La RDC dément tout contact direct avec le Rwanda – DW – 09/07/2024

En République démocratique du Congo, les rebelles du M23 continuent leur progression dans l’est du pays. Selon un rapport des experts de l’Onu publié le lundi 8 juillet, ceux-ci sont directement appuyés par des unités militaires rwandaises présentes sur le sol congolais. Un récent rapport de l’Organisation épingle également l’Ouganda voisin qui mène pourtant des opérations militaires conjointes avec la RDC.

Alors que le conflit a des conséquences catastrophiques sur les populations des localités touchées, sur le plan diplomatique, des initiatives semblent se multiplier. Kigali a même communiqué sur une rencontre à Zanzibar entre des représentants rwandais et congolais. Mais Kinshasa a démenti tout contact direct avec son voisin sur la crise actuelle.

Une situation complexe

Des discussions ouvertes « dans un esprit constructif «  : c’est ainsi que le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a communiqué sur la rencontre à Zanzibar, en Tanzanie, entre deux délégations congolaises et rwandaises.

Si Olivier Nduhungirehe a affirmé que la rencontre avait porté sur « la nécessité d’une solution politique à la crise dans l’est de la RDC », Kinshasa s’est empressé de démentir avoir discuté directement avec le Rwanda sur ce point.

Kinshasa refuse en effet de parler avec le Rwanda tant que le M23, soutenu par Kigali, ne se retirera pas de son territoire.

Mais pour le politologue et universitaire Tumba Alfred Shango Lokoho, il existe des canaux de communication entre Kinshasa et Kigali.

« Même si ce n’est pas officiel, officieusement les contacts existent. Mais la difficulté vient du fait que Paul Kagame est dans le déni de la présence de ses troupes auprès du M23. C’est là où ça cloche, parce que pour la RD Congo, c’est non négociable.Tant qu’il y aura la présence des troupes rwandaises auprès du M23, ça va être très compliqué de résoudre le problème. Mais le canal diplomatique souterrain n’est pas rompu », assure-t-il.

Ecoutez l’analyse de Tumba Alfred Shango Lokoho

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Face à la dégradation des relations entre Kinshasa et Kigali, la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est a initié deux processus, celui de Luanda et celui de Nairobi. 

Le processus de Nairobi se focalise sur les groupes armés et celui de Luanda sur les relations entre la RDC et le Rwanda, qui pourtant ne cessent de se dégrader, au détriment des populations civiles. 

Ces dernières doivent au quotidien faire face aux bombardements, aux pillages, aux viols, aux déplacements forcés, aux meurtres et autres atrocités…

« Trêve humanitaire »

Jeudi, les Etats-Unis avaient annoncé une « trêve humanitaire » dans le conflit entre le M23 et l’armée congolaise. Un cessez-le-feu de deux semaines qui coïncide avec « la rencontre de Zanzibar ». 

Selon Patrick Mboyo Bakambo, docteur en droit public et chercheur associé à l’université Paris-Saclay, ce n’est pas fortuit. « Ce genre de situation sur le plan diplomatique ne relève pas du hasard », explique-t-il.

Selon lui « il y a eu concordance ». Il précise par ailleurs qu’à chaque fois que « l’opinion internationale essaye de jeter un peu son regard sur le Congo, les Etats-Unis viennent pour essayer de mettre un peu d’ordre et quand on détourne le regard, on reprend les tueries, les massacres… »

Dans leur rapport publié ce lundi (8 juillet), les experts de l’Onu établissent que les rebelles du M23, appuyés par les forces rwandaises, ciblent en RDC des localités majoritairement habitées par des Hutus, dans des zones connues pour être des bastions des FDLR, les Forces démocratiques de libération du Rwanda, une rébellion opposée à Kigali.

Ecoutez l’analyse de Patrick Mboyo Bakambo

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Ce groupe rebelle rwandais est composé d’anciens hauts responsables Hutu, accusés du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, qui se sont réfugiés en RDC.

Pour Kigali, leur présence est une menace pour le Rwanda. Pour les experts de l’Onu, Kinshasa se sert de son côté des groupes armés, y compris des FDLR.

Les experts disent par ailleurs avoir eu confirmation d’un « soutien actif » au M23 de membres des services de renseignements de l’Ouganda, pays voisin accusé par Kinshasa de jouer un jeu trouble.

Des promesses et peu de réalisations

Dans un contexte marqué par des accusations mutuelles, on peut se demander si la diplomatie peut encore jouer un rôle dans la résolution de ce conflit, alors que le M23 continue sa progression dans l’est de la RDC.

Pour Tumba Alfred Shango Lokoho, « à un moment donné, il faudra bien que la diplomatie, le dialogue reprennent leur droit ». Selon lui, « le problème est plus du côté de la RDC, parce que les autorités ont tellement promis, mais ont fait très peu pour rétablir la sécurité et la paix dans l’est de la RDC. »

En attendant, ce sont les populations civiles qui continuent de payer le prix fort de la guerre qui, selon l’Onu, a fait plus de cinq millions de déplacées à l’intérieur des provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri. 

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