Dans notre pays, les facteurs qui alimentent cette union sans consentement sont notamment le mariage endogène visant à consolider les liens de parenté, le faible revenu et la cupidité des parents.
Le mariage au Mali est un acte solennel par lequel un homme et une femme établissent entre eux une union dont les conditions, les effets et la dissolution sont régis par le code civil dans le cas du mariage civil ou par les lois religieuses dans le cas du mariages religieux. À côté des unions librement consenties, nous assistons à des mariages où généralement le consentement de la femme n’est requis pour scceller l’acte.
Ainsi, il n’est pas donné à toutes les femmes de choisir leur époux. Certaines doivent accepter de gré ou de force leur nouveau mari. Ce mariage sans consentement dit également forcé est un phénomène répandu dans notre pays. Selon une étude du Fonds des Nations-Unies pour l’enfance (Unicef), datant de 2020, le Mali enregistre un taux de prévalence du mariage forcé de 61% se classant parmi les 10 pays les plus affectés par cette pratique. Nombreuses sont les victimes de cette relation forcée qui souffre en silence.
Assétou (nom d’emprunt) est mariée, il ya 12 ans à un homme qu’elle n’a jamais aimé. L’insistance de sa mère l’a obligée à accepter la demande de son prétendant. Assétou explique que les arguments avancés par sa génitrice étaient que l’amour d’une femme pour son mari n’a pas d’importance, et que cela va naître plus tard, avec le temps. «Elle a essayé de me convaincre en me disant que mon futur mari est riche, qu’il va me combler de cadeaux», confie cette promotrice d’un salon de coiffure qui avait espéré un jour tomber amoureuse de son conjoint.
Douze ans après, aucun germe de l’amour n’a poussé dans son cœur. Conséquences ? Elle n’a jamais pris plaisir à satisfaire ses devoirs conjugaux avec son mari. «Certains s’imagineront que j’ai un copain. Je n’ai jamais connu un autre homme avant et après mon mariage», assure celle qui s’est résignée à rester dans ce mariage et y passer le restant de sa vie convaincue que c’est son destin. Elle justifie sa décision par le fait qu’elle est mère de deux filles qui ne méritent pas de vivre séparées de leurs parents. «Mais, je reste aussi par pitié pour lui qui a tout fait pour que je puisse l’aimer. Il est resté gentil et doux. Il n’a jamais crié sur moi à plus forte raison pour me frapper», avoue la coiffeuse.
La jeune Bintou a été mariée en 2020 contre son gré à l’un de ses cousins. Elle affirme que c’est une décision de ses parents visant à renforcer les liens de parenté. Son dégoût pour cette union était si énorme qu’elle ressentait toujours de l’horreur lors des rapports intimes avec son conjoint. «Je vomissais pendant l’acte. Cela a fini par me donner le dégoût de faire l’amour. J’ai fui à plusieurs reprises pour aller chez mes parents. Ils m’ont toujours conduite de force chez mon mari», se souvient l’habitante de Lafiabougou, en Commune IV du District de Bamako.
Il lui est arrivé d’aller se cacher chez une de ses amies. Finalement, elle sera repérée à travers son numéro de téléphone grâce au concours d’un opérateur de téléphonie mobile. Après son accouchement, Bintou est allée chez son père pour la quarantaine. C’est à la suite de ce séjour qu’elle a fourni son père de ne pas la renvoyer chez son époux.
Aujourd’hui, la jeune commerçante est en instance de divorce. Mais, elle craint de rester célibataire à vie comme l’un de ses fils menacé désormais ex-mari. Ce dernier, témoigne-t-elle, est un adepte des pratiques surnaturelles. «Quand j’étais chez lui, il venait tout le temps avec des décoctions prises avec des marabouts et des charlatans afin de gagner mon amour», se souvient-elle. Contrairement à Bintou qui a préféré fuir son «mari forcé», d’autres femmes commettent l’irréparable. Elles attendent à leur vie ou à celle de leur époux.
RÉSIGNATION- L’on s’en souvient, en décembre 2021 à Koulikoro, selon des sources sécuritaires, une victime du mariage forcé âgée de 16 ans avait tué son conjoint à l’aide d’un pilon. La même année, une autre s’était donnée la mort par pendaison à Yilimalo, un hameau du Cercle de Bafoulabé. Des proches de la victime avaient affirmé que le mariage forcé était à l’origine de son suicide.
Elle avait été battue et amenée de force chez son mari quelques jours avant son geste fatal. L’imam d’une mosquée de Yirimadio en Commune VI du District de Bamako, Mohamed Koné, indique qu’il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a pas de point de consentement. «Nous invitons encore les parents à faire preuve de compassion pour leurs enfants et de mettre fin aux mariages forcés», plaide-t-il, avant de préciser que le mariage en islam est conditionné notamment au consentement de la femme, celui de son tuteur et la présence d’au moins deux témoins musulmans et honnêtes.
Quant à notre code du mariage et de la tutelle, son article 283 stipule : « Il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement. Le consentement n’est point valable s’il a été extorqué par violence ou s’il n’a été donné que par suite d’une erreur sur la personne. Il doit être donné oralement et en personne devant l’officier d’état civil par chacun des futurs époux. Il est constaté par la signature ou à défaut par l’apposition d’empreintes numériques au pied de l’acte», dira un avocat qui a requis l’anonymat.
Pour lutter contre le mariage forcé, le sociologue Modibo Touré déclare qu’il faut mener des actions de sensibilisation auprès des parents et des autorités afin de les informer des dangers sur les mariages forcés.
Il explique qu’il faut informer les enfants et les jeunes sur leurs droits et leur apprendre à les défendre. Modibo Touré propose de lutter contre les barrières à l’éducation afin de garder les filles à l’école. Et de continuer qu’il faut aider les familles à augmenter leurs revenus, grâce à la création d’opportunités d’épargne et d’activités génératrices de revenus pour éviter que les parents ne marient leurs filles et utiliser les moyens de les envoyer à l ‘école.
Car, justifie-t-il, très souvent, ces familles n’ont pas de sources de revenus pour prendre en charge les enfants. Les filles, dans ce cas de figure, servent de prétexte en les donnant en mariage afin de diminuer les charges d’une partie et d’autre part éviter les dérives d’une débauche qui pourrait déshonorer la famille.
Djénéba BAGAYOGO
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