Dominique Garcia évoque la mémoire de son fils tué dans l’attaque du fourgon pénitentiaire

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Dominique Garcia, père d’Arnaud Garcia, une des victimes de l’attaque du fourgon pénitentiaire le mardi 14 mai 2024 au péage d’Incarville (Eure), évoque la mémoire de son fils unique. 

« J’ai toujours été très fier de mon fils », nous confie Dominique Garcia lorsque nous le rencontrons samedi 18 mai 2024 dans son bureau à la mairie de Blangy-le-Château (Calvados), où il est adjoint au maire. « Aussi bien de son comportement que de sa manière de vivre, de son attachement à la loi, il était très intelligent et s’intéressait à tout. Il avait plusieurs passions. En premier : la moto, puis le foot. Les jeux vidéos aussi, que je ne partageais pas avec lui, pas la même génération. Et j’ai appris il y a deux jours qu’il était fou de la NFL (Ligue nationale de football américain, NDLR). C’est Mary, son épouse, qui me l’a appris. »

« il était apprécié de tout le monde. J’aurais aimé l’avoir comme ami ».

Dominique Garcia

Dominique Garcia loue également les qualités relationnelles de son fils : « Il aimait les bonnes bouffes avec ses copains, ses collègues de travail ; et il était apprécié de tout le monde. J’aurais aimé l’avoir comme ami, comme meilleur ami. Il a toujours eu des amitiés fidèles, sans jamais de rupture, sans jamais se fâcher. Il correspondait encore avec ses anciens collègues depuis 2009. »

Dominique Garcia, un père anéanti par la perte tragique de son fils, soupire. Son regard se perd dans ses souvenirs. Les secondes passent. En silence. Une longue inspiration, et il reprend : « Et bien sûr, il y a Mary, sa femme. Il était en complète osmose avec Mary. J’étais tellement heureux pour eux. »

Le jour où la vie bascule

Un souvenir revient soudain à l’ancien commandant de la brigade de gendarmerie de Blangy : « En avril 1989, j’étais gendarme à L’Aigle (Orne). J’ai été pris en otage par des braqueurs de la Poste. Et ma femme, comme Mary aujourd’hui, était enceinte de 5 mois. Moi je m’en suis sorti à l’époque ; mais pas mon gamin aujourd’hui. »

« Aujourd’hui », c’est ce fatidique mardi 14 mai. « J’étais parti le matin pour le Pas-de-Calais, à Lens, chercher mon frère car nous avions l’inhumation d’un cousin vendredi. Je pensais rester un jour ou deux. À peine arrivé, peu après midi, Mary m’appelle, en pleurs, me demandant si j’ai vu l’actualité. Je n’étais pas au courant du tout. Elle m’explique ne pas arriver à joindre Arnaud au téléphone. J’allume la télé sur une chaîne infos et je vois le bandeau passer : deux agents pénitentiaires tués, trois blessés graves. Tout de suite je me suis mis à espérer qu’il soit dans les blessés. J’appelle sa hiérarchie, et on me dit qu’on va me recontacter. Quelques minutes plus tard, coup de téléphone, et la voix que je reconnais comme étant celle d’Éric Dupond-Moretti, car il a une voix assez grave et particulière, m’annonce qu’Arnaud fait partie des victimes. Dès le début de la conversation, vu son intonation, j’avais compris. Il y a une façon d’annoncer aux familles de victimes ; ce que j’ai moi-même du faire une vingtaine de fois dans ma carrière de gendarme. »

Tempête médiatique

Dominique Garcia rentre évidemment en catastrophe à Blangy, auprès de son épouse tout aussi dévastée que lui et de Mary, anéantie. Ses premières réactions sont de protéger sa belle-fille de la tempête médiatique qui s’annonce : « Le téléphone n’arrêtait pas de sonner ; des journalistes sont venus frapper à la porte de la maison. Le lendemain il y avait des caméras devant la maison. J’ai emmené Mary chez ses parents pour l’éloigner de tout ça. Puis j’ai accepté de parler devant les caméras et micros, mais juste pour rendre hommage à mon fils, parler de ses conditions de travail, mais sans dire de mal de l’administration pénitentiaire, malgré que certains ont tenté de me faire critiquer l’administration pénitentiaire, même si, suite à une visite jeudi au Prej (Pôles de rattachement des extractions judiciaires où était affecté Arnaud Garcia, NDLR), et en discutant avec ses collègues, j’ai compris leurs problèmes de gestion interne. »

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Pas de récupération politique

Les médias nationaux n’ont pas été les seuls à contacter Dominique Garcia. Des politiques aussi : « J’ai reçu des appels de plusieurs personnalités de tous bords. Ça ne m’étonne pas qu’ils agissent comme cela, mais c’est mal approprié. Dans la douleur, on pourrait critiquer le système gouvernemental actuel. Mais bon, depuis 32 ans ça s’était bien passé et je ne vais pas critiquer l’administration pénitentiaire, leur institution, leurs règles ; je ne peux pas car je n’ai pas assez travaillé avec eux. Quand je les ai rencontrés, eux m’ont expliqué leurs problèmes. Mais bon, je ne cautionne aucune récupération politique. »

L’enfant à venir

Le passé ne peut se défaire. Dominique Garcia le sait très bien, même s’il n’y a pas de limite à ce qu’il donnerait pour changer ce 14 mai. Mais l’avenir est déjà là. Ou presque. Dans quatre mois. « On attend la naissance de l’enfant de Mary et Arnaud, pour qu’il perdure la mémoire de mon fils. On va entourer la maman et le futur bébé avec tout notre amour, avec simplicité et honnêteté. »

Un enfant qui ne connaîtra son père que par les portraits qu’en traceront les proches. Et nul doute qu’il s’agira d’une image élogieuse d’un papa arraché aux siens par des barbares.

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