Soutenir les jeunes, solliciter les retraités… Ce que préconisent ces économistes pour la France

Dans les allées et sur les estrades des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), évènement international ouvert à tous organisé vendredi 5 et samedi 6 juillet, aucun représentant politique n’était présent en raison du contexte que traverse la France. Mais la thématique de cette 24e édition, « Relier les mondes », avait une résonance bien particulière à la veille du second tour des élections législatives ce dimanche 7 juillet 2024.

Et la politique s’est malgré tout invitée dans nombre de tables rondes où intervenaient 600 personnes de multiples nationalités – économistes, chercheurs, scientifiques, experts de la société civile, responsables d’ONG ou dirigeants d’entreprises – et bien sûr dans les discours de la session de clôture. « L’économie doit se considérer comme appartenant au politique », a ainsi insisté Eva Sadoun, présidente et co-fondatrice de la plateforme d’investissement responsable Lita.co, qui appelle à l’émergence de l’économie du care – c’est-à-dire du soin, de l’attention, de l’aide -, à reconnaître nos fragilités pour mieux recréer une société plus collective.

Comprendre la colère

« On a essayé de comprendre pourquoi deux tiers des Français qui votent sont en colère, a expliqué Jean-Hervé Lorenzi, le fondateur du Cercle des économistes et président des Rencontres économiques d’Aix. Nous sommes arrivés à la conclusion que c’est lié à une forme de populisme : depuis des années, des décennies, un grand nombre de problèmes n’ont pas été réglés. » Avec un mea culpa du côté des économistes, qui ont pu sous-estimer l’ampleur de la colère et de la crise, les yeux rivés sur « les taux d’intérêt à long terme qui étaient restés extrêmement faibles », tout comme le fameux écart entre les taux d’emprunt français et allemand.

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Mais « on arrive à une fin de cycle », a reconnu Jean-Hervé Lorenzi. Et le Cercle des économistes de dresser ses propositions autour de « sept lignes de force pour demain ».

Entendre la jeunesse

Alors que la campagne législative s’est globalement désintéressée des thématiques qui la préoccupent le plus, la jeunesse ne se sent plus écoutée, comme l’ont dévoilé l’étude menée par le programme Jeunesse(s) du Cercle des économistes et le dernier numéro spécial Regards de Ouest-France. Comment lui redonner espoir et confiance ? Les économistes proposent d’inclure les jeunes désocialisés dans des formations professionnalisantes rémunérées durant trois ans. Sur un modèle qui serait plus ciblé que le plan « un jeune, une solution » du gouvernement. Mais aussi que cette jeunesse soit obligatoirement représentée dans les organes de l’entreprise.

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Mettre à contribution les retraités

Les plus âgés ne doivent pas être oubliés, alors que l’âge légal de départ à la retraite a été décalé de deux ans par la dernière réforme. Le Cercle propose de mettre en place un rendez-vous obligatoire dès 45 ans pour aider les salariés à définir ce qu’ils souhaitent pour la suite de leur carrière.

Bâtir un projet intergénérationnel signifie également, aux yeux du Cercle des économistes, faire davantage contribuer les retraités (au financement de la dépendance ou par une hausse de leur taux de contribution sociale généralisée, la CSG). Des économistes de l’université du Mans proposaient déjà de mettre à contribution les retraités les plus aisés pour réduire le déficit de la France, mais les dirigeants politiques restaient au frein. « Plus de 60 % du patrimoine est détenu par les plus de 60 ans. Ces derniers se mobilisent massivement par le biais du vote à l’occasion d’élections, encourageant des dynamiques de clientélisme politique », déplore le Cercle des économistes. Qui propose par ailleurs de rétribuer les aidants non professionnels. Et, plus globalement, de créer une sixième branche de la Sécurité sociale, dans l’objectif « d’éradiquer la pauvreté dans toutes les générations à horizon dix ans ». Et, pour les travailleurs modestes, de doubler la prime d’activité.

Alors que les programmes des législatives ont balayé la question de la dette de la France, les économistes estiment que sa maîtrise reste « une contrainte inéluctable » et qu’elle « ne peut plus être utilisée en France comme un moyen de résolution des conflits sociaux ». Proposant de « passer dans la production et la gestion de tous les biens et services publics, d’une logique de moyens à une logique d’objectifs ».

Intensifier les échanges avec l’Europe et l’Afrique

Cybersécurité, défense, coopération industrielle : il faut placer l’innovation au cœur du projet européen alors que la compétitivité de l’Europe décroche face aux États-Unis et à la Chine. Mais aussi relier l’Europe et l’Afrique, deux continents aux dynamiques démographiques opposés, le second offrant « des opportunités d’investissements innombrables » aux yeux du Cercle des économistes. Qui estime que les Européens doivent d’autant plus l’aider que « le développement endogène du continent africain est la seule solution durable pour fixer les populations et réguler l’ampleur d’une crise migratoire annoncée ».

Enfin, alors que les récentes crises – Covid, guerre en Ukraine et explosion des coûts de l’énergie… – n’ont fait que repousser la réponse à cette problématique, les économistes proposent de s’attaquer au financement des transitions – climatique, numérique et démographique avec le vieillissement de la population – par l’épargne, en développant à l’échelle française et européenne des mécanismes de garantie. « Approchant les 35 000 milliards d’euros, l’épargne européenne est suffisante pour répondre à ces besoins inédits de financement », estime le Cercle des économistes.

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