Si la Guyane Française est connue depuis le 19e siècle pour ses ressources aurifères, le département est en proie depuis une trentaine d’années à un phénomène grandissant d’orpaillage illégal. Les “garimpeiros”, chercheurs d’or clandestins en grande majorité originaires du Brésil, affluent dans la forêt amazonienne et sur les berges du fleuve Maroni dans l’espoir de sortir de la pauvreté, au détriment de l’environnement et des populations locales qui paient le prix fort de l’utilisation du mercure pour l’extraction de minerai. François-Michel Le Tourneau nous explique « les motifs d’implication des garimpeiros dans le trafic sont en effet multiples : il s’agit d’un système complexe, où s’entremêlent appât du gain, état de l’économie brésilienne et intensité de la répression en Guyane. Mais dans l’ensemble, le motif économique est très clair : les garimpeiros considèrent qu’ils n’ont pas d’alternative au Brésil qui soit aussi tentante/avantageuse que l’orpaillage clandestin. Pourtant, les rendements de cette activité sont assez aléatoires (à l’image du fait de trouver de l’or ou non) : il y a une comparaison à faire entre les garimpeiros et les joueurs de casino, qui sont toujours persuadés “qu’ils vont se refaire”
Alors que le cours de l’or atteint des niveaux inégalés, des organisations criminelles se sont structurées autour de cette manne financière : le système du “garimpo”, qui se caractérise par une structure verticale presque “micro-entrepreneuriale”, peine à être endigué en dépit des moyens militaires considérables mobilisés par l’État français. En 2008, devant l’ampleur de la tâche, l’opération Harpie a été lancée, par le biais de laquelle les forces armées prêtent leur concours aux forces de sécurité intérieure (gendarmerie, principalement, mais aussi douanes ou police de l’air et des frontières). L’objectif est de casser le moteur économique de l’orpaillage en détruisant la logistique et les moyens de production, François-Michel Le Tourneau ajoute « le principe de l’opération Harpie est fondé sur un facteur économique : l’idée est de faire faire faillite aux entrepreneurs de l’orpaillage en détruisant les machines. Toutefois, on voit bien que cette logique se heurte au fait qu’il ne s’agit pas d’une organisation pyramidale, mais bien d’un système vertical avec une nuée de micro-entrepreneurs : quand l’un fait faillite, il y en a un autre pour prendre sa place. Comme le capital de base nécessaire à l’orpaillage n’est pas très important, le trafic se maintient malgré la répression grâce à un turnover très important. Le système répressif est contraint par ses moyens insuffisants : le nombre de gendarmes, de militaires et d’hélicoptères reste fixe, ce qui ne permet pas de réduire la taille du trafic« .
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Pour aller plus loin
- François-Michel Le Tourneau : Chercheurs d’or : l’orpaillage clandestin en Guyane Française (CNRS éditions, première édition en 2020 et seconde édition revue et augmentée à paraître le 6 juin 2024)
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