La Croix International : Sous quel signe placerez-vous votre mandat ?
Mgr Fulgence Muteba : Au regard des enjeux actuels dans l’Église, je pense placer mon mandat sous le signe de la synodalité. En réalité, la charge d’un président d’une conférence épiscopale est essentiellement un exercice de coresponsabilité. Je représente une institution qui a une longue et riche tradition. C’est donc dans la communion, la collégialité et la marche ensemble avec les deux vice-présidents et les autres évêques que j’entends assumer mes fonctions.
Quelles sont les priorités de votre mandat comme président de la Cenco ?
Mgr Fulgence Muteba : Mes priorités sont celles définies collégialement par les évêques de la Cenco au cours de leurs réunions. En travaillant étroitement avec les secrétaires généraux et les secrétaires des commissions, il me revient de veiller scrupuleusement à l’exécution de ces décisions pour que la mission de l’Église, qui consiste essentiellement à annoncer l’Évangile, soit bien accomplie dans le contexte qui est le nôtre. Dans ce sens, il importe que, tout en étant synodale, notre Église du Congo soit davantage missionnaire et prophétiquement efficace. L’inculturation de l’Évangile est naturellement une option préférentielle de l’Église du Congo. Il est important qu’elle continue d’être traduite en actes dans tous les secteurs de la vie ecclésiale. En outre, notre Église s’est toujours voulue au service du peuple et de la nation congolaise. Cet engagement est un enjeu permanent et un défi à relever.
La RD-Congo traverse une période de crise, notamment avec les violences dans l’Est. Quel rôle la Cenco compte-t-elle jouer pour la résolution de cette crise ?
Mgr Fulgence Muteba : La Cenco agit au plan local tout comme au niveau sous régional, à travers l’Association des conférences épiscopales de l’Afrique centrale (ACEAC). Il convient de noter que la Cenco a été la première à condamner cette violence inouïe. À plusieurs reprises, elle s’est exprimée sans ambiguïté sur son caractère absurde et le danger de balkanisation qu’elle fait peser sur la RDC. Une marche de protestation, avec à la tête les évêques eux-mêmes, a été organisée à cet effet dans tous les 48 diocèses en décembre 2022.
En communion avec les conférences épiscopales du Rwanda et du Burundi, la Cenco participe activement au plaidoyer pour la paix et la stabilité dans notre sous-région des Grands lacs. Pour notre institution, la solution pour une paix durable passe par un dialogue sincère et sans tabou. Nos trois pays partagent une histoire coloniale commune, qui fait d’eux des pays frères. Au nom de cette histoire, nos populations se fréquentent et promeuvent un style de vivre ensemble dont nous ne pouvons que nous réjouir. Par contre, ce sont les politiciens qui transposent leurs querelles et leurs ambitions sur elles. Cela me paraît cynique.
Dans notre mission prophétique, nous préconisons une solution pacifique à nos différends qui, en réalité, ne se justifient pas parce que nous sommes réellement frères. Les populations rwandaise, burundaise et congolaise ont besoin du développement et non de la guerre. Celle-ci est une faillite de la fraternité qui ne fait qu’accroître la pauvreté dans notre sous-région. Les responsables politiques de nos trois pays doivent dialoguer en toute transparence, dans la vérité, chacun dans leur pays d’abord, ensuite au niveau sous régional.
La Cenco, compte-t-elle réintégrer la Plateforme des confessions religieuses ? Quelles seraient les conditions pour ce faire ?
Mgr Fulgence Muteba : L’œcuménisme et le dialogue interreligieux font partie de la doctrine de l’Église. La notion de synodalité aussi, nous invite à collaborer avec les autres confessions religieuses. Dans ce sens, la Cenco ne s’est jamais opposée à « marcher » avec les autres religions, même non chrétiennes. Mais la manière dont fonctionne la Plateforme dite des confessions religieuses depuis quelque temps, au niveau national, n’est pas conforme à notre éthique. La Cenco a ainsi pris du recul et a suspendu sa participation aux activités de cette plateforme au niveau national. Elle n’a pas pour autant interdit la collaboration et la solidarité des chrétiens catholiques de la base. Lorsque cesseront les ambiguïtés éthiques au sein de cette plateforme, je pense qu’elle pourra effectuer sa réintégration.
Quel rôle l’Église congolaise veut-elle jouer au sein de l’Église universelle ?
Mgr Fulgence Muteba : L’Église congolaise est une Église locale parmi tant d’autres, unie indéfectiblement au siège du successeur de Pierre, en communion avec les autres Églises particulières. À l’instar des Églises particulières de l’époque apostolique, notre Église est appelée à vivre le message évangélique dans la particularité de notre contexte et de notre culture. Elle considère son expérience d’approfondir et de vivre la Parole de Dieu comme susceptible d’enrichir l’Église universelle.
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