Krépin Diatta avait été présenté comme un couteau suisse lors de sa signature à l’ASM en 2021. Tantôt ailier, tantôt piston droit, tantôt piston gauche: le Sénégalais est un joueur fiable et le prouve en cette fin de saison. Un garçon discret mais réfléchi. Ce jeudi après-midi, le joueur de 25 ans est revenu sur la saison monégasque, son enfance et ses débuts en pro. Le tout à trois jours d’un dernier match sans enjeu face à Nantes, ce dimanche soir au stade Louis-II (21h).
Qu’est-ce qui domine depuis la qualification à Montpellier?
Un sentiment de fierté. Depuis que je suis là, cette équipe court derrière la Ligue des champions. On n’est pas passé loin de cet objectif à deux reprises, aujourd’hui c’est fait. Ce groupe a toujours voulu y arriver, pour le club et les supporters, qui le méritent. On avait discuté entre nous il y a quelque temps. On voulait faire quelque chose de grand, l’année prochaine c’est le centenaire du club. J’ai eu cette chance de la disputer trois ans d’affilée [avec Bruges], en venant ici c’était aussi mon objectif.
L’équipe a été irrégulière mais a terminé fort. Fofana parlait d’une réunion comme déclic…
Il y a eu de l’irrégularité, mais ça s’explique par beaucoup de facteurs. La CAN, la coupe d’Asie, des blessés… On n’a jamais été au complet, ça freine la progression. Cette réunion a été positive. Tout le monde connaissait les enjeux.
Qui a pris la parole?
Le coach a parlé, des cadres aussi. Wissam Ben Yedder, Youssouf Fofana, Breel Embolo, Guillermo Maripan, Caio Henrique… Il y a des voix. On a la chance d’avoir un groupe où les jeunes sont dans l’écoute, c’est ça qui facilite la progression de cette équipe.
L’apport du coach?
Il a changé beaucoup de mentalités ici, il a apporté cet esprit combatif pour le jeu sans ballon. Tout le monde adhère.
Et vous, vous êtes attaquant ou défenseur?
(Rires) Quand je suis arrivé, le coach m’a parlé en pré saison de me faire jouer comme piston parce qu’il allait changer de système. Je m’adapte. J’ai toujours fait les efforts défensifs, je pense que c’est aussi à cause de ça qu’il a eu cette confiance.
Vous serez là l’an prochain?
Oui, j’espère. J’ai encore deux ans de contrat, mon futur est dans ce club. Si je ne me sentais pas bien, je pense que je serais parti (sourire).
Vous n’avez pas encore marqué cette saison. Vous y pensez?
Je veux toujours marquer, mais je n’en fais pas une obsession. Sinon tu arrêtes de faire certaines choses. Si tu te contentes de vouloir marquer, souvent tu te perds et tu peux manquer tes opportunités. Il me reste encore un match, on verra (sourire).
Inter:
À vos débuts avec Sarpsborg en 2017, vous aviez été élu meilleur espoir du championnat norvégien. Il y avait pourtant Erling Haaland à Molde…
Je n’ai pas joué directement. J’étais en réserve puis ils ont vu que j’avais un potentiel. J’ai été homme du match quand le coach m’a lancé en équipe première et je ne suis plus sorti. On a été finaliste de la coupe et on a terminé troisièmes alors que Sarpsborg, c’est une équipe qui se bat toujours pour se maintenir. C’était une grosse saison pour le club et, moi, j’ai terminé meilleur espoir. Je marquais, je faisais des passes et des très gros matchs. Ça m’a valu cette distinction.
Devant Haaland, donc…
Avant de jouer à Sarpsborg, j’étais passé par Molde pour faire des essais. Donc je connaissais déjà Erling quand j’ai signé à Sarpsborg. Un peu plus tard on s’est affronté pour Bruges-Dortmund, on a directement échangé nos maillots et discuté.
Vous comptez 42sélections avec le Sénégal (2 buts), vous avez participé à la dernière coupe du monde… Qu’est-ce qui vous lie à ce maillot?
J’ai commencé très tôt à porter le maillot de l’équipe nationale, dès les U17. J’ai enchaîné avec les U20 et ensuite je suis arrivé en équipe A, sans passer par les U23. Ça me tenait à cœur.
Vu de l’extérieur, on sent une ambiance particulière au sein des nations africaines…
Quand tu vas en sélection il y a tout le temps cette ambiance folle, cette union. Mais je pense qu’elle existe aussi en Équipe de France. Moi, cette ambiance m’anime. On a toujours cette envie d’en faire beaucoup pour le pays. Quand j’ai porté le maillot en U17, j’étais hyper fier et mes parents aussi. Tout le monde n’a pas eu cette chance de le porter si tôt, surtout pour quelqu’un qui vient du sud comme moi.
Inter:
C’est plus difficile de se faire une place en venant du sud?
Il y a souvent du talent mais il n’y a pas de visibilité. Pour l’avoir, il faut aller au nord ou vers Dakar. Les recruteurs ne vont pas souvent vers le sud. Moi, j’ai eu cette chance grâce à Dieu. Ce n’était pas évident. Je pense qu’on peut compter les joueurs qui ont eu cette sélection U17. Même Sadio (Mané) ne l’a pas eue. Quand on sait le joueur qu’il est, ça veut tout dire…
Vous êtes originaire de la Casamance, une région agricole. Comment est la vie là-bas?
Vraiment magnifique (sourire). Comme on dit, c’est la verte Casamance. C’est la forêt, la nature. C’est agréable à vivre, il y a tout. Beaucoup de touristes viennent visiter. La seule chose qu’il manque dans cette belle région, c’est la visibilité. Même si maintenant tout le monde commence à descendre. Avant, c’était plus dur de s’en sortir.
Votre jeunesse?
C’était très bien. Je ne peux pas m’empêcher de retourner dans ma ville (Ziguinchor), je passe pratiquement toutes mes vacances là-bas.
Et l’école?
Je suis le fils d’un enseignant. L’école, tu étais obligé d’y aller (sourire). J’y suis allé jusqu’en première et j’ai signé mon contrat pro en Norvège. Je ne faisais pas de bêtises. Mon papa était carré, j’avais même du mal à aller jouer au foot. J’ai fait beaucoup de sacrifices. Des fois, je cachais le ballon dans mon sac et j’allais à l’école avec pour pouvoir jouer. Mais mon père pouvait voir si je n’étais pas en classe, donc j’allais dans son bureau regarder (son agenda). S’il était chargé, je profitais de cette occasion pour aller jouer.
Il ne vous imaginait pas footballeur?
Le football il n’en voulait pas. Il voulait qu’on continue à étudier. Mais ma sélection en U17 a tout déclenché, sa mentalité a changé. Une fois, il m’a vu jouer sans que je le sache. Après le match il me dit: « Put…, je t’ai regardé jouer, tu es bien! » Et là, tout a basculé. Je lui ramenais souvent de bonnes moyennes, il était content et ça me permettait de continuer le foot.
Vous en parlez avec émotion…
Ça m’a construit. Mon papa a toujours été un exemple pour nous, ses enfants. Il est fier et nous, on l’est aussi de ce qu’il a fait pour nous.
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