Mali : le dialogue inter maliens réclame un autre dialogue avec tous les groupes armés, y compris les groupes terroristes
Au Mali, les assises inter maliens convoquées pour l’accord de la paix et de réconciliations recommandent aux autorités de la transition d’engager le dialogue avec les groupes armés, notamment les groupes armés terroristes qui sévissent dans le pays depuis plus d’une décennie.
Décidemment, il ne passe aucune assise au Mali sans que les participants ne recommandent aux autorités de négocier avec les groupes terroristes. De la conférence d’entente nationale en passant par le dialogue national inclusif, les assises nationales de refondation jusqu’à l’actuel dialogue inter maliens, qui a pris fin le vendredi dernier, les participants recommandent d’engager le dialogue avec tous les groupes armés terroristes et de dissoudre les milices d’autodéfense. « Le dialogue recommande de dissoudre les milices et les groupes d’autodéfense et assurer la réinsertion de leurs combattants, d’engager le dialogue avec tous les mouvements armés maliens et d’ouvrir le dialogue doctrinal avec les groupes armés dits jihadistes », a déclaré le rapporteur du comité de pilotage du dialogue Aboubacar Sow.
En appelant à privilégier le dialogue avec les fils égarés qui ont pris les armes contre la patrie mère, le dialogue inter malien a appelé les autorités militaires au pouvoir à évidence selon laquelle « l’action militaire seule n’est pas suffisante pour restaurer la paix sur l’ensemble du territoire ».
Mandat d’arrêt contre les protagonistes
Le moins qu’on puisse dire est-ce que l’ouverture d’un dialogue avec tous les groupes armés, y compris les groupes jihadistes peut-il contribuer à la levée du mandat d’arrêt international contre les principaux meneurs de ces groupes armés ? Les principaux chefs terroristes et des groupes armés rebelles avec lesquels le gouvernement est censé engager le dialogue conformément aux conclusions du dialogue inter maliens sont sur le coup d’ un mandat d’arrêt international prononcé par la justice malienne pour des faits graves. Il s’agit de Iyad AG Ghaly, Amadou Barry dit Amadou Koufa ; Bilal Ag Achérif, Alghabass ag Intalla, Fahad Ag Almahmoud, Achafagui Ag Bouhada. Ils sont tous inculpés pour des faits « d’association de malfaiteurs, d’actes de terrorisme, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre, de financement du terrorisme, de blanchiment de capitaux, d’assassinat, d’incendie volontaire, de blessures volontaires, de violences et voies de fait et de dommage à la propriété d’autrui ».
Au même moment, le dialogue inter maliens fait une recommandation qui contraste avec l’option du dialogue privilégié d’alors avec les groupes belligérants. « Le dialogue recommande d’intensifier la lutte contre le terrorisme sur toute l’étendue du territoire », peut-on lire dans les conclusions dudit dialogue. Une recommandation qui rime avec l’option militaire choisie par les autorités de la transition malienne qui ont multiplié ces deux dernières années l’acquisition des moyens de combats importants ou sophistiqués dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Les deux recommandations contrastent et relancent encore l’épineuse question du dialogue avec les groupes terroristes et la dissolution des milices armés qui peinent à se concrétiser.
Une patate chaude entre les mains des autorités
Il faut noter que les différents régimes qui se sont succédés depuis le début de cette crise sécuritaire en 2012, à savoir le président Ibrahim Boubacar Keïta et le président de transition Bah N’Daw, ont tous décidé de poursuivre et d’appliquer les recommandations qui ont été formulées par la Conférence nationale d’entente en 2017, puis par le Dialogue national inclusif en 2019.
L’idée avait même pris chemin avec le premier gouvernement de la transition. Les autorités d’alors avaient décidé de confier cette lourde tâche au Haut conseil islamique pour engager les discussions entre l’État malien et les différents groupes djihadistes. Certains membres du Haut conseil islamique avaient même indiqué que les négociations seront menées avec les chefs du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), à l’échelle nationale, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et tous les potentiels chefs djihadistes. Le ministre malien des Affaires religieuses et du Culte, Mamadou Koné, et plusieurs personnes contactées par les médias avaient soutenu que les négociations seront engagées avec tous les chefs terroristes. « L’écrasante majorité de la population malienne l’a demandé avant même la transition », avait déclaré l’ancien ministre des affaires de la transition. Pour lui, cette décision résultait des conclusions de la conférence d’entente nationale et du dialogue national inclusif tenus respectivement lorsque l’ancien Président Ibrahim Boubacar Keïta était à la tête du pays.
Mais, cette option de négocier avec les groupes armés terroristes bien qu’approuver par l’écrasante majorité des maliens a été classée dans les tiroirs par le régime d’IBK à cause de l’opposition de l’allié français. Aujourd’hui, Bamako en froid avec Paris va-t-il décider de s’affranchir en engageant à mettre en œuvre cette recommandation qui devrait encore ressortir dans les conclusions du dialogue inter maliens pour la paix et la réconciliation ? L’application de cette recommandation si elle venait d’être adoptée risque d’être une patate chaude entre les mains des autorités de la transition qui ont récemment acquis plusieurs moyens de combats importants pour éradiquer l’hydre du terrorisme au Mali.
Siaka DIAMOUTENE/Maliweb.net
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