CHARTE DES ÉLUS DE GUADELOUPE
Jocelyn Valton
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La ‘‘représentation politique’’ de la Guadeloupe dans son entier, est invitée à adopter et respecter une ‘‘charte’’ éthique dessinant les contours clairs d’une meilleure relation avec les citoyens guadeloupéens. Cette proposition de charte, ce contrat moral, a pour objectif de rappeler que les élus (et ceux qui ont pour projet de le devenir) sont tous, les obligés de tous les citoyens de la Guadeloupe.
Certaines évidences méritent d’être rappelées. Les citoyens, par le vote, donnent mandat aux élus pour les représenter, c’est-à-dire pour défendre leurs intérêts et tenter par leur travail (réflexions, décisions, actions en accord avec un programme) de proposer les voies et moyens possibles pour solutionner les problèmes auxquels est confrontée la Guadeloupe. Mépris, corruption et trahisons de la classe politique sont des causes de désintérêt et de rejet qui peuvent mener aussi loin que le choix désespéré et suicidaire du fascisme. Nul élu ne doit s’arroger le droit de confisquer le pouvoir qui appartient au peuple.
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Selon la ‘‘Charte des élus de Guadeloupe’’, ces derniers devront :
Article 1 – S’engager à présenter aux citoyens des programmes clairs, sincères et honnêtes qu’ils doivent s’atteler à réaliser en rendant régulièrement et précisément compte dans des bilans soumis au contrôle des citoyens, leurs mandants.
Article 2 – S’engager, dans le cadre de leurs fonctions, à représenter dignement les citoyens guadeloupéens, en s’interdisant tout comportement les plaçant (et nous à travers eux) en position subalterne ou avilissante, singulièrement face à la représentation hexagonale. En ce sens, s’interdire tout comportement, toute attitude doudouiste qui conduirait à les ridiculiser (et nous à travers eux) en nous réduisant au trio : ‘‘accras – boudin – ti punch’’.
S’interdire désormais de nous infliger aucune partie de danse biguine ou zouk avec les représentants du pouvoir français, alors même que les problèmes de notre pays ne sont pas résolus et que les citoyens attendent des élus les représentant, qu’ils excellent dans la pertinence de leur vision et de leurs propositions, plutôt que par leurs talents de danseurs.
Article 3 – S’interdire en toutes circonstances aucune attitude de silence arrogant face aux doléances que leur adressent les citoyens.
Article 4 – S’engager à servir en toutes circonstances, avec humilité, bienveillance et respect l’intérêt supérieur des citoyens guadeloupéens et œuvrer à donner satisfaction à leurs revendications légitimes.
Article 5 – S’interdire à jamais de parler des citoyens guadeloupéens en termes de ‘‘population’’ (un terme réducteur qui désigne une masse informe et sans cohésion) et parler de nous en termes de ‘‘peuple’’. Ce terme dit avec pertinence qui nous sommes : une large communauté de citoyens partageant un même pays, la Guadeloupe, engagés dans une communauté d’histoire, de culture et de destin.
Article 6 – S’interdire de parler de la Guadeloupe en termes de « DOM », « DROM », « d’Outre-mer » ou de « territoire », tous ces mots et acronymes avec lesquels on nous estampille depuis la ‘‘métropole’’, mais qui nous minorent, nous réduisent, nous rabougrissent en nous persuadant de notre irrémédiable dépendance au centre ‘‘métropolitain’’ tout puissant. Ils remplaceront ces mots inappropriés par le mot ‘‘pays’’, car la Guadeloupe est un pays quand bien même elle n’est pas un État nation.
Article 7 – S’interdire donc, pour parler du pays Guadeloupe et de ses citoyens, d’utiliser tout terme réducteur conduisant à nous essentialiser. Par exemple à faire de nous des bêtes de sport dans une Guadeloupe réduite à n’être qu’une « terre de champions » et les Guadeloupéens de simples corps pour la performance, après qu’ils furent pendant des siècles, des bêtes de somme, des corps soumis au travail gratuit au bénéfice des planteurs esclavagistes.
Article 8 – « Par nous-mêmes, pour nous-mêmes ». Par ce credo libérateur, s’obliger à imaginer des possibilités d’exister et d’agir autres que celles d’être les appendices, les projections coloniales des partis politiques ‘‘métropolitains’’ en Guadeloupe.
Article 9 – S’interdire en toutes circonstances de parler de ce qu’il est convenu d’appeler nos ‘‘spécificités’’, ce qui a pour conséquence de faire de nos peuples des curiosités exotiques. S’obliger dès lors à cerner et faire prendre en compte nos ‘‘réalités’’. Elles sont : géographiques, environnementales, culturelles, économiques, sociétales…, et pour la plupart distinctes de celles de ‘‘l’Hexagone’’.
Article 10 – Les élus de la Guadeloupe agiront avec la pleine conscience que le génie français a vocation à servir la ‘‘grandeur de la France’’ dont les intérêts se distinguent de ceux de la Guadeloupe et des autres pays reliquats de son empire ‘‘outre-mer’’. Que la ‘‘métropole’’ française se nourrit des ressources naturelles et humaines de nos pays pour renforcer sa puissance et conforter sa place au septième rang des ‘‘grandes nations’’. Que sans nos pays dits ‘‘outre-mer’’, la France perdrait le confort que lui procure cette position en termes stratégiques avec le deuxième plus grand domaine maritime du monde après celui des États-Unis, en termes de biodiversité exceptionnelle, d’éventail de potentiel humain et de richesses artistiques et culturelles. Par conséquent, les élus guadeloupéens n’étant pas ignorants de cette logique de domination, doivent avoir avant tout, le souci de mettre toute leur intelligence et leur énergie au service des intérêts de leur pays, la Guadeloupe.
Guadeloupe, le 8 juillet 2024
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