Le Burkina Faso a-t-il réellement décidé de « nationaliser toutes les industries françaises » ?

Depuis le putsch de septembre 2022, le Burkina Faso ne cesse de tourner le dos à la France.
Si bien que le gouvernement dirigé par un régime militaire aurait « nationalisé toutes les industries françaises ».
Une fausse information qui vise une nouvelle fois les intérêts français sur le continent.

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L’info passée au crible

Depuis le début de l’année, les négociations entre la France et le Burkina Faso sont au point mort. Pire, le régime militaire à la tête du pays depuis le coup d’État chercherait à renvoyer toutes les entreprises françaises de son territoire. « Le Burkina Faso nationalise toutes les industries françaises », affirme par exemple un internaute ce mercredi 10 juillet. Une rumeur vue des millions de fois.

Cet internaute affirme à tort que le Burkina Faso a décidé de nationaliser toutes les industries françaises, le 10 juillet 2024 – Capture d’écran / Les Vérificateurs

Diffusée en anglais et en français sur les réseaux sociaux, cette affirmation n’est accompagnée d’aucune source. Et pour cause, malgré nos recherches, nous n’avons retrouvé aucune trace d’une telle annonce du capitaine Ibrahim Traoré, au pouvoir à Ouagadougou depuis septembre 2022. Aucune preuve non plus d’une telle volonté à travers les différents comptes-rendus de Conseil des ministres, que nous avons épluchés. Alors d’où vient cette fake news ?

Une information créée de toutes pièces

Devenue virale le 5 juillet, avec une publication en anglais vue 2,5 millions de fois, la première occurrence que nous avons pu identifier remonte en réalité au matin du 1ᵉʳ juillet. Sur Facebook, la page « Ovajab Media » assure auprès de ses 500.000 abonnés que le Burkina Faso « s’oriente vers la nationalisation de toutes les industries et secteurs français afin de garantir que cela profite à la population » du pays. Une source peu crédible, à en croire les fausses informations partagées par le passé. Présenté comme le « site 100% panafricain », le média n’a d’ailleurs publié aucun article pour étayer cette allégation.

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Reste que les appels à une plus grande souveraineté et au rejet de l’ancienne puissance coloniale sont bien au cœur de la rhétorique des dirigeants de la junte depuis septembre 2022. Après avoir exigé le départ des soldats déployés sur son sol et expulsé des diplomates, le régime s’est rapproché de la Russie, mais aussi de l’Iran et de la Turquie et de ses deux voisins, le Niger et le Mali.

Une quête de « souveraineté » qui passe effectivement par plusieurs nationalisations. Dès novembre 2023, le Burkina Faso annonçait prendre des mesures pour nationaliser le secteur sucrier, dont la seule entreprise était dans les mains d’un milliardaire sans aucun rapport avec la France. En mai dernier, il a également repris le contrôle sur la Banque commerciale du Burkina afin d’en retirer un partenaire libyen. Enfin, au cours d’une rencontre avec l’Alliance des États du Sahel, le pays a fait savoir qu’elle chercherait à créer une monnaie commune. Un rejet du franc CFA, soutenu par la France, qui est utilisé dans de nombreux États de la région.

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Si le gouvernement du pays sahélien est bel et bien en train de tourner irrévocablement le dos à l’Occident et à la France en particulier, il n’est donc aucunement question d’une nationalisation massive de toutes les entreprises françaises. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que ce secteur économique est visé par des fausses informations. Après le putsch qui a définitivement rompu les liens entre le pays et son ancienne puissance coloniale, de nombreux internautes assuraient à tort que le régime allait « nationaliser le secteur minier » supposément dans les mains de Paris. Ils s’appuyaient alors sur une vidéo sortie de son contexte, tournée dans la mine de Perkoa, exploitée par une entreprise canadienne. À l’époque, la société avait effectivement choisi de quitter le pays à cause de difficultés financières. 

En résumé, cette infox a été créée de toutes pièces afin d’alimenter le ressentiment anti-français dans un territoire particulièrement sensible à la désinformation. Comme nous vous l’expliquions ici, ce phénomène est lié à l’instabilité de cette région où se multiplient les conflits et à l’essor des réseaux sociaux, devenus aujourd’hui accessibles grâce au smartphone. Une aubaine pour ceux qui souhaitent mettre à mal les intérêts français dans la région.

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Felicia SIDERIS

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