La probation est décidée par un juge, elle consiste en l’obligation de respecter des conditions particulières durant une période imposée (entre six mois et deux ans) – en d’autres termes, il s’agit d’une alternative à la peine de prison. Cette option est particulièrement répandue dans notre pays : la France figure dans le haut du classement parmi les pays membres du Conseil de l’Europe en la matière, avec un taux de probation de 283 pour 100 000 habitants l’an dernier, derrière le Royaume-Uni avec 284 mesures.
Selon le Conseil de l’Europe, la probation vise à renforcer la sécurité publique tout en facilitant la réinsertion sociale des délinquants, sans surcharger les prisons déjà pleines. Elle ne se limite alors pas à des mesures de surveillance et de contrôle, mais inclut également un soutien pour créer des opportunités d’intégration sociale et aider les individus à développer les compétences nécessaires pour en bénéficier.
Mais la probation peut aussi s’inscrire dans un cadre d’action continue et structurée, qui peut également inclure des missions de conseil pour les autorités judiciaires, un travail avec l’entourage des délinquants, un soutien à la réhabilitation des anciens délinquants, la mise en place de pratiques réparatrices, et une assistance aux victimes.
« C’est bien plus efficace qu’une incarcération. Quand vous avez un sursis probatoire au-dessus de la tête c’est extrêmement dissuasif, parce que sinon c’est une incarcération, indique l’avocat pénaliste Maitre Knafou au JDD. Je ne trouve pas ça inquiétant tant que le suivi est bien fait et proportionné. » Seulement, ce taux de probation excessivement haut n’est pas une politique judiciaire assumée mais s’explique par un manque de moyens et un système judiciaire à bout de souffle.
La saturation des prisons
L’un des principaux facteurs du taux de probation élevé est la surpopulation carcérale. Les prisons françaises sont largement saturées, avec un taux d’occupation dépassant annuellement les 100 %. En 2022, le taux de remplissage des prisons françaises était de 118 %, avec 71 669 prisonniers pour 60 715 places.
Et ce chiffre ne fait qu’augmenter, le ministère a annoncé ce vendredi 28 juin que le nombre de détenus atteint les 77 880, un nouveau record, pour une capacité de 61 694 (126 %). C’est le neuvième mois consécutif de hausse de la population carcérale, qui a progressé de 5,7 % en un an.
« C’est rare qu’il y ait un mandat de dépôt avec 9 mois de prison. En général, c’est aménagé, pour aller en prison, vous devez malheureusement soit faire quelque chose de très grave, soit avoir une accumulation de choses très graves, ou encore une récidive. Et là, il y aura une décision forte. En dehors de tout ça, ça sera du sursis », explique au JDD le secrétaire général d’Unité SGP Police FO, Grégory Joron.
Un système judiciaire en fin de cycle
La France consacre environ 0,19 % de son PIB à la justice, ce qui est inférieur à la moyenne européenne de 0,30 %. En 2021, le budget de la justice s’élevait à environ 9,6 milliards d’euros, contre 13,2 milliards d’euros en Italie et 22 milliards d’euros en Allemagne.
Le budget de la justice en France a certes augmenté ces dernières années, mais cette hausse reste insuffisante pour compenser les décennies de sous-investissement. Entre 2017 et 2022, le budget a augmenté de 25 %, passant de 7,6 à 9,6 milliards d’euros. Cependant, cette progression doit être mise en perspective avec la nette augmentation des besoins.
Dans une réponse adressée au sénateur Jean Hingray (UC), Éric Dupond Moretti a défendu son mandat : « Le ministère de la Justice a bénéficié en 2023 d’une nouvelle augmentation de +8 % de son budget suivant les deux précédentes hausses de +8 % déjà accordées en 2022 et 2021. Ce sont ainsi 710 millions d’euros supplémentaires qui sont venus abonder en 2023 le service public de la Justice. »
La France on compte environ 11 juges pour 100 000 habitants, contre une moyenne européenne de 21 juges pour 100 000 habitants. Cela place la France au 37e rang sur 45 pays européens. Le gouvernement a alors annoncé le recrutement de 305 magistrats seraient recrutés en 2024. Seulement, il faudrait plus de 30 ans pour que la France atteigne la médiane des États membres du Conseil de l’Europe quant au nombre de magistrats professionnels pour 100 000 habitants.
C’est malgré tout une nette augmentation aux vus de l’année de 2023, où il aurait fallu quasiment deux siècles. Selon Grégory Joron le système judiciaire est en fin de cycle : « Ce que je vois surtout, c’est que nous avons un système global qui est à bout souffle, et qui de toute façon ne fonctionne plus. »
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