27 ans après son dernier mandat de députée, Dominique Voynet a été élue le 7 juillet 2024, dans la 2e circonscription du Doubs. Ministre de l’Environnement sous Lionel Jospin, cette écologiste a été investie par le Nouveau Front Populaire. Elle va rejoindre ce mardi 9 juillet Paris et les bancs de l’Assemblée nationale.
« Soulagement. » Tout juste élue députée de la 2e circonscription du Doubs, avec près de 60% des suffrages, ce lundi 8 juillet, Dominique Voynet savoure la victoire de son camp. « C’est une satisfaction réelle devant l’ampleur du résultat. Les électeurs de gauche se sont mobilisés, et j’ai pu convaincre les électeurs du centre. »
Une victoire nette, mais qui incite la nouvelle députée à l’humilité, considérant les résultats en Franche-Comté de ces élections législatives anticipées. « Je suis la seule parlementaire de gauche élue. Hier (dimanche), le soulagement prédominait, aujourd’hui c’est plutôt la préoccupation face à la construction d’une majorité qui puisse gouverner ».
Je ferai partie des personnes qui vont servir de trait d’union
Dominique Voynet, députée EELV-NFP de la 2eme circonscription du Doubs
« Elle a fait tous les mandats, elle connaît tous les niveaux de politique, réagit Anne Vignot, maire EELV de Besançon. C’est une femme de l’intelligence collective ». En effet, Dominique Voynet a été successivement conseillère municipale à Dole en 1989, conseillère régionale de Franche-Comté en 1992 puis conseillère générale du Jura en 1998, avant de gravir les échelons au sein de son parti, les Verts, et d’être élue maire de Montreuil en 2008. « C’est la 1ʳᵉ femme écologiste devenue maire d’une ville de plus de 100 000 habitants », évoque Anne Vignot.
À 65 ans, Dominique Voynet va donc retrouver les bancs de l’Assemblée nationale, 27 ans après son dernier mandat de députée. C’était à l’époque dans la 3e circonscription du Jura, lors d’élections législatives déclenchées, elles aussi, par une dissolution de l’Assemblée, par Jacques Chirac. Un poste de députée qu’elle n’avait occupé qu’un mois, puisqu’elle fut nommée ministre de l’Environnement par Lionel Jospin. Le point culminant d’une carrière guidée par l’écologie.
En 1985, Dominique Voynet, docteure en médecine, a débuté sa carrière en tant qu’anesthésiste-réanimatrice à l’hôpital de Dole. Militante dans diverses associations locales de protection de l’environnement, elle va contribuer à la fondation du parti les Verts en 1984, un parti dont elle sera la porte-parole à Besançon, puis au niveau national en 1991.
Devenue figure française des écologistes, Dominique Voynet va se distinguer, dès son début de mandat, par un dossier franc-comtois explosif : celui du Grand canal, un projet de liaison fluviale à grand gabarit reliant le pays de Montbéliard et la Saône, qui aurait nécessité de considérables travaux dans la vallée du Doubs.
« Je l’ai rencontrée dans l’action anti-canal, se souvient Gérard Mamet, adhérent EELV dans le Doubs. J’étais secrétaire du comité de liaison anti-canal, le CLAC. » Militant pour plusieurs associations locales de protection de l’environnement, Gérard Mamet estime que le combat contre le Grand canal a été remporté grâce à la pugnacité de l’alors ministre de l’Environnement. « Malgré la déclaration d’utilité publique, elle a pu négocier l’abandon du projet. »
Quand elle a accepté de participer au gouvernement, c’est une des conditions qu’elle avait mises : l’abandon du grand canal.
Gérard Mamet, adhérent EELV dans le Doubs
« Vous imaginez le Grand canal, quand vous voyez qu’aujourd’hui nous en somme régulièrement en déficit hydrique, ce serait une catastrophe qu’on serait en train de vivre », assure Anne Vignot, reconnaissante de ce combat médiatique de la carrière de Dominique Voynet. « C’est quelqu’un qui a évité le pire pour l’avenir de nos industries, de la ressource en eau », estime aujourd’hui Anne Vignot.
Gérard Mamet, qui se souvient des manifestations importantes de l’époque, ne cache pas sa reconnaissance envers l’ex-ministre : « Mon adhésion aux verts est liée à Dominique Voynet. »
Si l’abandon du Grand canal, épilogue de trente ans de vifs débats, est à épingler à son écharpe de militante, Dominique Voynet a aussi essuyé les attaques qui incombent inévitablement à la fonction.
En 2000, la ministre française avait mené une négociation à Bruxelles concernant le financement de projet à faibles émissions de CO2 dans les pays en développement. Dans une vidéo issue d’un documentaire de 2003 et publiée de nouveau récemment, qui lui a valu de nombreuses attaques, Dominique Voynet déclare avoir évité à la France de se positionner pour le soutien à l’énergie nucléaire. Une démarche européenne qui n’a pourtant rien à voir avec le financement du nucléaire en France, déclarait l’ancienne ministre à Check News en 2022.
