Ce mardi 2 avril, les petits Sud-Soudanais reprennent le chemin des salles de classe après une interruption de deux semaines due à la canicule. Le thermomètre a en effet atteint 45°C pendant une dizaine de jours, avant de baisser en milieu de semaine dernière. « Le gouvernement a décidé de fermer les écoles sur les recommandations du ministère de la Santé et du ministère de l’Environnement après avoir enregistré une quinzaine de décès, dont des enfants de moins de 10 ans. Les établissements scolaires ne sont pas adaptés à de telles chaleurs car ils ne sont pas climatisés et accueillent plus d’élèves que la capacité des bâtiments. Et puis, dans les zones rurales, les cours se déroulent souvent en plein air », rappelle Adaha Dominic, professeur de littérature anglaise au lycée Bright Boma Star de Juba.
Les réservoirs d’eau à sec
Dans un pays où seuls trois enfants sur dix sont scolarisés, cet enseignant craint que certains élèves ne reviennent pas. « Surtout les jeunes filles, sur qui plane la menace du mariage forcé à chaque fermeture des écoles », insiste Adaha Dominic, en référence notamment au confinement pendant la pandémie de Covid-19. Il n’est pas rare, en effet, que des parents très pauvres soient contraints de marier leur fille en échange de quelques vaches. D’autant que cet épisode caniculaire va inévitablement aggraver les conditions de vie des agriculteurs, premier secteur d’activité de la plus jeune nation du monde. « Les réservoirs d’eau sont à sec, déplore l’agronome Seme Michael. Les légumes à maturation rapide se dessèchent dans les champs à cause des températures élevées et du manque d’irrigation. Le bétail a envahi les jardins à la recherche d’herbe, déclenchant des conflits entre agriculteurs et éleveurs. Enfin, les produits agricoles se raréfient sur le marché, ce qui entraîne une augmentation du prix des denrées alimentaires », détaille-t-il. La majorité du territoire se situe déjà entre les stades 3 et 4 de l’échelle de classification intégrée de la sécurité alimentaire, le niveau 5 correspondant à la famine.
De nouvelles inondations menacent
« Une immense partie de la population est confrontée à la faim et à la malnutrition. Ce long épisode de sécheresse, puis les inondations qui devraient suivre dans les prochaines semaines, car le sol sera trop sec pour absorber les pluies, vont aggraver cette situation déplorable », alerte Diwa Aquino-Gacosta, chargée de communication au sein de l’ONG World Vision qui coordonne plusieurs projets agricoles au Soudan du Sud. Des cultures résistantes aux chocs climatiques sont plantées, comme le manioc, mais cela ne permet pas de combler les besoins, précise Diwa Aquino-Gacosta. Or les événements météorologiques extrêmes, comme cette canicule inédite à Juba, risquent de continuer à s’enchaîner.
Le lien avec le changement climatique ne fait aucun doute pour Dictor Gordon, professeur à la faculté d’études environnementales et de géographie de l’université de Juba. « Le Soudan du Sud a connu de graves inondations ces quatre dernières années, tandis que la glace fond dans les régions polaires, les ouragans se multiplient en Asie et en Amérique, tout comme les incendies en Australie… L’ensemble de ces dérèglements est causé par le changement climatique, qui va de pair avec le réchauffement de la planète », explique le chercheur.
D’indispensables mesures d’adaptation
Depuis sa séparation avec le Soudan, en 2011, le Soudan du Sud est devenu l’un des États les plus pauvres du globe. « Nous n’avons pas d’industries et nous ne contribuons presque pas aux émissions de gaz à effet de serre. Nous abritons, en revanche, l’un des plus vastes marais au monde qui absorbent le CO2, d’où leur surnom de puits de carbone », souligne Dictor Gordon. De fait, la plateforme Climate Watch estime que le pays ne rejette que 0,15 % des émissions planétaires de CO2. « Le Soudan du Sud doit être mieux représenté lors des prochaines conférences internationales sur le climat, préconise Dictor Gordon. Il peut en effet servir de modèle pour mettre en place des programmes afin d’atténuer les effets du changement climatique et de s’y adapter. » Les pays en développement demeurent les plus vulnérables à ces dérèglements, qui perturbent donc aussi les programmes scolaires et interrompent même la scolarité des moins chanceux.
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