Rapport final du Groupe d’experts sur le Soudan du Sud présenté en application de la résolution 2683 (2023) (S/2024/343) – South Sudan

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Résumé

Dans une salle bien aménagée, aux rideaux tirés pour la protéger de la chaleur du mois de février à Djouba, un vieux routier de la politique de Khartoum et de Djouba a décrit la constellation complexe des résultats auxquels le Soudan du Sud pourrait aboutir dans les mois à venir. « Nous sommes devenus plus aptes à éteindre un incendie », a-t-il déclaré au Groupe d’experts, en attribuant le mérite à un processus politique qui a aidé d’anciens ennemis à vivre, voire à travailler côte à côte à Djouba. « Mais nous n’avons pas encore appris à l’éviter ».

Le Soudan du Sud est en proie à un dilemme. Bon nombre de Sud-Soudanais sont las d’un processus politique qui n’a guère amélioré leurs vies, hormis celles de ses participants immédiats. Les élections, prévues pour le mois de décembre 2024, sont perçues comme un moyen populaire de demander des comptes à des dirigeants dont on a largement le sentiment qu’ils ont abandonné leurs mandants. Malgré quelques résultats, la majeure partie de l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud n’a toujours pas été appliquée et bon nombre de personnes redoutent donc que le pays encore fragile ne soit pas prêt à des élections.

Personne ne sait comment ce dilemme sera réglé. Aucune des options disponibles ne bénéficie d’un consensus ou ne peut effectivement atténuer une réaction qui risque d’être violente, de la part des personnes demeurées insatisfaites.

Il ne fait guère de doute que le Président Salva Kiir Mayardit et le Mouvement populaire de libération du Soudan continueront d’occuper une place centrale, au-delà du mois de décembre 2024. Ils ont tous deux continué de promettre des élections, tout en poursuivant des campagnes et des activités de mobilisation dans tout le pays.

Les groupes de l’opposition, notamment le Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition et son chef, le Premier Vice-Président Riek Machar, ont plus à perdre d’élections entachées d’irrégularités. Ils ont donc insisté sur la nécessité d’appliquer les recommandations issues de l’accord de paix et de parachever en premier l’unification des forces de sécurité disparates du pays, de rédiger une constitution permanente, de procéder à un recensement et d’obtenir la participation des populations déplacées dans le pays.

Au-delà de ce calcul politique, de nombreux obstacles d’ordre pratique entravent également la voie vers des élections crédibles.

Le déploiement d’une partie des Forces unifiées nécessaires est une mesure importante pour la mise en place des réformes du secteur de la sécurité, mais de récents affrontements entre les Forces sud-soudanaises de défense du peuple et l’Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition (APLS dans l’opposition), en violation des accords de paix et de cessez-le-feu en montrent les limitations. L’insécurité, notamment la violence liée aux litiges fonciers, persiste dans la majeure partie du pays, entraînant des décès, des déplacements et de graves atteintes aux droits humains. Les recrutements et les désertions en cours continuent également de peser sur les réformes, le Groupe d’experts ayant également corroboré la poursuite du recrutement de jeunes et d’enfants par des éléments relevant tant des Forces sud-soudanaises de défense du peuple que de l’APLS dans l’opposition.

L’adoption de la loi électorale et la récente reconstitution de la Commission électorale nationale, du Conseil des partis politiques et de la Commission nationale de révision de la Constitution sont d’importants progrès mais ces organes essentiels ne bénéficient pratiquement d’aucun financement et ne peuvent pas effectivement fonctionner au-delà de Djouba. Un budget supplémentaire destiné à financer en partie leurs travaux n’a toujours pas été adopté, notamment du fait d’une crise économique de grande ampleur.

Dans ce contexte, rien ne garantit que les élections tiennent leurs promesses. Le risque qu’elles deviennent un événement déstabilisateur s’accroît à mesure que la date se rapproche, sans que l’on sache exactement quel type d’élections se tiendra et quels préparatifs seront mis en place. Des divisions fondamentales existent non seulement parmi tous les groupes signataires de l’accord de paix, mais aussi à l’intérieur de chaque groupe, les motivations des dirigeants de Djouba s’écartant des attentes d’acteurs infranationaux qui luttent pour leur survie et leur raison d’exister.

La violence est souvent un ingrédient clé de la politique sud-soudanaise et bon nombre d’acteurs conservent tant la volonté que les moyens de contester par la force des résultats politiques qu’ils jugeraient insatisfaisants.

La plus grande menace aux élections serait cependant qu’elles mobilisent toute l’attention politique au point d’occulter entièrement les problèmes de fond qui continueront de déterminer la paix et la sécurité au Soudan du Sud, que des él ections se tiennent en décembre 2024 ou pas.

Des pressions régionales, notamment le conflit au Soudan, aggravent la situation d’urgence humanitaire au Soudan du Sud. Plus de 580 000 réfugiés et de personnes de retour dans le pays ont cherché refuge au Soudan du Sud, exacerbant une situation de famine catastrophique. Environ un tiers de la population sud-soudanaise est déplacée et, à l’approche de la période de soudure, plus de la moitié des habitants devraient connaître une insécurité alimentaire de niveau de crise, voire pire.

La crise humanitaire est aggravée par le marasme économique. Les exportations de pétrole du Soudan du Sud ont été perturbées par le conflit au Soudan, réduisant considérablement les recettes publiques. Des marchés non transparents passés hors budget continuent d’entraîner un important détournement de fonds publics au détriment des salaires et des services, tandis que les pressions exercées par le service de dettes commerciales coûteuses s’accentuent, même si le Groupe d’experts a étayé l’action menée par le Gouvernement pour accepter le plus grand prêt garanti par le pétrole, jamais accordé au pays.

Les mois à venir seront une occasion fondamentale pour les dirigeants sudsoudanais de coopérer pour gérer des incitations et des attentes divergentes, avant qu’elles ne mènent à davantage d’instabilité.

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