Tôt dimanche matin, plusieurs dizaines d’hommes lourdement armés ont attaqué le Palais de la Nation, palais présidentiel et résidence du ministre de l’Économie à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC). Des hommes en treillis militaire ont ouvert le feu, tuant deux des 15 gardes du ministre de l’Economie Vital Kamerhe. L’attaque a duré environ trois heures avant d’être écrasée.
Les forces de sécurité congolaises sécurisent les rues après que l’armée congolaise a déclaré avoir « déjoué un coup d’État » et arrêté les auteurs, à la suite d’une fusillade, à Kinshasa, en République démocratique du Congo, le dimanche 19 mai 2024. [AP Photo/Samy Ntumba Shambuyi]
Le porte-parole des Forces armées de la République démocratique du Congo a déclaré que la « tentative de coup d’État », impliquant « des étrangers et des Congolais », avait été déjouée. Elle a été « étouffeé dans l’œuf par les forces de défense et de sécurité », a déclaré le général Sylvain Ekenge dans un court message diffusé à la télévision nationale. Il a déclaré que plusieurs Américains, dont « deux Blancs » et un citoyen congolais « naturalisé britannique », étaient impliqués.
Le chef du coup d’État manqué a été identifié comme étant Christian Malenga, un Congolais naturalisé américain. Malenga et trois autres hommes ont été tués après avoir résisté à leur arrestation, et une cinquantaine de personnes, dont trois citoyens américains, ont été arrêtées, selon un porte-parole de l’armée congolaise. Parmi les citoyens américains arrêtés figurent le fils de Malenga, Marcel Malanga, âgé de 21 ans, et Benjamin Zalman-Polun, un ancien trafiquant de cannabis de 36 ans du Maryland.
Le coup d’état a eu lieu alors que Washington et ses alliés de l’OTAN mènent une lutte d’influence acharnée en Afrique avec la Chine et la Russie, dans le contexte de la guerre OTAN-Russie en Ukraine. Les puissances impérialistes de l’OTAN sont mécontentes du développement des liens économiques du régime actuel de la RDC avec Pékin et Moscou.
Les putschistes ont clairement exprimé leur soutien à la dictature sanglante soutenue par l’impérialisme de Mobutu Sese Seko, qui a dirigé la RDC sous le nom de Zaïre de 1965 à 1997. Dans un livestream posté sur Facebook pendant l’attaque de dimanche, Malanga a menacé le président de la RDC, Félix Tshisekedi, en criant : « Félix, dégage ! » Entouré de plusieurs dizaines d’hommes vêtus de treillis, dont certains portaient des bérets rouges, Malenga a affirmé avoir pris le pouvoir et a brandi le drapeau du Zaïre, déclarant en lingala : « Le moment est venu. Vive le Zaïre, vive les enfants de Mobutu ! »
Alors que ses troupes occupaient les bureaux du président, Malanga a déclaré à la caméra, en lingala: « Nous ne pouvons pas nous éterniser avec Tshisekedi et Kamerhe, ils ont fait trop de bêtises dans ce pays ».
Malenga, qui résident des États-Unis, aurait servi dans les armées de la RDC et des États-Unis et était une personnalité bien connue de la diaspora congolaise. Il s’est présenté aux élections législatives de 2011 et a été arrêté et détenu pendant plusieurs semaines par l’ancien président Joseph Kabila. Après sa libération, il est retourné aux États-Unis et, deux ans plus tard, a fondé le Parti congolais unifié. Selon Al Jazeera, « au fil des ans, Malanga a fait campagne pour la liberté religieuse en Afrique et a mené des initiatives de formation à la lutte contre la corruption pour les jeunes Africains en Europe ».
Le porte-parole du département d’État américain, Matthew Miller, a déclaré qu’il était au courant des informations selon lesquelles deux autres citoyens américains sont en détention après le coup d’État manqué. Il a refusé de confirmer si des responsables américains avaient contacté le gouvernement congolais pour avoir un accès consulaire à eux. Sur X/Twitter, l’ambassadrice américaine en RDC, Lucy Tamlyn, a déclaré qu’elle était « choquée » par les informations faisant état du coup d’État manqué. Elle s’est engagée à « coopérer pleinement avec les autorités de la RDC dans le cadre de leurs enquêtes sur ces actes criminels et à tenir pour responsable tout citoyen américain impliqué dans des actes criminels ».
À Paris, Le Monde a tenté de minimiser le coup d’État, affirmant qu’il était « loin d’être l’événement le plus sérieux». Cependant, à propos de Malenga, Le Monde a avoué : « il ambitionnait depuis 2015 de renverser le régime congolais, d’abord de Joseph Kabila, puis de Félix Tshisekedi. Le profil de cet homme et le déroulé de l’attaque soulèvent cependant des questions, selon plusieurs observateurs contactés par Le Monde, sur d’éventuelles complicités dont aurait pu bénéficier le commando et sur les objectifs réels de ce qui a été qualifié officiellement de “tentative de coup d’Etat ” ».
