À Monaco, une prostituée condamnée à douze mois de prison pour avoir volé 160.000 euros en montre et bijoux chez son client

À vouloir le beurre, l’argent du beurre et, par-dessus le marché, compenser une soi-disant perte financière, le bénéfice n’est pas apparu très concret dans cette affaire évoquée devant le tribunal correctionnel de Monaco. D’autant que ce funeste engrenage a conduit jusqu’à la prison une prostituée française de 28 ans.

En « villégiature » dans un Airbnb de Beausoleil, cette jeune femme est déclarée comme professionnelle en Principauté depuis 2019. C’est d’ailleurs par rapport à une prestation tarifée qu’elle a comparu à l’audience de flagrance pour avoir dérobé quelque 160.000 euros en montre et bijoux chez son client dans la nuit du 27 au 28 avril dernier afin de donner l’équivalent numéraire nécessaire à cette « fellation sous-payée ».

Une dispute puis une soirée bien arrosée

Pour comprendre à la fois cette affaire et l’adultère, le président Florestan Bellinzona rappelle en préambule « la dispute de la veille où la compagne reprochait à son ami son alcoolisation ». « Remontée, elle partait passer la nuit chez sa mère. L’homme en profitait pour rejoindre une fête organisée par un ami pour ses fiançailles. Il ingurgitait verre sur verre au cours de sa fréquentation des établissements de nuit du Fairmont, du Sass’ Café et du Twiga. Le black-out! »

Or, le lendemain matin dans l’appartement de l’avenue Crovetto-Frères, le couple se retrouvait et remarquait les disparitions de la montre Rolex Daytona à 80.000 euros, d’une parure de bijoux estimée à 130.000 euros, d’un sac Chanel et de quelque 1.200 euros en numéraire. Des circonstances imprévues à partir d’agissements d’autrui?

À l’issue du dépôt de plainte, en effet, les enquêteurs apercevaient sur les images de vidéosurveillance, la présence d’une prostituée connue de leur service à côté de la victime. Ils obtenaient confirmation de son identité par le croisement du numéro de téléphone composé depuis son portable pour appeler un taxi.

« Cadeaux » pour éviter les ennuis ou vols assumés?

La prévenue, arrivée menottée dans le box, réfute l’infraction de vol. Un cas fortuit? « Ce personnage n’avait pas suffisamment de liquide pour me payer. Juste 50 euros: cinq fois moins ! Alors je l’ai menacé d’appeler la police s’il ne réglait pas la somme convenue. Évidemment, pour éviter les ennuis et surtout si son amie apprenait son infidélité, il m’a donné sa montre et des bijoux pour que je quitte les lieux. »

Le magistrat s’insurge contre son interprétation tendancieuse des faits. « Vous variez sans cesse dans vos déclarations. Vous avez surtout profité de l’état d’ébriété pour dérober un collier à 80.000 euros, une montre du même montant, des bijoux, de l’argent… Même pour vous dédommager, la seule valeur financière du plus petit bijou emporté aurait suffi car elle se situait bien au-delà du prix de la fellation! »

Le client n’était pas bourré au point d’être inconscient, conteste l’inculpée. Il m’a même donné le code pour sortir de l’immeuble…

Seules la bague et la broche ont été retrouvées. Où sont les autres objets ?

J’ai jeté le collier car je n’en ai jamais porté de ma vie et j’ignorais sa valeur comme celle de la montre qui m’a été volée…

Pourtant, dans les dix minutes qui ont suivi votre départ de l’appartement du couple, vous avez envoyé un message à votre cousin au Bénin pour annoncer la composition du butin… Et l’argent?

J’aide ma mère qui vit en Afrique… »

Réquisitions: « envoyer un message fort »

Côté parties civiles, la compagne réclame 400.000 euros tous préjudices confondus. Son ami est plus réservé. Bien éméché le soir des faits, il allègue une amnésie temporaire.

À l’issue du débat, si l’investigation minutieuse du président apporte une preuve de culpabilité, le premier substitut Julien Pronier démontre la fausseté des arguments fournis par l’escort-girl. Il tire la sonnette d’alarme et propose l’antidote à la prolifération de l’irrespect des règles observées par la prévenue.

« Elle demeure indifférente à un préjudice de 160.000 euros pour 31 minutes. Entre autres éléments intéressants, cette sorte de contrat proposé où Madame mentionne dans ses textos tout ce qu’elle a dérobé parce que son client ne pouvait pas payer. Était-ce une manière d’en prévoir la revente? Il faut envoyer un message fort à cette professionnelle afin de protéger la Principauté : douze mois ferme avec mandat d’arrêt maintenu et cinq ans d’interdiction de paraître sur le sol monégasque. »

La défense dans le « flou »

En défense, Me Robin Svara déplore la sévérité de la peine et plaide le flou du dossier. « Le plaignant, aviné depuis le milieu de l’après-midi, sert différentes versions, argumente l’avocat. Il ne se souvient de rien. Or, ma cliente n’a jamais eu de problèmes depuis 2019 en tant qu’escort. Aurait-elle pu voler tous ces objets en moins de dix minutes? Serait-ce impossible que Monsieur lui ai dit prend tout ça et tire-toi? Vous envoyez une personne pendant douze mois en prison sans certitudes. Je demande la relaxe ou une peine clémente afin que la prévenue puisse aider sa famille. Quant aux préjudices réclamés de 400.000 euros, ramenez-les à de plus justes proportions. »

Le tribunal suivra les réquisitions du ministère public. Forte de la réforme de janvier 2024, la formation collégiale a pu prononcer l’interdiction de paraître sur le sol monégasque. L’indemnisation a été renvoyée à l’audience sur intérêt civil du 21 juin 2024.


Assesseurs: Patrice Fey et Anne-Sophie Houbart.

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