Les régimes militaires au pouvoir au Burkina Faso, au Mali et au Niger ont entériné leur alliance au sein d’une « confédération » lors de leur premier sommet samedi à Niamey, une décision qui acte leur rupture avec le reste du bloc ouest-africain.
Les chefs d’État des trois pays, des militaires arrivés au pouvoir par des putschs, « ont décidé de franchir une étape supplémentaire vers une intégration plus poussée entre les États membres », indiquent-ils dans le communiqué final du sommet. « À cet effet ils ont adopté le traité instituant une confédération entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger dénommée Confédération des États du Sahel (AES) », est-il précisé dans le texte.
Les trois pays de l’AES avaient annoncé en janvier leur départ de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), une organisation qu’ils jugent instrumentalisée par la France, ex-puissance coloniale avec laquelle ils ont multiplié les actes de rupture.
Et ils ne semblent pas disposés à faire marche arrière. Samedi, en ouverture du sommet, le chef du régime militaire nigérien Abdourahamane Tiani a affirmé que les peuples de leurs trois pays avaient « irrévocablement tourné le dos à la Cédéao ». Le général Tiani s’exprimait devant son homologue burkinabé, le capitaine Ibrahim Traoré, et malien, le colonel Assimi Goïta.
« Une communauté souveraine des peuples »
Les trois hommes, tous vêtus de leurs habits militaires, se sont rendus vers 13 heures (14 heures à Paris) au centre de conférences de Niamey où le sommet se tient sous haute sécurité.
Le général Tiani a appelé à faire de l’AES une « alternative à tout regroupement régional factice en construisant une communauté souveraine des peuples, une communauté éloignée de la mainmise des puissances étrangères ».
Les relations AES-Cedeao se sont considérablement détériorées à la suite du coup d’État du 26 juillet 2023 ayant porté le général Tiani au pouvoir. La Cédéao avait alors pris de lourdes sanctions économiques contre le Niger et menacé d’intervenir militairement pour rétablir le président déchu, Mohamed Bazoum, dans ses fonctions.
Les sanctions ont depuis été levées, en février, mais les relations entre les deux camps restent glaciales, malgré des appels de certains présidents – sénégalais et mauritanien notamment – à renouer le dialogue.
Des tacles contre la Cédéao
La Cédéao doit tenir dimanche un sommet de ses chefs d’État, à Abuja, où la question des rapports avec l’AES sera au menu des discussions.
« L’AES constitue le seul regroupement sous-régional efficient dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, la Cédéao ayant brillé par son déficit d’implication dans cette lutte », a également déclaré le général Tiani samedi. Avant lui, le capitaine Traoré avait estimé que l’Afrique continuait de « souffrir du fait des impérialistes ». « Nous mènerons une guerre sans merci à quiconque osera s’attaquer à nos États », a-t-il ajouté.
Assimi Goïta avait de son côté appelé à faire de l’AES « un modèle de coopération et d’intégration sous-régionale » et assuré que les armées des trois pays « opèrent en totale complémentarité face aux attaques terroristes ».
Des violences djihadistes meurtrières
Début mars, Mali, Burkina et Niger avaient annoncé la création d’une force conjointe antidjihadiste, dont les contours et les effectifs n’ont pas été précisés. Ce sommet doit consacrer la transformation de cette alliance en confédération. Le projet avait été finalisé par les ministres des Affaires étrangères en mai, mais doit encore être adopté par les chefs d’État des trois pays, qui abritent quelque 72 millions d’habitants.
Les pays de l’AES ont fait de la souveraineté une ligne directrice de leur gouvernance. Ils ont tour à tour chassé les soldats français engagés dans la lutte antidjihadiste de leur sol et se sont tournés vers d’autres pays comme la Russie, la Turquie et l’Iran, qu’ils qualifient régulièrement de « partenaires sincères ».
Ils font face depuis des années à des violences djihadistes meurtrières, en particulier dans la zone dite des « trois frontières », où des groupes liés à Al-Qaïda et l’État islamique tuent civils et soldats dans des attaques et entraînent le déplacement de millions de personnes.
Samedi, les pays de l’AES ont également souhaité « mutualiser leurs moyens », dans des secteurs jugés stratégiques tels que l’agriculture, l’eau, l’énergie ou encore les transports. Ils ont aussi demandé que les langues locales soient davantage utilisées dans les médias publics et privés de leurs pays.
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