L’Alliance pour la République (APR) peut-elle survivre en l’absence de Macky Sall, son fondateur en 2008 ? Alors que depuis la défaite du 14 mars, l’ex-président s’est envolé pour Marrakech, Amadou Ba, celui qui, selon les plans, devait lui succéder, n’a pas pris la parole depuis la reconnaissance de son échec à l’élection présidentielle au Sénégal.
Mutique, le candidat malheureux a cependant multiplié les rendez-vous depuis son retour au pays le 13 mai, après des séjours à La Mecque, à Dubaï et à Paris. « Il rencontre ses alliés mais aussi des membres de l’opposition et d’anciens candidats de la présidentielle comme Khalifa Sall, Idrissa Seck ou Aliou Mamadou Dia. Il est dans les tractations », dit l’un de ses proches collaborateurs.
A l’issue de celles-ci, l’ancien premier ministre sera-t-il celui qui relèvera le flambeau de l’APR ou formera-t-il son propre parti ? « Amadou Ba est le chef de file de l’opposition avec près de 36 % des voix en sa faveur lors de la présidentielle », considère l’un de ses proches. Selon ce dernier, la condition d’un maintien au sein de l’APR ne peut passer que par l’octroi à Amadou Ba de fortes responsabilités ou par sa désignation comme tête de liste aux législatives, dans le cas où l’Assemblée nationale, toujours dominée par Benno Bokk Yakaar (BBY) avec 81 députés sur 165, serait dissoute par le nouveau président Bassirou Diomaye Faye.
Remobiliser les militants
Fragilisé par sa défaite, divisé autour de la personnalité d’Amadou Ba et de sa capacité à incarner une relève, l’ancien parti au pouvoir doit aujourd’hui apprendre à devenir une formation d’opposition, une situation nouvelle qu’il appréhende avec la crainte de subir le sort de ses prédécesseurs.
Au Sénégal, le Parti socialiste (PS) des présidents Léopold Sedar Senghor et Abdou Diouf, et le Parti démocratique sénégalais (PDS) d’Abdoulaye Wade n’ont jamais retrouvé leur influence après la perte du pouvoir. Le premier a réussi à revenir sur la scène politique en étant absorbé par la coalition BBY voulue par Macky Sall. Le second n’a pas présenté de candidat à une élection présidentielle depuis 2012.
Pour s’éviter un tel destin, l’APR a commencé une « tournée nationale » afin de remobiliser ses militants. A Kaffrine, début mai, la réunion a même vu la participation à distance de Macky Sall, depuis Marrakech. Les prochaines étapes se feront dans les semaines à venir à Sédhiou, Kolda, Ziguinchor, Kaolack, Fatick et Diourbel. Dans un communiqué, le secrétariat exécutif national du parti a indiqué « poursuivre cette dynamique d’écoute et d’échange afin de procéder à l’évaluation objective et sans complaisance des résultats de la présidentielle ».
« Nous sommes maintenant dans une stratégie de reconquête du pouvoir, nous avons une équation autour de la remobilisation, de l’unité à consolider et de l’impératif de soigner les fractures et les blessures », poursuit Seydou Gueye, porte-parole de l’APR.
« Seul maître à bord »
D’autres en revanche se montrent plus pessimistes sur la place que saura conserver le parti sur l’échiquier politique sénégalais. « Le parti manque de structuration, tout le monde est officier supérieur. Cela m’étonnerait que les uns acceptent de se ranger derrière les autres. A part Macky Sall, nous n’avons pas de leader central national, il est le seul maître à bord », estime un cadre du parti. Reste que l’éloignement au Maroc de l’ancien président peut devenir un handicap pour son parti. Géré depuis le Qatar par Karim Wade, le PDS en a fait la démonstration.
Au sein de l’APR, quelques quadragénaires tentent aujourd’hui d’impulser une nouvelle dynamique pour relancer le parti. « Il faut une réorganisation, un changement de nom, de nos profils, de nos postures et de nos discours politiques sinon nous disparaîtrons », estime un jeune cadre qui souhaite garder l’anonymat mais pour qui « le bilan élogieux et le culte de la personnalité du président ne suffisent plus pour convaincre les électeurs ». « En gardant le même appareil politique avec le personnel vieillissant de l’ancien régime, nous allons paraître comme un parti passéiste qui n’est pas adapté aux préoccupations du moment », dit-il.
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Au-delà de l’APR, l’enjeu porte aussi sur l’avenir de la coalition Benno Bokk Yaakar, machine électorale qui, jusqu’à la présidentielle, était demeurée invaincue. Pour le moment, seule l’Union pour le renouveau démocratique (URD), un parti issu d’une scission du PS, a quitté le navire. Mais, en coulisses, plusieurs disent ne pas vouloir partir au côté de BBY en cas de prochaines législatives.
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