Cannes 2024. La France du cross

La sélection du festival de Cannes 2024 propose un panorama assez vaste et diversifié du cinéma Français. Défilent le grand spectacle populaire en costume du « Comte de Monte Cristo », aussi bien que la comédie parisienne rive gauche de Christophe Honoré « Marcello Mio » ou le film noir du « Royaume ». Parmi ces films plusieurs s’attachent à évoquer la jeunesse des campagnes ou des périphéries des villes. C’est la France du « cross » où les personnages évoluent au bord de circuits de sports mécaniques, dans des décors de ferraille et de pneus.

Le circuit de « Diamant brut »

« Diamant Brut » premier film français de la compétition se déroule du côté de Fréjus. Il suit le destin de Liane qui, à 19 ans, n’a d’autres occupations que de voler dans les magasins et se mettre en scène sur internet pour gagner des followers et des likes. Fauchée, elle partage un appartement avec sa mère et sa petite soeur, mais elle a trouvé les moyens de faire refaire ses seins et ses lèvres. Elle voit dans le casting de l’émission de télé réalité « Miracle Island » une porte de sortie. Le film suit l’héroïne dans ces semaines d’incertitude entre le casting et le résultat.

La réalisatrice Agathe Riedinger nous entraîne dans les décors de chantiers, des pans de nationales et autres zones déglinguées qui voisinent avec des villas de luxe. Les partis pris chromatiques, l’interprétation de Malou Khebizi, impriment son originalité à « Diamant Brut ». Mais le récit peine avancer et affiche trop ses intentions pour véritablement emballer.

Dans son errance, Liane cherche aussi la famille qu’elle n’a pas. Elle tombe sur un ancien ami d’un foyer où elle a été placée enfant. Lui tente de redonner une direction à son existence en réparant des bécanes et des voitures. Ils se plaisent mais ses ambitions sont trop limitées pour elle. Liane ne regarde que le ciel et des îles miraculeuses.

La boue de « La Pampa »

C’est à la Semaine de la Critique, que l’on découvre « La Pampa », un film d’Antoine Chevrollier qui nous emmène dans les paysages du Maine-et-Loire. Willy et Jojo, deux potes d’enfances s’entraînent dur à la « Pampa », un terrain de motocross. Le père de Jojo compte carrément faire de son fils un champion. Mais bientôt Willy découvre le secret de Jojo… et leur existence est bouleversée.

Très bien filmé et prenant dans sa première partie, le film s’emberlificote dans des situations émotionnelles complexes et trop vite expédiées à mesure qu’il s’approche de son épilogue. Antoine Chevrollier filme néanmoins très bien cette région, le cours de la Loire, ces compétitions de motocross et le raffut des moteurs qui vient percer le silence monotone de la rivière.

Comme dans « Diamant Brut », le bruit de la moto accompagne à l’écran l’image de la jeunesse française. Le circuit de cross de La Pampa existe d’ailleurs vraiment. Là encore, il semble représenter pour les personnages un destin clos sur lui-même, une boucle dont on ne sort jamais. L’horizon ne s’atteint que par le rail, le TER peut vous emmener loin de La Pampa, vers les possibilités de la ville d’Angers.

« Vingt Dieux » : comtés, compteurs et carburateurs

De tous ces films de la France du « cross », « Vingt Dieux » de Louise Courvoisier, présenté au Certain Regard, est le plus original, le plus attachant et le plus réussi. Cette fois-ci, nous sommes dans le Juras. Totone, glandeur de 18 ans, se retrouve livré à lui-même à la mort de son père. Il doit désormais s’occuper de sa petite soeur. Il a raté sa scolarité, il n’a jamais travaillé… mais cette fois, il doit bien gagner sa vie. Il décide alors de produire un comté assez savoureux pour remporter un concours bien doté. Malheureusement, il n’a qu’une idée très vague de la façon dont se fabrique le fromage.

« Vingt Dieux » dresse un portrait attachant d’une France des campagnes, sans transports en commun. Totone va employer plusieurs moyens de locomotion. Il y a d’abord la moto-cross avec laquelle on se déplace entre copains ou seul sur les départementales. A la mort de son père, il se débarrasse du tracteur… avant de le récupérer. Passer de la moto au camion, puis au tracteur, reviendra pour lui à marcher vers l’âge adulte. Entre temps, Louise Courvoisier filme aussi le quad qui permet de s’échapper hors des routes balisées pour devenir un engin romantique.

Bourré de petites idées discrètes et originales, « Vingt Dieux » met enfin en scène le stock-car, cette course très particulière où le pilote doit faire le plus de tonneaux possible.

Tous ces films de moteurs racontent des jeunesses sans père. Certains sont morts, sur la route parfois, d’autres n’ont jamais été là. Par leurs solitudes et leur appétit de vivre, Liane, Willy et Totone ressemblent aux stock-cars : battus, mis à terre, humiliés et couverts de poussière, tous se retournent sans cesse. Cabossés mais vaillants, ils parviennent à retrouver leurs quatre roues et à poursuivre leurs chemins, au fil des routes accidentées de la France du cross.

Diamant brut

compétition

Film français d’Agathe Riedinger

Avec Malou Khebizi, Idir Azougli, Andréa Bescond. 1 h 43. En salles le 9 octobre.

La Pampa

Semaine de la critique

Film français d’Antoine Chevrollier,

Avec Sayyid El Alami, Amauri Foucher, Damien Bonnard. 1 h 43. En salles prochainement.

Vingt Dieux

Un certain Regard

Film français de Louise Courvoisier,

Avec Clément Favreau, Luna Garret, Mathis Bernard. 1 h 30. En salles le 11 décembre.

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