Quelles que soient les relations précises qu’ils avaient avec les puissances impérialistes de l’OTAN, les putschistes ont clairement décidé d’agir au milieu de l’escalade du conflit mondial des puissances de l’OTAN avec la Russie et la Chine. Alors que l’OTAN fait la guerre à la Russie en Ukraine et soutient le régime israélien d’extrême droite de Benjamin Netanyahu dans la perpétruation d’un génocide contre la population palestinienne à Gaza, le conflit entre les puissances impérialistes et la Russie et la Chine s’intensifie en Afrique.
La guerre française au Mali et au Sahel depuis 2013 a conduit à plusieurs coups d’État militaires et, au milieu des manifestations de masse contre la présence de l’armée française, aux demandes des régimes militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger que la France quitte leur territoire. Ces régimes ont ensuite cherché à collaborer militairement avec des troupes russes plutôt qu’avec des troupes françaises.
Au Congo, les puissances impérialistes mènent une lutte d’influence acharnée contre la Russie et la Chine. Il existe une profonde colère parmi les sociétés minières des pays de l’OTAN contre l’accord de « contrat du siècle » de Tshisekedi avec les sociétés minières chinoises. En échange de l’achat de la production de plusieurs mines congolaises clés, Pékin a accepté d’investir 3 milliards de dollars dans les infrastructures minières et 6 milliards de dollars dans les infrastructures dans le reste de la RDC.
La RDC possède des ressources minérales massives et stratégiques, notamment de l’uranium, du cuivre, de l’or, de l’étain, du cobalt, des diamants, du manganèse et du zinc, d’une valeur estimée à des dizaines de milliards de dollars. Le pays est de loin le plus grand producteur mondial de cobalt, représentant environ 70 pour cent de la production mondiale. Le cobalt est un composant clé des batteries pour les voitures électriques et les téléphones portables. La RDC est également le troisième producteur mondial de cuivre.
Bien que Washington prenne ses distances du coup d’État manqué, les puissances impérialistes de l’OTAN sont connues pour leurs opérations militaires clandestines en Afrique. En RDC, les impérialismes américain et belge ont conspiré avec les forces de la bourgeoisie congolaise pour assassiner Patrice Lumumba, le leader de la lutte anticoloniale au Congo et son premier Premier Ministre démocratiquement élu. Lumumba a été assassiné en 1961. La dictature de Mobutu qui a émergé après son assassinat avait des liens étroits avec les puissances impérialistes, en particulier avec la France.
La prise de contrôle du Rwanda voisin par les forces du président Paul Kagame en 1994-1995 contre le gouvernement hutu soutenu par la France, pendant le génocide rwandais, a finalement fait tomber le régime de Mobutu. Après que Kagame a consolidé son régime, les forces soutenues par le Rwanda ont attaqué vers l’ouest dans l’est du Congo. La RDC a été ravagée par la guerre de 1996 à 2008. On estime qu’elle a coûté la vie à environ 5,6 millions de personnes.
L’est du Congo est toujours actuellement en état de guerre civile, qui s’est aggravée depuis qu’une rébellion, le Mouvement du 23 mars (M23), est repassée à l’offensive il y a deux ans et demi, soutenue par le Rwanda. Les affrontements entre les forces de sécurité congolaises et les groupes armés sont fréquents, en particulier le M23 et les Forces démocratiques alliées (ADF). Récemment ces affrontements se sont considérablement multipliés, provoquant une crise humanitaire. En octobre 2023, l’ONU a annoncé que le nombre de personnes déplacées à l’intérieur de la RDC avait atteint un record de 6,9 millions.
Tshisekedi, au pouvoir depuis 2019, a été réélu avec 73 pour cent des voix en décembre 2023. Le coup d’État manqué a frappé la RDC alors qu’il intensifie ses liens avec la Russie et la Chine. Il a récemment déclaré que l’influence orientale éclipsait l’influence occidentale en Afrique, classant la Russie et la Chine au-dessus des pays occidentaux en matière de transparence et de facilité à faire des affaires.
Il a déclaré que son pays avait le droit d’approfondir ses liens avec la Russie : « En France, Israël a été condamné pour certaines actions à Gaza. Cela empêche-t-il la France de maintenir ses relations avec Israël ? Pourquoi veulent-ils nous juger quand il s’agit d’Africains ? Il ne faut pas nous juger. Nous avons le droit d’avoir les amis que nous voulons, et nous sommes les amis de tous ceux qui veulent être nos amis. … Les Russes veulent l’amitié avec l’Afrique et la RD Congo, alors pourquoi devrions-nous refuser ?
Quelle que soit l’aide précise qu’ils ont reçue des puissances de l’OTAN, c’est au milieu du conflit mondial croissant de l’OTAN avec la Russie que les putschistes de Kinshasa ont lancé leur tentative ratée de réimposer un régime en RD Congo rappelant le régime sanglant et pro-impérialiste de Mobutu.
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