L’histoire sportive du Soudan du Sud, dernier Etat africain à avoir obtenu son indépendance, en 2011, restera à jamais associée à la ville de Quezon City, aux Philippines, un des trois pays, avec le Japon et l’Indonésie, à organiser la Coupe du monde de basket-ball, du 25 août au 10 septembre. Samedi 2 septembre, la victoire de sa sélection masculine face à l’Angola (101-78), faisant suite à celle obtenue contre les Philippines (87-68), lui a permis de se qualifier pour les Jeux olympiques (JO) de 2024 à Paris. Une performance historique pour les Bright Stars, dont la progression est l’une des plus spectaculaires du basket mondial ces dernières années.
Ce succès face à l’Angola, qui incarnait encore récemment le meilleur du basket africain, a déclenché des scènes de joie dans tout le pays, notamment à Juba. Présent dans la capitale lors de cette journée historique, l’Italien Stefano Cusin, sélectionneur de l’équipe sud-soudanaise de football, a pu mesurer l’enthousiasme généré par cette qualification pour les JO. « Les gens sont sortis dans les rues, ils ont dansé, chanté. Il y a beaucoup de fierté, de joie. Pour eux, c’est important de voir que leur pays peut gagner, alors qu’on n’en parle pas toujours de manière positive. »
Lors du premier tour de cette Coupe du monde, le Soudan du Sud, bien que battu par Porto Rico (96-101) et la Serbie (83-115), deux sélections notoirement supérieures, avait une première fois flatté la fibre patriotique en dominant largement la Chine (89-69). « Je ne suis pas étonné par leur progression, car les joueurs évoluent aux Etats-Unis, en France ou en Australie, donc dans des ligues de haut niveau », analyse le Sénégalais Cheikh Sarr, sélectionneur du Rwanda, dont l’équipe avait affronté les Bright Stars lors des qualifications pour la Coupe du monde.
Des histoires personnelles dramatiques
Depuis qu’il a été nommé, en 2021, le sélectionneur américain Royal Ivey, ancien joueur des Houston Rockets en NBA, ne peut compter que sur des expatriés en raison de la faiblesse du championnat local, amateur et peu structuré. Le Soudan du Sud ne compte en effet aucun terrain de basket couvert.
Dans ce pays ayant gagné son indépendance après des décennies de guerre contre le pouvoir central soudanais, certains joueurs ont vécu des histoires personnelles dramatiques. Ainsi, Peter Jok a perdu son père, général dans l’Armée de libération des peuples du Soudan (SPLA), ainsi qu’un de ses grands-pères, tous deux tués lors du conflit contre Khartoum. Nuni Omot, lui, est né dans un camp de réfugiés au Kenya, tandis que Majok Deng a passé plusieurs années dans un de ces camps après avoir fui Bor, sa ville natale, à l’âge de 8 ans. « Cette équipe parle aux Sud-Soudanais, car beaucoup de joueurs ont dû fuir le pays avec leur famille pour échapper à la guerre. Ici, de nombreuses familles ont connu cela », reprend Stefano Cusin.
La fédération sud-soudanaise a également réussi à convaincre l’Américain Carlik Jones, sous contrat avec les Chicago Bulls, de prendre la nationalité du pays. Lors de la Coupe du monde, le meneur de jeu a été l’un des principaux artisans de la qualification des Bright Stars pour les JO. « Cela fait plus de deux ans que Royal Ivey s’appuie sur la même base de joueurs. On voit que c’est un collectif bien rodé, avec un jeu réfléchi, une défense agressive, un bon niveau athlétique, observe Cheikh Sarr. Bien sûr, le Soudan du Sud a ses défauts, fait parfois preuve de naïveté, mais sa progression est assez incroyable, même si elle n’est pas surprenante. »
« La mentalité et la rigueur de la NBA »
Le Soudan du Sud, qui a rejoint la Fédération internationale de basket-ball (FIBA) en 2013, a pu compter sur l’investissement permanent de Luol Deng, président de la fédération depuis 2019. Né à Wau, cet ancien joueur des Chicago Bulls, même s’il a porté le maillot de la Grande-Bretagne lors des compétitions internationales, est toujours resté attaché à ses racines, et son aura lui a permis de convaincre certains joueurs d’origine sud-soudanaise d’évoluer pour les Bright Stars. Il a également su trouver des ressources financières importantes, notamment du côté du gouvernement local. Ce dernier, selon différentes sources, aurait contribué à hauteur de près d’un million d’euros pour que la sélection prépare la Coupe du monde dans les meilleures conditions.
Pour Emmanuel Mavomo, ancien sélectionneur de l’Angola puis de la République démocratique du Congo (RDC), rien ne semble pouvoir arrêter la progression de cette équipe. « Il y a un projet olympique depuis quatre ans. Le Soudan du Sud est aujourd’hui au-dessus du lot en Afrique et cela devrait durer, car il a beaucoup avancé alors que les autres pays, notamment l’Angola, ont régressé. Luol Deng et Royal Ivey, qui ont la mentalité et la rigueur de la NBA, y sont pour beaucoup. »
Lors de deux confrontations entre la RDC et le Soudan du Sud, le technicien franco-congolais avait été marqué par l’attitude générale de son adversaire, sur et en dehors du parquet. « Cette sélection dégage une énergie incroyable. J’avais hâte que les matchs s’achèvent… Et j’observais également les joueurs au bar de leur hôtel : ils semblaient soudés, riaient ensemble. Ils semblent également liés par une fibre patriotique immense, une volonté de donner une autre image de leur pays. Cela leur donne selon moi une force supplémentaire. »
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