Côte d’Ivoire : Hommage à mon Père HKB, par Denis Kah Zion

HKB, paix avec Guéi (2002), paix avec Ouattara (2004), paix avec Gbagbo (2019)

•   Le Président Bédié est né sans histoire et part sans histoire

Le Père-Fondateur, Félix Houphouët-Boigny ne s’est jamais lassé de le répéter, à la moindre occasion : « La Paix, ce n’est pas un vain mot, c’est un comportement ». Pour dire que ce ne sont pas ceux qui chantent Paix, Paix à longueur des journées qui sont des adeptes de la Paix. Mais ce sont ceux qui se comportent de manière à assurer, protéger, garantir la Paix autour d’eux, entre eux et les autres qui sont des gens de Paix. Henri Konan Bédié était de ces derniers. Homme de Paix, il l’est resté jusqu’à son dernier souffle. Même dans les moments les plus difficiles de sa vie où il a subi menaces de mort, humiliations, frustrations des plus inexplicables, il est resté sans la moindre réaction violente.

Le 7 décembre 1993, quand dès l’annonce du décès du Président Félix Houphouët-Boigny, des velléités de piétinement de la Constitution qui instituait la succession aux termes de l’article 11, se faisaient jour, le Président Bédié a gardé son calme et sans aucun mot déplacé, ni violent, il est devenu le Président de la République. Mais, les mécontents de sa succession étant toujours à l’œuvre, il a eu à mener une très difficile transition. Notamment avec des dissensions internes au PDCI-RDA, alimentées par des appétits incontrôlés et surtout le verbe violent, qui aboutiront à la création du RDR. Lequel RDR scellera avec le FPI d’alors le boycott actif de l’élection présidentielle de 1995. La Côte d’Ivoire connut alors ses premiers morts politiques. Elu Président de la République, Henri Konan Bédié aura beau multiplier les appels et les gestes à l’apaisement, rien n’y fit. Ceux qui étaient décidés à rendre la Côte d’Ivoire ingouvernable finiront par faire un coup d’Etat le 24 décembre 1999. Devant des gens qui ont sorti des armes et surtout pour ne pas que le sang des Ivoiriens soit versé, le Président Bédié a préféré abandonner le pouvoir et est contraint à l’exil, quoi que s’il le voulait, il pourrait y avoir une réplique armée des militaires acquis à sa cause. On se rappelle encore sa phrase, en pleine crise le 23 décembre 1999 « Je ne veux pas qu’un Ivoirien meure pour mon pouvoir ». Homme de Paix, Bédié aura, une fois encore, fait preuve de son amour pour les Ivoiriens.

La transition militaire s’est terminée par une élection présidentielle « calamiteuse » dont le dénouement a occasionné des affrontements ayant fait des morts. Le président élu, Laurent Gbagbo, une fois installé a organisé le Forum national pour la réconciliation. Le Président Bédié, rentre alors en Côte d’Ivoire le 12 octobre 2001 pour être à cet important rendez-vous de la Paix en Côte d’Ivoire. A la tribune du Forum de la Paix et de la réconciliation, il dira : « Je ne suis animé d’aucun sentiment de haine, ni de rancune ». Mieux, il s’impliquera personnellement pour la mise en application des résolutions de ce Forum pour la Paix. Il était à Yamoussoukro au sommet quadripartite entre le Chef de l’Etat Laurent Gbagbo, le président du RDR Alassane Ouattara, l’ex-Chef de la junte Robert Guéi et lui-même président du PDCI-RDA. Homme de Paix, Bédié a pardonné à tous ceux par qui la violence est arrivée et à tous ceux qui ont applaudi le coup d’Etat qui a renversé son régime démocratiquement élu.

Dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002, éclata une tentative de coup d’État qui, manqué, se mua en rébellion. Cette rébellion a coupé la Côte d’Ivoire en deux. Et à défaut de la mâter militairement, l’on devait y trouver une solution politique par la négociation, comme le demandait sans cesse le Président Bédié. La recherche de la solution politique a commencé par Lomé en octobre, novembre 2002 et s’est terminée en mars 2007 par le Dialogue Direct à Ouagadougou, en passant par Accra, Pretoria, Washington, Kléber et Linas Marcoussis. Le Président Henri Konan Bédié était à Accra III (juillet 2004) ; à toutes les étapes de Pretoria I (juillet 2003) de Pretoria II (avril 2005) ; à l’étape de Washington (octobre 2006) ; à l’étape de Kléber et Linas Marcoussis (Janvier 2003).. A toutes ces étapes, Bédié Homme de Paix a insisté sur la réconciliation vraie par le Dialogue et sur la cohésion entre Ivoiriens. Pour couronner tout, le Président Bédié a organisé le 23 septembre 2004, à Paris en sa résidence de la rue Beethoven, un dîner de réconciliation entre les couples Bédié et Ouattara, suivi d’un autre à Mougins, des semaines après, chez les Ouattara. Ces dîners ont tracé les sillons de la création du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), une plateforme qui devrait faire table rase de toutes les rancœurs et recréer les conditions d’une fraternité harmonieuse entre Ivoiriens, particulièrement ceux qui se réclament de la philosophie et de la vision du Président Houphouët-Boigny. Homme de Paix, Bédié a pesé de tout son poids pour que le RHDP pacifiste voie le jour le 20 mai 2005 à Paris.

Le Président Henri Konan Bédié, depuis 2011, est celui-là même qui a le plus prôné le pardon, la réconciliation entre les Ivoiriens. En 2017, il a dit, avec une dose d’humanisme : « Laurent Gbagbo a suffisamment payé comme cela ». En juillet 2019, le couple Bédié a rendu une visite fraternelle à Laurent Gbagbo à Bruxelles, pour lui apporter soutien et réconfort après sa sortie de prison. Et quand la CPI a acquitté Laurent Gbagbo et qu’il est rentré en Côte d’Ivoire, le 17 juin 2021, le Président Bédié l’a reçu à Daoukro les 10 et 11 juillet 2021.

Homme de Paix, Bédié a encouragé son jeune frère à œuvrer au pardon et à la réconciliation. De même que le 17 décembre 2018 et le 24 février 2019, alors qu’il n’était plus en odeur de sainteté avec les faucons du RHDP, Guillaume Soro a été reçu à Daoukro par le président Bédié qui, dans la peau d’un père, lui a prodigué des conseils pour la sauvegarde de la Paix en Côte d’Ivoire.

Paix avec Robert Guéi en 2002, Paix avec Alassane Ouattara en 2004, Paix avec Guillaume Soro en 2019, Paix avec Laurent Gbagbo en 2021, appel constant à la réconciliation vraie, on peut dire qu’au soir de sa vie, avant son rappel à Dieu, Henri Konan Bédié avait déjà soldé tous ses contentieux politiques. En interne de son parti, comme à l’extérieur avec les différents leaders de la classe politique ivoirienne. C’est donc après avoir accompli sur terre sa mission pour les hommes qu’il s’est endormi dans la Paix du Seigneur le 1er août 2023. Dans la pure tradition du Royaume Baoulé comme à Daoukro, sa terre natale, il a été un artisan de la Paix. Il est né sans histoire et part sans histoire. C’est pourquoi chaque Ivoirien lui dit : Repose en paix, Homme de Paix !

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