C’est quelqu’un qui a travaillé dans un gouvernement pluriel, qui en a une expérience très forte. C’est loin d’être le cas de tous et c’est bien dommage, c’est de ca qu’on a besoin.
Anne Vignot, maire EELV de Besançon
Avant cela, c’est la marée noire de l’Erika, ce pétrolier qui s’était échoué sur les côtes bretonnes en 1999, qui lui avait valu une des séquences les plus douloureuses au ministère. En déplacement à la Réunion pour un projet de protection des récifs coraliens, Dominique Voynet avait tardé à rentrer, expliquant, dans une déclaration qui avait alors été tronquée, que ce n’était pas « la catastrophe du siècle ».
Plus récemment, c’est en tant que figure nationale des écologistes que Dominique Voynet avait de nouveau été vivement critiquée, pour son témoignage lors du procès de Denis Beaupin, ancien député des Verts visé par une enquête pour harcèlement et agression sexuelle. Assurant alors qu’elle ne « mettait pas en doute la parole des femmes », Dominique Voynet avait déclaré à la barre ne pas avoir eu connaissance de « comportements inadéquats. »
Huit ans après son dernier mandat politique à la mairie de Montreuil, Dominique Voynet reprend du service en 2022 pour son parti, en Franche-Comté. Elle est alors élue à l’unanimité secrétaire régionale EELV.
Questionnée sur le plateau de l’émission de Dimanche en politique sur France 3 Franche-Comté en novembre 2022 sur ce retour aux responsabilités dans un parti qui revendique le renouvellement et la jeunesse, elle avait alors reconnu l’incapacité de la formation politique à être le « débouché naturel des luttes environnementales et des luttes sociales », et à « concrétiser » les attentes des électeurs.
Pour autant, ses fidèles voient aujourd’hui ce mandat de députée comme une suite logique. « Elle a évidemment une forte légitimité, soutient Gérard Mamet. Elle avait accepté de redevenir secrétaire régionale des Verts, mais elle n’avait pas spécialement envie de se réinvestir dans un poste de députée. Ce sont les militants de la région qui lui ont dit “est-ce que ce ne serait pas toi la mieux placée ?”. Elle avait ses chances à causes de son expérience et sa notoriété. »
C’est la robustesse qu’elle incarne. C’est une femme qui ne dévie pas de son axe politique, et qui pour autant sait bien travailler avec les autres
Anne Vignot, maire EELV de Besançon
« Quand certains se sont permis de dire qu’elle était parachutée, vous m’en trouverez des élus qui ont ce parcours franc-comtois et local », tacle de son côté Anne Vignot. « Elle a toujours été ancrée dans son territoire, et dans une écologie de gauche, une gauche qui apporte des solutions sociales. »
Dithyrambique, l‘édile bisontine, qui la côtoie de plus en plus après son accession au poste de secrétaire régionale, définit aussi Dominique Voynet comme une personne « de relation forte solide et durable », « une femme de l’amitié », « de Fousseret, de Paulette Guinchard. Ce que j’ai constaté, c’est que les amitiés se sont réveillées. Les gens qui avaient anticipé ses combats étaient derrière elle ses dernières semaines. »
La députée du Doubs a désormais pris le chemin de Paris, après trois semaines d’une campagne intense, qu’elle dit avoir vécue « avec zénitude, c’est peut-être l’avantage de mon expérience et de mon âge. »
Un mantra qui devrait, selon elle, la guider lors de son mandat. « J’espère pouvoir contribuer à une pacification de la vie politique à Besançon. Il faut se hisser au-dessus de la mêlée. Un projet qui permette de retisser les solidarités, de faire baisser le niveau de violence, de favoriser les échanges démocratiques. »
Parmi les priorités qu’elle défendra en accord avec le Nouveau Front populaire, les « mesures destinées aux personnes qui n’arrivent pas à boucler leur budget », « l’abandon des projets dévastateurs », ou de la réforme de la retraite. « À titre personnel, je reste très préoccupée par les questions d’éducation, les questions de santé en direction des personnes laissées de côté, notamment le grand âge. » « Je me suis intéressée aux questions de défense, européenne, énergétique, et ultra-marines. »
Se voit-elle au gouvernement ? « Je ne le recherche pas, j’ai déjà vécu ça. Je suis déjà fière et heureuse de représenter les habitants de la circonscription. »
À l’Assemblée, une des premières missions des nouveaux députés sera la loi de Finances. « Les gens ont vécu une violence extrêmement forte. On voit bien que le “en même temps” nous a amenés là où on en est, gronde Anne Vignot. On doit se dire que là, l’urgence, c’est de pouvoir répondre à l’espérance. » Avec en chef de file comtoise, la nouvelle députée verte. « Elle a déjà annoncé qu’elle voulait réunir tout le monde », se réjouit la maire de Besançon.
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