avant 2018, très peu de cas de Mpox étaient signalés en dehors de l’Afrique. Cependant, la vaste épidémie au Nigeria en 2017, provoquée par une transmission interhumaine soutenue, a signifié que le paysage épidémiologique de Mpox avait subi un changement radical et cela aurait dû alerter les agences de santé publique du monde entier. Les mises en garde ont été, pour la plupart, rejetées par les autorités sanitaires jusqu’à ce qu’une lignée apparentée du même clade du Nigeria engendre l’épidémie mondiale en 2022, au milieu de la pandémie actuelle de COVID, avec un retentissement mondial.
Aujourd’hui, l’échec récent de l’Organisation mondiale de la santé à parvenir à un accord sur la manière de progresser dans une approche mondiale de préparation et de prévention de futures pandémies, les développements dans l’est de la RDC avec le clade IB du virus Mpox, après l’épidémie mondiale de Mpox qui remonte à peine deux ans, devraient sonner l’alarme et appeler à l’action. Mais les agences de santé publique du monde entier semblent n’avoir rien appris de la mort de près de 30 millions de personnes à cause du COVID-19.
La complaisance et la réaction ont été la marque de ces épidémies, et avec les pandémies de COVID, la santé publique a été enchaînée aux exigences de l’État et des grandes entreprises. À cet égard, l’évaluation des menaces du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies du 5 avril 2024 est assez révélatrice. Bien qu’ils aient accès aux dernières informations sur la variole du singe, celui-ci a outrageusement conclu: «[L’]augmentation des cas, le risque global de cette épidémie en RDC pour la population générale dans l’UE/EEE et pour les MSM [hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes] ayant de multiples partenaires sexuels dans l’UE/EEE reste faible.
Comme ont prévenu les auteurs de l’étude sur l’épidémie dans l’est de la RDC: «La propagation soutenue du clade I MPXV à Kamituga, une région minière densément peuplée et pauvre, soulève d’importantes inquiétudes. Les infrastructures de santé locales sont mal équipées pour faire face à une épidémie à grande échelle, aggravée par un accès limité à l’aide extérieure. Les 241 cas signalés constituent probablement une sous-estimation de la véritable prévalence des cas de Mpox survenant dans la région.
Ils ont ajouté: «Des déplacements fréquents ont lieu entre Kamituga et la ville voisine de Bukavu, avec des déplacements ultérieurs vers les pays voisins tels que le Rwanda et le Burundi. En outre, un nombre considérable de travailleuses du sexe opérant à Kamituga sont des étrangères et retournent fréquemment dans leur pays d’origine, même si, à l’heure actuelle, il n’existe aucune preuve d’une propagation plus large de l’épidémie. La nature très mobile de cette population minière présente un risque important d’escalade de l’épidémie au-delà de la zone actuelle et au-delà des frontières.
Cela ne fait que soulever le spectre d’une autre menace pour la santé publique parmi les divers autres agents pathogènes qui évoluent simultanément et rapidement pour s’adapter aux populations humaines.
(Article paru en anglais le 22 avril 2024)
Crédit: Lien source
Les commentaires sont fermés.