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Mardi 14 mai, quelques heures avant l’évasion sanglante de Mohamed Amra, un rapport du Sénat dénonçait l’impact grandissant du narcotrafic.
© Lucas Ninno/Getty Images
– «La prison n’a jamais été un grand obstacle au crime organisé», estime Alain Bauer.
Toujours en fuite. Mohamed Amra, surnommé «La Mouche», est l’homme le plus recherché de France. Incarcéré depuis le 7 janvier 2022, le détenu s’est échappé à la suite de l’attaque du fourgon pénitentiaire dans lequel il était transporté, mardi 14 mai, au péage d’Incarville, dans l’Eure. Deux agents pénitentiaires ont été tués lors de ce commando. S’il était incarcéré essentiellement pour des faits de vols, on sait aussi que le fugitif est mis en examen, entre autres, pour une affaire d’assassinat sur fond de trafic de drogue depuis le 26 septembre 2023.
Mohamed Amra, désormais recherché par Interpol, aurait été le commanditaire de ce meurtre, depuis sa cellule, en prison. Un téléphone a été retrouvé dans la prison d’Evreux, l’établissement dans lequel il était incarcéré, affirme FranceInfo. Cette affaire prouve que «la prison n’a jamais été un grand obstacle au crime organisé», constate Alain Bauer, professeur de criminologie au Conservatoire national des arts et métiers, interrogé par Capital.
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Trafic de drogue : ce chercheur s’est spécialisé dans le parcours stups
«On peut continuer à animer son réseau depuis sa cellule»
Le rapport du Sénat sur l’impact du narcotrafic en France, publié quelques heures avant la fuite de Mohamed Amra, tire les mêmes conclusions. «La détention est actuellement considérée comme un impondérable, un accident du travail puisqu’on peut continuer à animer son réseau depuis sa cellule», a soutenu le sénateur Etienne Blanc (LR), rapporteur de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France lors de la présentation du rapport. Pour Alain Bauer, cette affaire démontre que «le niveau de violence a beaucoup évolué» au sein de la population carcérale et que «la peur de la police ou de la justice s’est estompée».
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Les parlementaires proposent un «traitement de choc» pour sortir la France «du piège du narcotrafic», selon les mots du président de la commission d’enquête, le sénateur Jérôme Durain (PS), pour qui le phénomène est «désormais national», en ligne avec le rapport du Sénat qui parle même d’une «France submergée par le narcotrafic». «L’Etat a sous-estimé l’importance, l’étalement, l’enracinement et la puissance des trafics. Sa capacité à la corruption et son entregent financier», indique, quant à lui, Alain Bauer.
35 recommandations de lutte contre le trafic de drogue
Selon une note de l’Insee datant de 2021, le trafic de drogue génère 2,7 milliards d’euros de gains par an en France. Au total, le narcotrafic représente un peu plus de 0,1 point du PIB français, soit quasiment 30 millions d’heures de travail réalisées chaque année par les trafiquants, estime l’Insee. Si l’impact économique du narcotrafic reste pour l’instant «globalement marginal», ses conséquences sont «très puissantes sur des espaces assez concentrés et sur certaines populations», affirme Alain Bauer qui ajoute que «l’ampleur de l’emploi des “petites mains” du trafic ne peut plus être sous-estimée».
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«Si la France n’est pas encore un narco-Etat, elle commence peu à peu à perdre ses défenses. Les tentatives des organisations criminelles sont des “stress tests” qu’il faut prendre très au sérieux», alerte Alain Bauer. Jérôme Durain et Etienne Blanc, lors de la présentation de leur rapport, ont de leur côté pointé «l’insuffisance des moyens humains, techniques» mais aussi «juridiques» au service de la lutte anti trafic de drogue.
Au total, les sénateurs proposent 35 recommandations pour en finir avec le narcotrafic. Parmi elles, la transformation de l’Office anti stupéfiants (Ofast) en «une véritable “DEA à la française”», en référence à l’Agence fédérale américaine chargée de la lutte contre les trafics. Elle serait chargée de coordonner l’ensemble des services dédiés à cette cause. Les sénateurs exhortent aussi à la création d’un parquet national anti stupéfiants qui passerait sous la direction de cette nouvelle entité. La commission veut encourager les infiltrations policières et revoir le statut d’informateur : les sénateurs souhaitent qu’il puisse bénéficier d’une immunité pénale pour devenir un véritable infiltré civil. Ils veulent aussi s’attaquer à l’argent qui circule au sein de ce trafic, «le nerf de la guerre» pour Etienne Blanc. Davantage de saisies et d’enquêtes patrimoniales sont également demandées.
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