la France cherche son cap pour sa souveraineté alimentaire

Depuis quatre ans, le gouvernement a trouvé son maître mot. Une pandémie paralyse les chaînes d’approvisionnement? L’invasion de l’Ukraine chamboule le marché des céréales et des engrais? Des agriculteurs furieux bloquent les routes? Sa réponse est immuable: la France doit renforcer sa souveraineté alimentaire. Attendu depuis bientôt deux ans et discuté entre le 10 et le 24 mai, un projet de loi entend marquer « le caractère d’intérêt général majeur de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture ». Mais si le mot de souveraineté alimentaire est sur toutes les lèvres, sa définition divise.

Introduite lors du Sommet mondial de l’alimentation de Rome, en 1996, cette notion émane de la Via Campesina. Un réseau de paysans altermondialistes et autres réfractaires aux règles de libre-échange édictées par l’Organisation mondiale du commerce – aux antipodes de la matrice idéologique du gouvernement – qui la définissent alors comme « le droit de chaque pays à maintenir et développer sa propre capacité de produire son alimentation de base ».

Notre souveraineté est-elle réellement menacée? Pour Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, l’organisation syndicale majoritaire, en première ligne des discussions avec le ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire (encore elle!), le constat est sans appel. « Le problème de la souveraineté alimentaire et agricole tient au fait qu’on importe un tiers de notre alimentation », déclarait-il le 20 février.

Des attentes différentes

Mais, comme souvent, la réalité des chiffres est plus complexe, notamment au regard du ratio entre la production d’une denrée et sa consommation intérieure. Avec 292 % pour l’orge, 265 % pour la poudre de lait écrémé, 195 % pour le blé tendre, la France reste autosuffisante dans nombre de productions clés. « Nul doute, notre sécurité alimentaire est assurée, selon Harold Levrel, professeur à AgroParisTech. Évidemment, on peut s’améliorer sur le poulet (81 %) ou les légumes frais (84 %), mais la réalité de notre agriculture aujourd’hui c’est que nous exportons ce que nous produisons, ce qui nous amène à réimporter d’autres denrées. »

Marine Colli, consultante indépendante en politique agricole, dresse un autre constat de la souveraineté prônée par Emmanuel Macron. « Le cap du gouvernement n’est pas l’autosuffisance alimentaire mais une vision exportatrice de l’agriculture. » La boussole à l’Élysée vise le classement mondial des exportateurs de produits agroalimentaires.

Deuxième au début du millénaire, le pays ne pointe désormais plus qu’à la sixième place, derrière les États-Unis, le Brésil, la Chine, les Pays-Bas et l’Allemagne. Pour naviguer sur une planète où la géopolitique se crispe, la France doit-elle tenir le cap non seulement sur l’alimentation des Français mais également sur son influence agricole à travers le monde? Les députés devront répondre à cette question de fond alors que la colère de la ferme France reste palpable dans les campagnes.

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