Sénégal : face à l’opposition, Sonko choisit la proximité | APAnews

Sous le feu des critiques de l’opposition, le Premier ministre sénégalais a tenté dimanche d’éteindre l’incendie du déguerpissement de marchands ambulants à Dakar et réclamé un « un plan d’aménagement d’urgence » pour un site stratégique du littoral.

Au Sénégal, Ousmane Sonko fait d’une pierre deux coups. Critiqué par ses opposants pour son refus motivé de se présenter à l’Assemblée nationale où il doit faire sa déclaration de politique générale, le premier ministre a tenté d’éviter à son gouvernement une nouvelle crise : le déguerpissement des marchands ambulants en cours dans plusieurs communes du pays.

La dernière opération, qui a touché dans la nuit de vendredi à samedi des commerçants du populeux marché Colobane, non loin du centre-ville de Dakar, a semblé être la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, poussant le chef du gouvernement à effectuer dimanche une visite sur les lieux pour « délivrer un message » du chef de l’Etat, Bassirou Diomaye Faye.

« Depuis quelques jours, le gouvernement a constaté une vague subite de déguerpissements et de désencombrements entrepris par les collectivités territoriales », a-t-il déclaré la veille, sur sa page Facebook, comme surpris par l’opération. Elle a indigné des centaines de marchands ambulants à Colobane qui disent ne compter que sur leur petit commerce dans un pays qui connaît un nombre exponentiel de diplômés chômeurs sans compter les jeunes qui quittent le monde rural pour venir chercher le moyen de joindre les deux bouts dans la capitale.

Sur les réseaux sociaux, une vidéo montre une dame colérique qui pleure la destruction de sa cantine par les bulldozers de la mairie alors que c’était son seul moyen de subvenir aux besoins de ses enfants. Cet acte l’a poussée à regretter pourquoi elle a voté pour la coalition Diomaye Faye lors de la dernière présidentielle, classant Ousmane Sonko, qui a porté cette candidature, dans la catégorie des politiciens qui ne tiennent pas leurs promesses.

Sabotage

A l’inverse, des riverains ont salué les déguerpissements, notant que leur cadre de vie est resté longtemps pollué par des marchands qui viennent s’installer jusqu’aux abords de leurs domiciles, s’ils ne posent pas leurs étals sur les trottoirs et même sur la route. En février dernier, trois marchands ambulants ont été tués par un chauffeur qui a perdu le contrôle de son camion, un accident qui avait causé, en plus de l’émotion, beaucoup de dégâts matériels.

La visite du premier ministre à Colobane était surtout donc un acte politique. Certains leaders de son parti, les  Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), dont le député Abass Fall, l’avaient précédé sur les lieux pour parler aux milliers de personnes qui étaient massées sur les rues, leur assurant que ces déguerpissements n’étaient pas le fait du nouveau régime mais de certains politiciens investis d’une mission municipale qui veulent « saboter » le travail du gouvernement.

S’offrant un bain de foule, Ousmane Sonko ne s’est pas empêché de descendre de son véhicule sans crainte de subir les jets de grenades lacrymogènes, comme il y a quelques mois, du temps de sa forte opposition au régime du président Macky Sall (2012-2024). Le leader de Pastef a marché parmi les personnes comme pour montrer à ses adversaires qu’il est toujours proche de la population et de ses nombreux sympathisants qui acclament son nom malgré la peine d’avoir été déguerpis. Pendant de longues minutes, il a écouté chaque partie, du préfet aux riverains en passant par les commerçants, avant de prendre la parole.

« Le président de la République invite les mairies à assouplir les opérations de déguerpissement et de libération de la voie publique, en privilégiant la communication et le dialogue avec les marchands ambulants », a indiqué le chef du gouvernement, accompagné de certains de ses ministres concernés par la question.

« Un fait grave »

Ousmane Sonko a précisé que sa visite au marché de Colobane n’était qu’un prétexte alors que le message du président de la République dont il était porteur s’adressait « à toutes les collectivités territoriales, à tous les commerçants de Dakar et des régions ainsi qu’à toutes les populations riveraines de marchés ».

« Les mesures de déguerpissement des marchands ambulants des marchés doivent être suivies de mesures d’accompagnement » à l’instar de plans de recasement, a-t-il soutenu, promettant de discuter avec les municipalités pour « évaluer les dédommagements à octroyer aux commerçants impactés et les solutions de remplacement à apporter ».

Fin communiquant en politique, le premier ministre s’est rendu quelques instants plus tard à la plage de l’Anse Bernard, située sur la Corniche Est, non loin du palais de la République, pour informer de ce qu’il appelle « un fait grave découvert dans le cadre des investigations en cours sur le littoral ». M. Sonko note que ces travaux, commencés depuis mai dernier, ont permis de découvrir que ce site a été morcelé et vendu à de riches acquéreurs sous l’ancien régime, empêchant à la population d’accéder à la plage.

« Certains des bénéficiaires ont eu des parcelles sur 5000 mètres carrés, 3000 ou 2500 mètres carrés pour d’autres, alors que cette partie relève du domaine public maritime », a-t-il confié avant d’inviter son ministre de l’Urbanisme, des Collectivités territoriales et de l’Aménagement des territoires de lui proposer « un plan d’aménagement d’urgence » sur le foncier d’Anse Bernard.

« Nous n’allons pas laisser des personnes s’accaparer de ce site du domaine public maritime. Nous allons, à cet effet, aménager ce site dans le cadre d’un programme d’urgence pour le rendre plus accueillant pour le public », a assuré le Premier ministre.

ODL/ac/Sf/APA

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