“Moment de tension politique maximale” en Bolivie, confrontée à une tentative de coup d’État

La confusion a régné pendant plusieurs heures mercredi à La Paz. “Des chars dans les rues”, a titré le quotidien argentin Clarín. Sur Twitter, l’ex-président Evo Morales a alerté d’un risque imminent de coup d’État, mené par l’ancien chef des armées, tout juste démis de ses fonctions, contre Luis Arce, au pouvoir depuis 2020 et justement en froid avec Morales, son ancien allié, rappelle la BBC.

Arce a commenté à son tour la situation sur les réseaux sociaux pendant que des troupes tentaient de prendre le contrôle du siège du gouvernement. L’officier Juan José Zúñiga, à la tête de la rébellion, a finalement été arrêté après ce qu’El País a qualifié de “moment de tension politique maximale”.

“La crise militaire survient au milieu d’une guerre fratricide au sein de la révolution indigène et du Mouvement vers le socialisme (MAS), au pouvoir : d’un côté les arcistas, qui soutiennent le président et dont faisait partie Zúñiga lui-même jusqu’à hier, et de l’autre le secteur dirigé par l’ancien président Evo Morales”, résume El Mundo pour contextualiser les événements.

“Cette opération militaire est une des conséquences de la guerre politique au sein du MAS, mais pas la seule. La paralysie politique a eu un impact direct sur l’économie et a provoqué des protestations sociales ces derniers jours”, insiste le journal espagnol.

Vers 15 heures, “le commandant général de l’armée, Juan José Zúñiga, est arrivé sur les lieux à bord d’un char et armé”, rapporte La Razón. “Zúñiga, tu as encore le temps”, lui a crié le ministre du Gouvernement, Eduardo del Castillo, pour tenter de le dissuader. “En ce moment, du personnel des forces armées et des chars sont déployés sur la place Murillo. Nous appelons les mouvements sociaux des campagnes et des villes à défendre la démocratie”, a posté Evo Morales sur Twitter.

“L’armée a érigé des barricades pour empêcher les gens d’atteindre la place Murillo”, signale El País, précisant qu’elle a aussi lancé des gaz lacrymogènes sur les manifestants. Mercredi après-midi, la démocratie bolivienne “a paru en péril alors que la télévision montrait des membres masquées de la police militaire forçant l’entrée du Palacio Quemado”, décrit le Guardian.

Pas de soutien pour les mutins

El Mundo raconte que Zúñiga, “armé et en uniforme, s’est présenté devant les caméras de télévision sur la place Murillo, après être descendu d’un char”. Pour le gradé, “une élite a pris le contrôle du pays, des vandales qui ont détruit le pays”. Alors, a-t-il ajouté, “les forces armées entendent restructurer la démocratie pour qu’elle soit une véritable démocratie, et non celle de propriétaires qui sont au pouvoir depuis trente ou quarante ans”.

La veille, le militaire avait été démis de ses fonctions pour des propos perçus comme une menace contre Morales. “L’origine de la polémique autour du chef militaire est une déclaration dans l’émission No Mentirás de lundi soir”, clarifie La Tercera, du Chili voisin. Interrogé sur sa réaction si l’ancien président bolivien décidait de se représenter à l’élection de novembre 2025, il a répondu qu’il l’en empêcherait parce que nous ne pouvons pas permettre que la Constitution soit piétinée. Nous sommes le bras armé du peuple. La Constitution dit qu’il ne peut pas être président pour plus de deux mandats et ce monsieur a déjà été réélu pour trois, quatre mandats. Les forces armées ont pour mission de faire respecter la Constitution politique de l’État.”

Mais finalement, son action a échoué. “L’émeute a uni l’opposition en soutien au gouvernement, même les groupes les plus radicaux”, constate El País. Zúñiga n’avait pas le soutien suffisant pour renverser Arce, qui lui a parlé directement dans les couloirs du palais présidentiel devant les caméras de télévision. “Je suis votre capitaine. Je n’autoriserai pas cette insubordination”, lui a-t-il intimé.

Dans la foulée, le président a nommé de nouveaux chefs à la tête des armées de terre, de l’air et la marine, poussant les soldats mutins à faire machine arrière. “En moins de deux heures, ils avaient quitté le palais”, note le Washington Post, parlant avant ce départ des troupes d’un “chaos”. Arrêté, Zuñiga devrait être accusé de terrorisme et de soulèvement armé. Au balcon de la Casa Grande, tout près du Palacio Quemado, un drapeau bolivien dans les mains, Arce a célébré avec la foule l’échec du coup d’État, indique le quotidien américain.

Les dirigeants d’Amérique latine et d’Europe ont rapidement critiqué l’initiative en cours. Le président paraguayen a par exemple lancé “un appel énergique au respect de la démocratie et de l’état de droit”. Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne, avait quant à lui prévenu sur Twitter que “l’Union européenne condamne toute tentative de perturber l’ordre constitutionnel en Bolivie”.

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