Un parcours franco-italien, marqué par la philosophie et les langues
Le parcours universitaire de Mali s’inscrit à la croisée de deux pays, la France et l’Italie. Si elle est aujourd’hui doctorante à l’ENS-PSL (ED 540, Centre Jean Pépin), c’est à Rome que tout a commencé. Elle y a en effet débuté par un diplôme de philosophie à l’université La Sapienza. À l’origine de ce choix, la volonté « d’apprendre à philosopher, au sens kantien du terme », mais aussi « d’apprendre à philosopher en langue, comme dirait Barbara Cassin, pour façonner le monde dans l’ouverture et le dialogue ». Au cours de sa licence, elle apprend également le persan au département de langues orientales de La Sapienza, ce qui lui permet de se lancer dans la rédaction d’un mémoire sur l’ontologie avicennienne au prisme d’une étude lexicographique et philosophique de sa pensée, sous la direction de Mauro Zonta (chaire de philosophie arabe et hébraïque).
Une fois à Paris, elle intègre l’EPHE, avant de poser ses valises rue d’Ulm dans le cadre du master de philosophie de l’ENS-PSL, une école qu’elle conçoit comme « une formidable occasion de formation dans un environnement extrêmement stimulant, interdisciplinaire et bienveillant ». Elle s’y est notamment engagée en tant que représentante élue des doctorants et doctorantes pour porter leurs voix dans les conseils de l’École, et lutter contre leur isolement en créant des espaces de dialogue et de partage.
Son élan pour les langues ne s’étant pas étiolé en quittant la Péninsule, elle se forme en parallèle en arabe littéral à l’ECLA, à l’INALCO et à l’IFPO. Cette démarche s’est faite « par désir, par plaisir et par nécessité : pour l’étude des textes ». Elle retient de ces années un parcours « marqué par une constellation de rencontres avec des chercheurs et des chercheuses qui [l]’ont accompagnée et [lui] ont transmis leur passion pour et par l’enseignement et la recherche ».
Tombée dans le bain de la recherche, elle continue en doctorat grâce à un contrat doctoral de l’EUR Translitterae, motivée par « une formation transdisciplinaire qui se fait dans un double dialogue, avec les textes de l’histoire de la pensée mais aussi en dialogue avec les autres ». Parfois vue comme une traversée en solitaire, elle rétorque au contraire que « faire de la recherche, même en thèse, c’est faire partie d’une communauté ». Par le biais de ce cursus, elle s’intéresse à la réception de la théorie de l’âme du philosophe et médecin persan Ibn Sīnā/Avicenne (980-1037) à la Renaissance italienne (XVIe siècle) à travers l’étude de l’œuvre du philosophe et médecin Andrea Alpago (1450-1522). Ce qu’elle trouve stimulant « dans ce transfert culturel, c’est ce qui se passe philosophiquement, dans ce travail avec la différence, ce « un peu autre » qui est impliqué dans la traduction : sa dimension éthique de réception de la pensée ». Une fois docteure, elle souhaite poursuivre dans la recherche et l’enseignement de la philosophie.
Parallèlement à ses études de philosophie, Mali Alinejad Zanjani a également exploré le langage de la peinture, à la recherche d’une poétique abstraite qui tente de renouer image et concept.
Les humanités, une passerelle pour comprendre et façonner le monde
Les humanités sont au cœur de son parcours. Au-delà des enseignements, elles aident selon elle à « comprendre le monde et à le façonner, contribuer à une culture de la paix, dans un moment où l’on en a besoin plus que jamais ». À propos de la philosophie, elle reprend la pensée de Souleymane Bachir Diagne et souligne qu’elle « permet de penser l’universel de façon plurielle et décentrée ». Elle situe le défi des historiens et historiennes de cette discipline sur le plan d’une « transmission d’une histoire de la pensée qui ne soit pas figée et insulaire », à rebours d’une pratique de la « philosophie « antiquaire» au sens nietzschéen ».
Elle encourage les étudiants et étudiantes qui voudraient choisir les humanités à « entreprendre cette merveilleuse aventure ». De l’autre côté du miroir, elle suggère que les universités « incitent plus d’étudiants à s’intéresser aux humanités en finançant mieux la recherche en sciences humaines, avec des critères d’évaluation adaptés à leur spécificité, et non pas issus de ceux des sciences dures ». Elle insiste sur la différence des sciences humaines qui devrait être perçue comme « une incroyable possibilité ». Et elle pousse le raisonnement plus loin : pour elle, il ne s’agit pas seulement d’attirer plus de personnes dans la filière dite littéraire. « Les questionnements philosophiques se construisent en lien au présent, à l’histoire. La philosophie est aussi praxis, si l’on veut considérer une idée habermassienne, reprise de Platon : il n’y a rien de plus pratique que la théorie. » La société a en effet « besoin de la philosophie, de citoyens et citoyennes conscients, responsables et libres ».
Crédit: Lien source
Les commentaires sont fermés.