Le syndrome du hochement de tête touche les enfants à partir de trois ans. La maladie débute par des épisodes de hochement de la tête accompagnés de perte de connaissance. En l’absence de prise en charge médicale, les symptômes s’aggravent au fil des mois : crises d’épilepsie, retards de croissance, handicap mental… La Tanzanie, le Cameroun, la RDC ou encore la République Centrafricaine sont touchés. Mais c’est au Soudan du Sud que les cas sont les plus nombreux, on en dénombre au moins 6 000 dans la région d’Equatoria-Occidental.
De notre correspondante,
À Mvolo, comme à Mundri et dans tous les villages lourdement touchés par le syndrome du hochement de tête au Soudan du Sud, les habitants prennent leur mal en patience. Les projets de recherche n’ont pour l’instant apporté qu’une partie des réponses, échouant jusqu’ici à percer le mystère de la cause de cette maladie. Et les questions sont nombreuses : la maladie est-elle contagieuse, se transmet-elle d’une personne à l’autre ? C’est une idée très répandue, qui conduit à l’isolement des enfants malades, mais elle est fausse.
« Les analyses montrent que le syndrome du hochement de tête est une forme d’épilepsie. Et donc, comme il s’agit d’une maladie neurologique, il est impossible qu’elle se transmette d’une personne à l’autre », affirme le chercheur Stephen Jada, un médecin sud-soudanais qui réalise sa thèse de doctorat sur le syndrome du hochement de tête tout en pilotant les recherches menées par l’ONG Amref Health Africa sur le sujet.
« Le fait, observé par les populations concernées, que dans une même famille, ou dans un même village, les enfants développent la maladie les uns après les autres, a été étudié, et la théorie d’une contagiosité a été écartée », poursuit-il. « Ce que les études ont confirmé, c’est que toutes les personnes ayant développé cette maladie ont été exposées aux mêmes facteurs environnementaux. Il y a donc quelque chose dans l’environnement qui déclenche la manifestation de la maladie chez elles », explique le docteur.
La théorie qui prédomine à l’heure actuelle, c’est que le syndrome du hochement de tête serait une forme d’épilepsie « associée » à l’onchocercose, la « cécité des rivières ». Maladie parasitaire endémique dans la région, elle est transmise par les morsures de mouches noires qui se reproduisent dans les hautes herbes au bord des cours d’eau à courant rapide, comme les rivières de Mundri, de Mvolo et de tous les villages sud-soudanais où les cas de syndrome du hochement de tête ont explosé depuis trente ans.
Mais aujourd’hui encore, tous les chercheurs ne sont pas d’accord. Et d’autres théories ont été avancées : des déficiences nutritionnelles parmi la population touchée, la consommation d’aide alimentaire contaminée par un germe, ou encore l’usage d’armes chimiques dans ces zones qui ont aussi pour point commun – outre leur proximité avec des cours d’eau – d’avoir été des zones de conflit…
En effet, au Soudan du Sud, la région d’Equatoria-Occidental a été une zone de combats intenses lors de la seconde guerre civile soudanaise (1983-2005). Le nord de l’Ouganda a lui aussi été un terrain de guerre, en proie aux violences de la Lord’s Resistance Army (LRA) dans les années 1990. Dans les deux régions, les cas de syndrome du hochement de tête se sont multipliés pendant ces conflits marqués par d’importants déplacements de populations.
Des causes inconnues
« Ces autres causes possibles ont été analysées, sans succès », affirme pourtant le docteur Gasim Abd-Elfarag, autre spécialiste sud-soudanais du syndrome du hochement de tête. « De nombreuses recherches ont été consacrées à la cause du syndrome du hochement de tête. Nous avons cherché des virus, des bactéries, des parasites… Toutes ces recherches ont été réalisées, sans résultats concluants », avoue-t-il. « La cause exacte de cette maladie reste un mystère. »
Pour lui comme pour le groupe de chercheurs réunis au sein de la Nodding Syndrome Alliance, un consortium d’ONG et d’universités créé en 2019, il s’agit dès lors surtout de conduire « des études basées sur des interventions, pour voir lesquelles fonctionnent le mieux pour aider ces enfants, soulager leurs symptômes et soutenir la communauté affectée par la maladie ».
Les médicaments antiépileptiques permettent de fait une amélioration considérable de la qualité de vie des patients, et favorisent notamment leur retour à l’école. Et il s’agit également de contrôler l’onchocercose. Car le lien entre les deux maladies semble difficile à nier. « Parmi les communautés vivant près des rivières, où l’onchocercose est très répandue, les cas d’épilepsie et de syndrome du hochement de tête sont plus nombreux », explique Stephen Jada. « Plus vous vous éloignez de la rivière, plus le nombre de cas diminue. Et quand vous allez dans les villages où il n’y a pas de rivière, où vous n’observez pas de morsures de mouches noires, les cas de syndrome du hochement de tête sont rares voire absents ».
Pourtant, « nous ne savons pas comment l’onchocercose pourrait provoquer ça. Des tests ont été réalisés pour voir si les parasites atteignent le cerveau, ou s’ils libèrent une toxine qui provoque la maladie, sans succès. Tout cela est encore en cours d’investigation ». Malgré ces zones d’ombres, éradiquer le syndrome du hochement de tête reste pour Stephen Jada envisageable. C’est même son objectif proclamé.
Les résultats des interventions menées à Maridi ces dernières années donnent au chercheur de quoi rester optimiste. Dans cette autre ville d’Equatoria-Occidental très affectée par la maladie, des interventions de contrôle de l’onchocercose ont été mises en place : la coupe des herbes où se reproduisent les mouches noires, près de la rivière, a été menée conjointement à des campagnes d’administration de vermifuge à la population. Ces efforts ont porté leurs fruits : depuis 2018, le nombre de nouveaux cas de syndrome du hochement de tête a été divisé par quinze.
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