Olivier Passet, Xerfi – La France a-t-elle vraiment le record d’Europe… des prélèvements obligatoires ? – Décryptage éco
Le gouvernement s’est fixé une ligne rouge en matière budgétaire. L’assainissement des finances publiques ne passera pas par une hausse des impôts. L’enjeu de l’attractivité du territoire est trop prégnant pour que des motifs purement comptables engloutissent les petits acquis des dernières années. C’est donc par l’ajustement de ses dépenses que la France devra s’extraire de son impasse budgétaire. L’interdit est d’autant plus catégorique qu’en dépit des inflexions notables sur les prélèvements sociaux, la fiscalité du capital, et plus largement celle des entreprises, la France fait toujours figure de championne des pays avancés concernant le poids de ses prélèvements obligatoires. Cette position extrême devrait suffire en soi à clore le débat sur l’existence d’éventuelles marges de manœuvre. Les mouvements de fronde fiscale qui perlent l’actualité depuis plus de 10 ans, accréditent eux aussi l’idée qu’un point de saturation a été atteint du côté des contribuables.
Nécessité d’un ajustement budgétaire
Mais le risque est aussi de se priver d’instruments efficaces à un moment où l’ajustement est non seulement nécessaire, mais urgent :
1. Les taux d’intérêt à long terme vont probablement demeurer de façon persistante sur les niveaux d’aujourd’hui. Nous sortons donc durablement de la séquence de grande facilité en matière d’endettement.
2. La croissance faible et la désinflation mettent en péril les rentrées fiscales et amplifient les risques d’emballement cumulatif de la dette.
3. Le niveau actuel du déficit n’est pas stabilisant.
Mais agir en période de grande vulnérabilité conjoncturelle exige de mobiliser, au moins à court terme, les instruments les moins pénalisants pour la croissance, au risque de perdre en efficacité. Or précisément, c’est sur le haut de la distribution que la fiscalité mord le moins sur la demande.
La réalité méconnue de la pression fiscale en France
L’interdit de l’impôt, posé comme principe, repose pour sa part sur deux simplifications contestables. Oui, la France est bien championne du monde en matière de pression fiscale, mais toutes les catégories d’impôt ne sont pas logées à la même enseigne. Ce titre, peu glorieux, est dû d’abord au poids des prélèvements sociaux sur le travail ainsi qu’à celui de la fiscalité indirecte, laquelle finance partiellement la protection sociale. Or, la fiscalité indirecte n’affecte pas la compétitivité du territoire, puisqu’elle frappe indistinctement les produits locaux et les produits importés. Quant aux cotisations sociales, elles ont un effet qui demeure très discuté en matière de compétitivité. Et in fine, lorsque l’on scrute le poids des prélèvements obligatoires concernant les impôts qui engagent le plus directement la compétitivité, les impôts sur le revenu, les bénéfices, les plus-values, la France n’a plus cette position extrême que lui confère l’agrégation indistincte de tous les prélèvements. Un constat qui résiste au fait d’incorporer la fiscalité sur le patrimoine.
Deuxième simplification excessive, la France n’est pas le pays de la redistribution et de la progressivité des prélèvements que l’on décrit trop souvent, organisant un enfer fiscal pour les plus riches et les classes moyennes, pour financer les transferts et la défiscalisation des plus pauvres. Une étude de 2021 de l’Insee montre que la redistribution résulte d’abord en France des prestations sociales et de l’usage des services publics comme l’éducation, la santé et le logement, les prélèvements obligatoires étant globalement très peu redistributifs, voire anti-redistributifs. Le taux moyen de prélèvement total sur le revenu primaire est dégressif sur les trois premiers déciles, et le redevient sur le dernier. Et sur le sommet extrême de la distribution, une étude récente de l’IPP (Institut des Politiques Publiques) montre qu’au sein des foyers fiscaux les plus riches, le taux d’imposition global devient régressif, passant de 46% pour les 0,1% les plus riches, à 26% pour les 0,0002% les plus riches (autrement dit les « milliardaires »).
Taxer les plus riches sans nuire à l’attractivité économique
Sur la base de ces constats, il existe bel et bien une marge de manœuvre pour taxer là où cela fait le moins mal à l’activité. Non pas les classes moyennes, mais les plus riches. Argument auquel il faut opposer bien sûr les risques d’évasion et de perte d’attractivité. Cet argument laisse néanmoins un espace pour un prélèvement exceptionnel… puisque les stratégies d’évitement ne valent d’être entreprises que pour un changement d’état permanent. Un prélèvement exceptionnel qui doit réellement l’être, et qui devra offrir de nombreux gages de crédibilité, tant le passé est peuplé de hausses permanentes qui se sont présentées sous le masque de l’exceptionnel.
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