confusion après que les autorités affirment avoir déjoué une « tentative de coup d’Etat » à Kinshasa

A Kinshasa, le calme était revenu, dimanche 20 mai dans la journée, mais la confusion continuait à régner après que le palais de la Nation, un des palais présidentiels de la capitale de la République démocratique du Congo (RDC), et le domicile du ministre de l’économie ont été attaqués par un commando de plusieurs dizaines d’hommes lourdement armés au petit matin. Les autorités ont annoncé qu’« une tentative de coup d’Etat » avait été « étouffée dans l’œuf », selon les termes de Sylvain Ekenge, le porte-parole des Forces armées de RDC (FARDC).

Cette « tentative » a impliqué une quarantaine d’hommes, des Congolais et « des étrangers », « trois Américains et un Britannique », ont-elles affirmé, qui sont parvenus à brandir le drapeau du Zaïre, l’ancien nom de la RDC, dans l’enceinte du palais de la Nation. Alors que l’incertitude demeure sur les objectifs de ce commando, dont le chef présumé, Christian Malenga, et trois autres hommes ont été tués, ces évènements fragilisent un pouvoir déjà sous tension à cause d’une guerre dans l’est de son territoire et de fortes incertitudes politiques.

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C’est dans les rues parmi les plus sécurisées de la capitale congolaise, dans le quartier de la Gombe, où se trouvent des sièges d’institutions et plusieurs résidences d’officiels congolais et d’ambassadeurs, que l’attaque s’est déroulée, aux alentours de 4 h 30, dimanche matin. Selon les premières informations, des hommes en treillis militaire ont ouvert le feu sur le domicile de Vital Kamerhe, le vice-premier ministre et ministre de l’économie, tuant deux des quinze gardes de l’homme politique qui se trouvait sur place avec son épouse.

« Félix, dégage »

Après environ une heure d’échanges nourris de tirs, le commando s’est dirigé vers le palais de la Nation, situé dans le même quartier et est parvenu à y pénétrer sans encombre. Le lieu est en théorie toujours sous la protection de la garde républicaine, mais ce palais présidentiel sert essentiellement à des réceptions officielles. Il n’abrite ni la résidence du chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, ni son bureau principal.

« Félix, dégage ! », clame le chef du commando dans une vidéo qu’il a pris le temps de tourner dans l’enceinte de ce palais. Entouré de plusieurs dizaines d’hommes vêtus de treillis et coiffés pour certains de bérets rouges, Christian Malenga affirme avoir pris le pouvoir et brandit le drapeau du Zaïre, disque jaune et flamme rouge sur fond vert, nom du pays sous le dictateur Mobutu Sese Seko (1965-1997). « Le temps est arrivé. Vive le Zaïre, vive les enfants de Mobutu, dit-il en lingala. Félix est tombé (…), nous sommes vainqueurs. »

Dans des circonstances qui restent floues, les assaillants ont ensuite été « neutralisés », selon les termes du porte-parole des FARDC. Des « drones, des brouilleurs et des drapeaux du Congo » ont été retrouvés et une quarantaine d’hommes arrêtés, dont certains avaient cherché à fuir via le fleuve Congo, qui sépare la RDC de la République du Congo, où un « obus » est tombé, selon Brazzaville. « L’armée a la parfaite maîtrise de la situation », a assuré son porte-parole, et la population a été appelée à vaquer à ses occupations tandis que l’enquête se poursuivait. Dans la soirée de dimanche, le ministre de la défense a confié au Monde « suivre les opérations » de ses troupes. Les autorités congolaises ont diffusé une vidéo d’un assaillant qui affirme que, dans un premier temps, il avait aussi été prévu d’attaquer le domicile de la première ministre, Judith Suminwa Tuluka, et du ministre de la défense, Jean-Pierre Bemba.

Capture d’écran d’une vidéo postée sur les réseaux sociaux de l’intérieur du palais de la Nation à Kinshasa, lors de la tentative de coup d’État du 19 mai 2024.

Agé d’une quarantaine d’années, le chef présumé des assaillants, Christian Malenga, est « Congolais naturalisé américain », a affirmé le porte-parole des FARDC. Ce militaire, qui selon plusieurs sources a officié au sein de l’armée de RDC et de celle des Etats-Unis, où il vivait, est une personnalité connue de la diaspora congolaise. « Un brin rêveur », selon un homme politique congolais qui l’a rencontré, il n’en était pas moins « déterminé ». Il s’était présenté aux élections législatives en 2011 et deux ans plus tard avait fondé un parti politique appelé United Congolese Party, sans ancrage ni poids, mais à la tête duquel il ambitionnait depuis 2015 de renverser le régime congolais, d’abord de Joseph Kabila, puis de Félix Tshisekedi. Le profil de cet homme et le déroulé de l’attaque interrogent néanmoins plusieurs observateurs contactés par Le Monde sur d’éventuelles complicités dont aurait pu bénéficier le commando et sur les objectifs réels de ce qui a été qualifié officiellement de « tentative de coup d’Etat ».

Forte incertitude politique

Depuis son arrivée au pouvoir début 2019 – et réélu à 73 % des voix il y a cinq mois –, ce n’est pas la première fois que Félix Tshisekedi affirme être la cible d’une déstabilisation, mais l’attaque de dimanche est de loin l’évènement le plus sérieux. Elle a lieu alors que l’est de la RDC est à nouveau en proie à la guerre depuis qu’une rébellion, le Mouvement du 23 mars (M23), est repassée à l’offensive il y a deux ans et demi, soutenue par le Rwanda voisin.

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En plus de cette crise sécuritaire et diplomatique, le début du second mandat de Félix Tshisekedi a été marqué par une forte incertitude politique. Il a fallu plus de trois mois après l’élection présidentielle pour que la nouvelle première ministre soit nommée et, samedi, l’élection à la tête du Parlement de Vital Kamerhe, visé par les assaillants quelques heures plus tard, a été reportée. « Les vides à de tels postes profitent toujours à nos ennemis », estime un proche du ministre de l’économie. Le vote doit désormais avoir lieu dans les prochains jours et faire de cet allié de Félix Tshisekedi le numéro deux de l’Etat dans l’ordre constitutionnel. Une nomination clé alors que le président a dévoilé un projet controversé de révision constitutionnelle, faisant naître des soupçons sur sa volonté de maintien au pouvoir au-delà de 2028.

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L’Union africaine a « condamné fermement » l’attaque survenue à Kinshasa tout comme la cheffe de la mission des Nations unies en RDC (Monusco), Bintou Keita, qui a offert son soutien aux autorités congolaises. L’ambassadrice américaine, Lucy Talmyn, s’est dite « choquée » et « très préoccupée par les rapports faisant état de citoyens américains prétendument impliqués », dans un message diffusé sur X. « Soyez assurés que nous coopérerons avec les autorités de la RDC dans toute la mesure du possible », a-t-elle ajouté.

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