Dix mois après la disparition de leur père en Martinique, Guillaume et Florent Trégou lui rendront hommage ce vendredi, à l’Hospitalet. Mais la loi interdit l’ouverture du caveau s’il n’y a pas de corps. Un casse-tête et une double peine pour cette famille endeuillée.
Depuis le vendredi 15 septembre, la jolie maison rénovée de Pierre Trégou à L’hospitalet est vide. Les volets sont restés fermés : le Lotois parti randonner en Martinique n’est jamais revenu. Ce jour-là, le retraité de 65 ans randonne sur le sentier Prêcheur-Grande Rivière, en Martinique. Marcheur expérimenté, il voulait refaire une deuxième fois ce chemin aussi mythique que périlleux. Pendant ce temps, son fils Guillaume à quelques dizaines de kilomètres, prépare l’anniversaire de sa fille. » Il m’a d’abord appelé à 15 h pour me dire qu’il s’était planté et qu’il avait raté le bateau du retour. Il comptait resté dormir sur place « , se souvient Guillaume. Il n’est pas inquiet : son père a déjà fait l’intégralité de Saint-Jacques-de-Compostelle, le Portugal du Nord au Sud, le GR 20, le GR 10, un road-trip en Inde. Bref, il en a vu d’autres.
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À 18h07, Guillaume Trégou, qui est gendarme en Martinique, reçoit sa géolocalisation par message. Il commence à avoir des doutes : » Entre Apple, Google et la réalité, il y a trois mondes différents, je n’arrive pas à trouver exactement où il est « . Son fils rappelle à 18 heures : » Il me dit qu’il va se débrouiller. Sur le moment, je ne sens pas d’inquiétude. Des soirées sans nouvelles de lui quand il randonnait partout dans le monde, on en a déjà connu. Bien sûr, aujourd’hui, je me refais cet appel qui est le dernier et je me rends compte que je n’ai pas perçu qu’il était épuisé, que ce n’était pas lui au bout du fil « .
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Les recherches commencent le lendemain matin à 6 heures. Mais en arrivant sur place, dans le silence de cette jungle dense et abrupte, Guillaume qui connaît bien ce chemin pour l’avoir parcouru plusieurs fois, comprend. » J’ai su de suite que nous ne le retrouverions pas. On l’appelait dans le vide. Je n’entendais que les oiseaux et les abeilles « . Les dix jours de recherches conduites par les collègues gendarmes de Guillaume n’aboutiront à rien. » Les gendarmes ont eu beau faire des descentes en rappel, activer une salle de conférences, j’avais le sentiment que c’était peine perdue « , raconte le Lotois de 38 ans.
Impossible d’ouvrir le caveau
En plus, la météo s’en mêle avec l’arrivée de la saison cyclonique. Les recherches sont arrêtées sous le vent et la pluie. Aujourd’hui, dix mois après, Pierre Trégou reste introuvable. Un malaise, une chute, un moment d’égarement, la fatigue… La famille n’en sait rien et a accepté qu’elle ne saura sûrement jamais. » Pour un deuil, il faut des réponses. Nous, on sera toujours dans le doute. Pour avancer, on a besoin de lui rendre hommage, même si on n’a pas retrouvé son corps « , explique son deuxième fils, Florent. Résignés, les fils ont demandé à la Fédération française de randonnée de rajouter des points de balisage sur le sentier. » J’ai compté, il en manque au moins 20 rien que sur la moitié du parcours « , signale Guillaume.
Ce vendredi, une cérémonie lui sera consacrée à l’église de Granéjouls, un lieu-dit de Lhospitalet, à 11 heures. Mais pour l’enterrement, les Trégou n’ont pas eu leur mot à dire. » La loi interdit l’ouverture d’un caveau s’il n’y a pas de corps. Nous, on voulait déposer son sac à dos de rando dans notre caveau familial, à Cahors. Son souhait était d’être incinéré puis de reposer près de ses parents. La mairie a refusé « , regrette les deux frères. Une double peine et un goût amer. » La loi autorise les enterrements avec les cendres de son animal de compagnie, mais pas sans corps « , reprend Florent. Guillaume et lui ont interpellé le député Aurélien Pradié sur ce sujet. » J’étais même prêt à fabriquer une petite boîte avec du bois de Martinique et glisser le sac à l’intérieur puis dans le caveau. Mais rien de tout cela n’a été possible », confie Guillaume. Qu’à cela ne tienne : s’il n’est pas possible d’enterrer leur papa, alors, ils déposeront son sac-à-dos remplis d’objets personnels sur le caveau. Pour lui dire au revoir, à leur façon.
Pierre Trégou, un sportif investi
Pierre Trégou était bien connu dans le Lot, notamment à Calamane, où il a vécu près de trente ans, et à Lhospitalet où il rénovait une maison en pierres du Quercy. A Calamane, il a été conseiller municipal et membre du foyer rural. Il a créé la course La Calamanaise qui a fêté sa 18ème édition en avril dernier. A cette occasion, le club et ses nièces lui ont rendu un hommage. Il était également président de l’association départementale des courses à pied hors stade du Lot, lui qui pratiquait régulièrement cette activité et les randonnées. Toujours à Calamane, il a fondé la chorale. Car Pierre Trégou adorait chantonner des airs de chanson française et des années 80. » Au volant, il poussait la chansonnette sur Brel, Ferrat, Cabrel et Brassens « , se souvient son fils Florent. Le reste du temps, Pierre Trégou était vendeur chez Orange. » Il a commencé comme technicien sur les premiers téléphones portables, il a fini sa carrière vendeur de l’Iphone 11 « , sourit son fils Guillaume. Les clients le connaissaient bien : c’était lui, » le monsieur aux cheveux blancs », toujours de bons conseils. A Lhospitalet, depuis qu’il était à la retraite, le Lotois restaurait aussi une vieille » deudeuche « , porté par son amour du bricolage et de l’ancien.
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