Quand le passé rencontre l’avenir ! La création d’un nouveau pas de tir pour Ariane 6, à Kourou, a conduit à la découverte d’un site préhistorique au cœur du Centre spatial guyanais (CSG). L’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) a rendu publique l’information à la veille du premier tir du lanceur européen de satellites, ce 9 juillet. Repérés dès 2015 lors de l’ouverture de grandes carrières de sable destinées à fournir les matériaux de construction de ce chantier, les vestiges datent de plusieurs périodes différentes.
« Les investigations archéologiques ont identifié trois périodes d’occupation humaine. La plus ancienne remonte à plus de 6 000 ans. « De ces premiers campements ont été retrouvées, dans les couches les plus anciennes, des traces de foyers préhistoriques, sous la forme d’amas de quartz altérés par la chauffe », témoigne Sandrine Delpech, responsable des fouilles pour l’Inrap. Autour de ces feux de camp allumés par des chasseurs-cueilleurs préhistoriques ont été repérés des objets associés à diverses activités domestiques : notamment des meules mais aussi des éclats de pierre, toujours de quartz, témoignant d’un atelier de fabrication d’outillage en pierre.
Un autre habitat préhistorique, plus récent, a également été identifié sur place. Il correspond à un ensemble de huttes ou de carbets qui traduisent des épisodes de sédentarisation temporaires entre 750 et 1 500 avant J.-C. (une période que les spécialistes appellent le « Néoindien ancien »). De petites pièces de quartz et des fragments de céramiques ont, là encore, été collectés sur le site, ainsi que des traces d’inhumation.
Une pièce de monnaie française de 1628
Cependant, compte tenu de la nature sablonneuse des sols, seules deux tombes contenaient encore des traces d’ossements et des reliques de parures. De nombreuses poteries écrasées ont également été recensées sur le terrain de fouille. Elles ont permis d’affiner la chronologie. « Les éléments végétaux brûlés mélangés à l’argile sont d’une aide précieuse dans la datation du site », explique Matthieu Hildebrand, céramologue.
À LIRE AUSSI Un archéologue à la recherche des trésors de piratesLes constructions les plus récentes ont été retrouvées, à 40 centimètres de profondeur. Ces vestiges témoignent d’un habitat amérindien fondé autour de 1630 et qui a perduré jusqu’à 1750 environ. La datation précise de ces vestiges a été rendue possible par la découverte d’une pièce de monnaie : un demi-tournoi daté de 1628 attestant l’arrivée sur place de Français.
Sur cette période récente, des lames de couteau, des haches en fer, des balles de mousquet, mais aussi de pièces en cuivre et en laiton ainsi que de plus de 9 000 perles de verre, provenant d’Europe, d’Italie et de Hollande. Ces objets attestent, en dehors de la monnaie frappée sous le règne de Louis XIII, d’échanges commerciaux entre Amérindiens et colons européens. C’est la plus ancienne trace documentée par l’archéologie de contacts encore deux mondes.
À LIRE AUSSI Archéologie : l’énigme d’un manuscrit vieux de 4 000 ans enfin résolueLe Centre national d’études spatiales (Cnes) et la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) de Guyane organisent une exposition à Kourou pour mettre en valeur ce patrimoine. Un espace dédié a été aménagé au musée de l’Espace du Centre spatial guyanais. Y sont présentées les céramiques précolombiennes et les perles européennes exhumées sur un autre terrain de fouilles exploré en 2005 sur le chantier de construction du pas de tir de la fusée Soyouz.
Outre des outils en pierre, deux objets exceptionnels y sont mis en avant. Le premier est une grande demi-plaque de cuisson. Le second : un « samaku » , une jarre de 80 centimètres de diamètre utilisée dans un contexte funéraire pour accueillir des restes humains. Un espace permanent du musée entièrement rénové doit ouvrir ses portes à l’automne prochain.
À LIRE AUSSI Cette ferme normande vieille de… près de 2 000 ansLes archéologues de l’Inrap conduisent de nombreuses recherches en Guyane depuis vingt ans. Ces travaux éclairent les dynamiques complexes de peuplement. Des excavations réalisées sur le plateau des Mines, le long du fleuve Maroni, frontière entre la France et le Suriname, ont ainsi permis de découvrir un autre site préhistorique. Un autre terrain de fouilles, à Saint-Georges-de-l’Oyapock, à l’emplacement du futur pont international reliant la Guyane française au Brésil, a quant à lui livré les vestiges, exceptionnellement conservés, de deux occupations amérindiennes distinctes.
Enfin, à Saint-Laurent-du-Maroni, des fouilles extensives (6 500 mètres carrés) ont conduit à éclairer un aspect méconnu de l’histoire de la Guyane : l’industrie pénitentiaire. Un nouveau pan pour l’archéologie coloniale qui s’est beaucoup développée ces dernières années et qui défriche l’époque moderne (soit après 1848) complétant les sources écrites sur des aspects sensibles de l’histoire locale entre esclavage, bagne et orpaillage.
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