D’où est originaire le cacaoyer ?
Selon les premiers botanistes qui se sont intéressés à la question, le berceau de cette espèce d’arbre (Theobroma cacao) se situerait dans l’aire culturelle mésoaméricaine, où elle aurait été domestiquée. Cette idée est très ancrée, mais contredite par le fait que, comme l’ont montré plusieurs études, sa diversité est maximale en haute Amazonie, au sein d’une vaste zone couvrant des régions du Pérou, de l’Équateur, de la Colombie et même du Brésil.
C’est également là qu’il a d’abord été domestiqué ?
Les premières fois sans doute, comme l’a fortement accrédité en 2018 une grande étude à laquelle j’ai participé, qui a identifié des résidus de cacao dans des céramiques de plus de 5 300 ans qui proviennent du site archéologique de Santa Ana-La Florida, au sud-est de l’Équateur, en pleine haute Amazonie. C’est pour en savoir plus sur la domestication du cacao dans le reste de l’Amérique du Sud que j’ai rassemblé une équipe encore plus grande afin d’étudier des résidus de cacao, cette fois dans 352 céramiques issues d’un panel de cultures précolombiennes beaucoup plus vaste.
D’où proviennent ces céramiques ?
De dix-neuf cultures archéologiques réparties non seulement au Mexique, au Belize et au Panamá, en Amérique centrale, mais aussi issues des régions amazoniennes et de la côte pacifique de l’Équateur et de la Colombie.
Que nous apprend l’étude de ces résidus de cacao ?
Notre étude, fondée sur l’analyse des ADN anciens et des méthylxanthines, a révélé un large usage du cacao en Amérique du Sud précolombienne. Depuis au moins cinq millénaires ! On a pu révéler plusieurs foyers de domestication en haute Amazonie, puis comment s’est déroulée la diffusion du cacaoyer : ainsi, nous avons mis en évidence l’utilisation du cacao en haute Amazonie, près de Jaén, au Pérou, et dans les régions de Leticia et d’Araracuara, en Colombie, avant celle des abords de la côte caraïbe par la culture de Puerto Hormiga et tout le long de la côte pacifique, par exemple avec la culture Valdivia, en Équateur. À cela s’est ajoutée son utilisation au sein de l’aire mésoaméricaine déjà bien connue.
Les plus anciennes traces de domestication précèdent donc de 1 500 ans l’arrivée des cacaoyers en Mésoamérique. Qu’est-ce que cela implique ?
Cela montre qu’au cours des millénaires qui ont précédé la domestication en Mésoamérique, de vastes réseaux commerciaux existaient en Amérique du Sud, par lesquels circulaient des fèves ou des plants de Theobroma cacao issus des divers foyers amazoniens. Ces cacaoyers ont atteint la côte pacifique, où des populations se sont mises à les utiliser aussi.
Plusieurs types de cacaoyers ont-ils été domestiqués ?
Les populations vivant dans leur aire d’origine ont exploité leur forme sauvage locale de Theobroma cacao, mais aussi exploité des cacaoyers apportés d’autres régions amazoniennes par le vaste réseau fluvial. Les réseaux commerciaux expliquent les introductions multiples faites entre l’Amazonie et la côte pacifique, ce qui a conduit à des hybrides entre espèces d’origines différentes, ensuite diffusés. Ce brassage a favorisé leur adaptation à de nouveaux milieux, dont celui de la côte pacifique, puis ultérieurement de l’Amérique centrale.
À ce propos, un résultat intéressant concerne la variété de cacao fin criollo. Elle ne fut pas la seule à avoir été introduite en Amérique centrale : des formes hybrides provenant probablement d’Équateur l’ont aussi été dès l’époque des Olmèques [vers 1200 avant notre ère, ndlr]. Cette introduction s’est faite par voie terrestre, certainement, mais aussi maritime. En 2022, Christopher Beekman et Colin McEwan, deux spécialistes états-uniens des sociétés précolombiennes, ont montré que, 4 000 ans durant, la côte pacifique a relié les sociétés précolombiennes du Pérou au Mexique bien plus efficacement que les routes terrestres.
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