C’est en regardant d’un peu plus près tout ce qu’il mettait à la benne que le Landais Jérémie Pichon a pris peur : les sachets de biscuits pour les enfants, les gourdes de compote, les pots de yaourts, les boîtes en carton, les films plastiques… En 2014, il se lance en famille, avec Bénédicte et ses deux jeunes enfants, dans une aventure qu’il raconte dans le blog de la « Famille (presque) zéro déchet ».
Mais le défi peut être relevé par la plupart des familles. Plusieurs syndicats de déchets du Sud-Ouest ont proposé cette expérience à leurs usagers. Bilan : la plupart des foyers sont arrivés à une réduction de plus de la moitié de leurs déchets ! Comme d’autres, la Cobas, sur le Bassin d’Arcachon, a édité un petit guide de toutes les bonnes astuces pour s’y mettre.
Les 5 RRRRR
À Seignosse, chez les Pichon, le volume annuel de la poubelle familiale tient désormais dans un grand bocal. Désormais, Jérémie incite d’autres familles à sauter le pas et les accompagne dans leur changement de vie. Car même si les Français sont plutôt bons élèves en matière de tri sélectif, à ses yeux, le recyclage ne suffit plus. « C’est valable pour le carton et le papier, mais la quasi-totalité du plastique finit encore incinéré. Si l’on veut vraiment agir, il faut d’abord sortir de la surconsommation. Vous connaissez les 5 R ? » « R » comme règles et révolutions…
« Refuser, réduire, recycler, redonner à la Terre et réutiliser », cinq concepts qui permettent de tendre à un mode de vie « zéro déchet ». Il s’agit d’abord de se contenter de l’essentiel et de se demander systématiquement, « en ai-je vraiment besoin ? », avant chaque achat. Une question qui devrait aussi plaire à votre portefeuille. « Réduire » permet là aussi de mieux s’adapter à ses besoins, et d’éviter les gaspillages. La généralisation du compost permet aussi de soulager nos poubelles et de « redonner à la terre. » Et la tendance à la récupération, la réutilisation ou la réparation de vieux objets est de plus en plus facilitée, y compris par l’Etat.
Tous ces concepts sont aussi des réflexes de bon sens qu’il n’est pas forcément facile de retrouver ou de concilier dans une société de consommation. « Des vêtements d’occasion qui n’ont été portés que deux ou trois fois, des objets en bois plutôt qu’en plastique, changer une pièce plutôt que de changer la machine… Ce que l’on achète, ou pas, a un impact réel sur l’environnement » résume Jérémie Pichon.
Sortir de la grande surface
Le tout premier chantier, à la fois le plus impactant, le plus bouleversant mais aussi le plus abordable et le plus simple, selon Jérémie, concerne l’alimentation. La poubelle est constituée pour un tiers de déchets organiques et pour un tiers d’emballages issus des produits vendus dans les grandes surfaces : des sachets, des pots et des films plastiques, des boîtes et des suremballages en carton, qui auront « protégé » leur contenu pendant quelques heures voire quelques semaines, le temps de leur transport et de leur mise en vente.
« Pour éviter le gaspillage et les emballages, la solution, c’est le circuit-court et le vrac : rien qu’avec ça, c’est 80 % d’émission carbone en moins » assure Jérémie Pichon. « On a mis dans la tête des gens que les artisans et les petits commerçants étaient plus chers que les grandes surfaces. La plupart du temps, c’est faux. Surtout quand on voit la différence de qualité. Il faut sortir de la grande surface. »
Direction le marché, le magasin de producteurs, l’Amap ou la ferme d’à côté… « Les produits durent plus longtemps, les commerçants sont plus sympas. Et on peut réutiliser ses petits sacs en papier ou en tissu, ses boîtes, y compris celles en plastique, même si l’inox c’est le top ! Il faut juste y penser avant de partir. »
Le budget mensuel dédié à l’alimentation, pour une famille avec enfants, s’élève à un peu moins de 500 euros en moyenne. « Acheter en vrac ou en circuits courts, ça peut coûter plus cher » reconnaît Jérémie Pichon qui souligne toutefois qu’« en grande surface, on achète beaucoup, mais on jette aussi beaucoup : 30 kg par personne et par an de pertes et gaspillages au foyer (dont 7 kg de déchets alimentaires non consommés encore emballés). Cela représente autant d’argent que l’on peut réorienter dans des produits de meilleure qualité nutritionnelle. Au final, on consomme mieux et un peu moins. »
Passer en cuisine
« Pour en finir avec les aliments transformés, forcément, l’alternative, c’est la cuisine de produits bruts » explique Jérémie Pichon qui s’acharne à combattre une idée reçue sur la cuisine : le temps. « C’est une question de choix. Les adultes passent en moyenne 5 heures par jour devant les écrans. Quand on est aux 35 heures, on peut bien consacrer trente minutes à la cuisine le soir pour préparer une omelette, une tarte ou une purée. »
Mais l’expérience ne doit pas se transformer en course contre-la-montre, entre l’école, la douche et le dîner, les fins de journées sont déjà parfois sportives. « Il faut s’organiser et anticiper la flemme ou le stress de la semaine en préparant quelques plats le week-end, à un moment où on a le temps. » Les influenceurs appellent cette technique le « batchcooking ». Et les cuisines s’équipent de plus en plus de robots multifonctions qui accompagnent les différentes étapes d’une recette. « Un pot-au-feu ça fait au moins trois repas. Quand on partage cet instant en famille, on discute, il fait chaud, ça sent bon, c’est pas une corvée ! »
Prendre le temps
L’idée du « zéro déchet » s’invite souvent dans les familles, poussée par l’un de ses membres. Le déclic autour de la masse de déchets produite par le quotidien survient brusquement. Mais de la prise de conscience au passage à l’acte, mieux vaut avancer pas à pas, pour que tous les membres du foyer suivent, sans se braquer. Les petits pas favorisent la réussite de cette révolution et évitent le bug général. Cela peut par exemple se concrétiser en remplaçant un savon à la place du flacon de gel douche en plastique, en utilisant des lingettes au lieu de cotons, ou des pailles en inox. Ou en préparant des cookies plutôt que d’acheter des « chocos » suremballés…
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