Vanessa Leroy
Publié le
Au Havre (Seine-Maritime), c’est tout d’abord l’histoire d’une rencontre, celle d’Anna Semadegbe, femme de ménage, avec Alain Vassor, professeur d’histoire-géographie à la retraite.
Un jour de 2007, Anna, employée par la voisine de palier de ce Havrais, elle « a eu la gentillesse de prendre des nouvelles de ma femme qui était gravement malade. Elle a tout de suite proposé de nous aider. » Le couple, touché, accepte. Une collaboration qui se poursuivra après le décès de l’épouse d’Alain Vassor.
Plus de trois ans d’échanges pris en notes
Et de cette rencontre découle une autre histoire, celle d’Anna, Béninoise née en 1963, arrivée à Paris en 1984, puis au Havre en 1990 suite à la mutation de son mari à l’usine Renault de Sandouville dont elle divorcera quelques années plus tard.
Alors que cette dernière s’affaire au repassage, non sans avoir partagé au préalable un café et quelques biscuits, Anna se met petit à petit à lui raconter son histoire. Alain Vassor l’écoute attentivement.
De ces échanges pendant plus de trois ans, d’abord écrits sur « un grand cahier de 100 pages » est né un livre, Je m’appelle Anna. Du Bénin au Havre, 50 ans de la vie d’une femme, co-écrit avec Matthieu Brasse.
« Alain était mon professeur au collège et je connais Anna depuis 20 ans, explique-t-il. Elle a une vie extraordinaire. Il cherchait quelqu’un qui savait taper à l’ordinateur pour coucher son histoire sur papier. »
Ni une, ni deux, le Havrais, également conseiller régional de Normandie, se rend au domicile d’Alain Vassor une fois tous les 15 jours. Il se charge également de trouver des fonds via une cagnotte auprès de leurs proches pour co-financer l’ouvrage avec l’éditeur.
« J’étais une petite servante »
Au cours des 152 pages divisées en deux parties intitulées Ma vie est un roman et Libre ? et agrémentées de photos personnelles, l’ouvrage – tantôt livre féministe, tantôt un peu livre de voyage, « j’aime bien découvrir d’autres pays », confie Anna – retrace donc la vie de cette Béninoise qui a dû quitter son pays et sa famille avant l’âge de trois ans au service de familles. « J’étais une petite servante », se souvient-elle.
Avant de passer par le Gabon, le Sénégal et même les Etats-Unis, où elle est partie visiter sa maman et son frère sans parler un seul mot d’anglais. « J’ai été retenue à Détroit pendant six heures. Ils avaient pris mes papiers à la Douane. Je ne comprenais rien. »
Cela m’a fait du bien de dire ce que j’avais préservé en moi depuis des années
« J’avais tellement en moi… », confie celle qui est maman de deux grands enfants et grand-mère. Des enfants qui ne connaissaient jusqu’alors rien de sa vie passée souvent ponctuée de violences, jusqu’à ce qu’elle les emmène dans son village natal de Djégbamé en 2017.
De ce livre, les auteurs n’en tireront aucun profit pécunier. « Le moindre bénéfice sera reversé au profit du village d’Anna« , explique Matthieu Brasse. Pour les enfants de Djégbamé, qui compte 150 habitants seulement, elle a en effet créé une association.
« En 2018, on a monté un grand bâtiment pour que les enfants puissent se retrouver. » Et tous les ans, à Noël, elle envoie de l’argent au village pour qu’ils ne connaissent pas la vie qu’elle a vécue. « Pourquoi un enfant devrait-il souffrir ? », conclut Anna.
Infos pratiques :
« Je m’appelle Anna. Du Bénin au Havre, 50 ans de la vie d’une femme », par Anna Seradegbe, Alain Vassor et Matthieu Brasse, aux éditions du Panthéon, 152 pages, 17,50 euros. Disponible dans toutes les librairies et sur Internet.
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